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EAN : 9782952018043
Repas (17/01/2008)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Fondé par Jean-Baptiste André Godin (1817 - 1888), le familistère de Guise (1870 - 1968) apparait aujourd'hui comme l'un des modèles les plus aboutis d'une alternative à l'entreprise capitaliste.
L'objet de ce livre est de montrer qu'à travers cette formidable aventure, Godin prouve qu'il est possible de permettre à chacun de bien vivre, dans un habitat confortable et par un travail digne, où il est respecté, sans passer par la violence et sans appauvrir quic... >Voir plus
Que lire après Godin, inventeur de l'économie sociale : Mutualiser, coopérer, s'associerVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Godin (1817-1888) est un « génie précurseur » mais surtout un praticien, un expérimentateur qui croit en la possibilité des individus de changer leur environnement, de le maîtriser et de se l'approprier. Il bâtit, bien au-delà du travail, une contre-société coopérative. Avec son familistère (1870-1968) qui fonctionna pendant un siècle dont surtout quatre-vingt ans après sa mort, il démontre que « sans avoir accès à la violence et sans appauvrir personne, il est possible de permettre au peuple de s'élever et de vivre décemment, dans un logement sain et par un travail digne, où il est respecté ». À ce titre, il s'impose comme « une figure majeure et méconnue de la pensée économique et sociale du XIXe siècle ».
(...)
Cette étude critique de l‘expérience du Familistère de Guise, utopie concrète qui fonctionna un siècle durant, s'appuie sur la volumineuse production théorique de Godin. Jean-François Draperi s'emploie à démontrer sa grande modernité et son exemplarité. Son exposé en intéressera certainement plus d'un.


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Jean-Baptise André Godin (1817-1888) est connu dans la littérature marxiste, hautaine et minorante, comme un socialiste utopiste (pré-scientifique) disciple de Fourier, ou bien, par les chanceux qui l'ont visitée, comme le fondateur du Familistère de Guise (Oise), une entreprise sociale et industrielle (dédiée à la production de poêles et cuisinières en fonte – la célèbre marque existe toujours) qui a fonctionné de façon auto-gérée et alternative au capitalisme pendant quasiment cent ans (1870-1968), dont quatre-vingts après son décès. Cet ouvrage a pour objet de rendre sa place à la pensée et aux réalisations de cet éminent socialiste non-violent adepte de la mutualité, de la coopération et de l'association. Il est mis en relation avec Fourier qu'il dépassa dans la création de sa cité idéale, avec Charles Gide qu'il précéda dans les fondations théoriques de « l'économie sociale », avec Marx qui, quant à scientificité, ne put se prévaloir de son empirisme, de ses expérimentations, ni même de sa connaissance intime du prolétariat, enfin avec Taylor et le taylorisme, sur le plan de l'innovation dans l'organisation du travail, afin d'en révéler la modernité et l'utilité contemporaine.
Le Familistère, ce fut d'abord une tentative d'élévation de la condition ouvrière par l'habitat et par l'éducation (instruction générale et éducation morale et civique). Sur le plan architectural, on peut encore s'émerveiller devant le « Palais Social », son confort pour l'époque et sa conformité à l'hygiénisme, sa conception destinée à briser l'isolement, l'individualisme, les atteintes à la santé et à la dignité des ouvriers, ainsi qu'en admirer les institutions annexes : pouponnière, écoles, piscine, buanderie, théâtre (en lieu et place de l'église...), jardins. le logement, réalisation du concept d'« accès aux équivalents de la richesse », était conçu comme moyen de structurer la micro-société familistérienne de manière solidaire et riche en activités récréatives collectives en-dehors de l'usine. Deuxièmement, le Familistère fonda le lien social sur la mutualité, bien avant la Sécurité sociale (1945), mettant ses adhérents à l'abri de la crainte de l'accident, de la maladie, de la vieillesse ; les ressources de cette protection sociale provinrent de la coopération de consommation et de l'épargne ainsi dégagée. Troisièmement, il se structura sur l'émancipation et la responsabilisation des salariés dans l'organisation de l'entreprise industrielle, dont la propriété leur fut entièrement dévolue par le fondateur, à titre non pas philanthropique mais de rémunération du travail (redistribution des bénéfices), du capital (dividendes et retraites), et du talent (rémunération de la participation à l'activité organisationnelle, aux « groupes d'étude », etc.), en fonction de l'engagement volontaire et sur la base de la cooptation par voie hiérarchique. À noter donc que le capital n'est pas supprimé ni ses propriétaires n'en sont spoliés, mais qu'une répartition des bénéfices productifs entre travail et capital est repensée de façon équitable, que le rachat du capital par les salariés s'opère selon des règles acceptées par tous et enfin que les décisions industrielles, coopératives, locatives et mutualistes, ainsi que l'innovation comportent la prééminence du facteur travail. le Familistère n'était cependant pas fondé sur un principe égalitaire, mais au contraire sur une méritocratie stricte et hiérarchique liée aux compétences gestionnaires et associatives, de même que la démocratie était soumise à une certaine expérimentation et à des réserves. Par contre, la paix sociale, la parité entre les genres, l'amélioration de soi et un certain esprit kantien dans les relations à autrui comptaient parmi les principes fondamentaux. Si les familistériens, d'après leurs témoignages unanimes, ont été heureux d'y travailler et d'y habiter, l'accession aux responsabilités a souvent posé problème, et ce qui semble avoir été fatal à l'expérience – l'année de sa fin ressemble a une cruelle ironie de l'Histoire – c'est « la tertiarisation [multiplication des employés et directeurs par rapport aux ouvriers] qui pèse sur la rentabilité, oriente également la gestion : elle contribue à écarter les ouvriers du conseil de gérance. » (p. 59). Douloureux et paradoxal éloignement de l'esprit des statuts, des efforts du fondateur, de l'air du temps... mais tout cela aura quand même duré plus longtemps que l'Union Soviétique, sans une seule goutte de sang versé : que l'on n'aille donc pas l'appeler une « utopie » !

Le livre est un hommage vibrant, presque une apologie de cette aventure socialiste. Un usage abondant et judicieux des citations de Godin, ainsi que des autres auteurs rend la lecture claire et abordable, même sans une connaissance préalable approfondie des mouvements mutualiste, coopératif, associatif du XIXe siècle. La mise en contexte de Godin par rapport aux philosophes politiques sus-cités est extrêmement utile, après le premier ch. : « Le Familistère de Guise et son fondateur » ; elle souligne la grandeur du penseur au-delà même de dresseur un bilan de sa réalisation historique. Peut-être peut-on regretter que la conclusion sur l'actualité de cette pensée ne soit pas développée davantage.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
« La société doit être ouverte à toutes les conceptions sociales, mais nulle d’entre elles ne doit être obligatoires pour la société toute entière. » (in La République du travail et la Réforme parlementaire – 1889)
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Godin se distingue de la majorité des penseurs sociaux qui ne conçoivent pas de changement social sans rupture, sans violence, sans lutte contre les exploiteurs. Il s’agit non pas d’imposer par la force et à tous un modèle, mais de réunir une population dans un village où seront bannies toutes pratiques qui n’expriment pas les « aspirations les plus larges, les plus élevées et les plus généreuses de l’esprit ». 
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« […] Godin croit que la démocratie ne peut fonctionner que si elle est conquise et fortement institutionnalisée. La perspective éducative est plus importante pour lui que la perspective organisationnelle. Ce n'est pas la démocratie qu'il faut établir, c'est l'éducation des hommes qu'il faut promouvoir. […] La coopération est préférée comme outil organisationnel. On note que cette hiérarchie [dans la répartition du pouvoir au sein de l'entreprise] définit un cursus coopératif dans lequel on avance : auxiliaire, participant, sociétaire, associé, membre du conseil, administrateur gérant, intéressé ; avec la possibilité d'arrêter à chaque niveau selon sa volonté et son investissement. » (pp. 52-53)
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La pensée marxiste retourne la violence capitaliste, par l’affirmation de la lutte des classes, sur le terrain de l’entreprise capitaliste. La pensée coopérative ou utopiste détourne la violence capitaliste par la mise en oeuvre d’une entreprise alternative. 
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« La société communiste ne peut exister qu’à la condition d’assujettir chacun au régime qu’elle prescrit. Dès lors, l’individu ne relève plus de lui-même, mais de la règle commune ; sa liberté est anéantie. » (in Solutions sociales – 1871)
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Video de Jean-François Draperi (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-François Draperi
Intervention de Jean-François Draperi sur le thème de l'économie sociale face à la crise dans le cadre de l'université d'automne de la Ligue de l'enseignement.
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