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Citations sur Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon (474)

La prison sommeille, les gardiens et les détenus dorment, il n'y a que moi qui veille avec à mes côtés Winona, Nouk et le pasteur. Je les ai attendus le temps qu'il a fallu. Maintenant ils sont là. Mes yeux sont grands ouverts. J'ai tant de choses à dire. Leur compagnie est, et sera, tout ce qui me reste.
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Je partage cet enclos avec Patrick Horton, un homme et demi qui s’est fait tatouer l’histoire de sa vie sur la peau du dos – Life is a bitch and then you die – et celle de son amour pour les Harley Davidson sur l’arrondi des épaules et le haut de la poitrine. Patrick est en attente de jugement après le meurtre d’un Hells Angel appartenant au chapitre de Montréal, abattu sur sa moto par ses amis qui le soupçonnaient de collaborer avec la police. Patrick était accusé d’avoir participé à cette exécution. Eu égard à ses intimidantes proportions et à son appartenance à cette mafia des motocyclettes possédant un superbe catalogue de meurtres et d’assassinats à son actif, tout le monde s’écarte respectueusement devant Horton comme s’il s’agissait d’un cardinal lorsqu’il déambule dans les couloirs du secteur B. Connu pour partager l’intimité de sa cellule, je jouis dans son sillage du même respect que ce drôle de nonce.
Cela fait deux nuits que Patrick gémit durant son sommeil. Il souffre d’une dent et ressent les élancements caractéristiques d’un abcès. Il s’est plaint de cette douleur à plusieurs reprises auprès du gardien qui lui a finalement fait porter du Tylenol. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne se faisait pas inscrire sur la liste d’attente du dentiste, il m’a dit : « Jamais. Si tu souffres d’une dent, ici ces fils de pute ne te soignent pas la dent, ils te l’arrachent. Si tu souffres de deux dents, c’est pareil, ils t’arrachent les deux. 
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INCIPIT
La prison de la rivière
Il neige depuis une semaine. Près de la fenêtre je regarde la nuit et j’écoute le froid. Ici il fait du bruit. Un bruit particulier, déplaisant, donnant à croire que le bâtiment, pris dans un étau de glace, émet une plainte angoissante comme s’il souffrait et craquait sous l’effet de la rétraction. À cette heure, la prison est endormie. Au bout d’un certain temps, quand on s’est accoutumé à son métabolisme, on peut l’entendre respirer dans le noir comme un gros animal, tousser parfois, et même déglutir. La prison nous avale, nous digère et, recroquevillés dans son ventre, tapis dans les plis numérotés de ses boyaux, entre deux spasmes gastriques, nous dormons et vivons comme nous le pouvons.
Le pénitentier de Montréal, dit de Bordeaux pour avoir été construit sur l’ancien territoire d’un quartier éponyme, est situé au numéro 800 du boulevard Gouin Ouest, à la lisière de la rivière des Prairies. 1 357 détenus. 82 mis à mort par pendaison jusqu’en 1962. Autrefois, avant que l’on édifie cet univers de contention, l’endroit devait être magnifique, avec ce qu’il fallait de bouleaux, d’érables, de sumacs vinaigriers et d’herbes hautes couchées par les passages des animaux sauvages. Aujourd’hui, les rats et les souris sont les seuls survivants de cette faune. Et puisque telle est leur nature peu regardante, ils ont repeuplé ce monde clos fait de souffrance encagée. Ils semblent parfaitement s’accommoder de la détention et leur colonie n’a cessé de s’étendre dans toutes les ailes des bâtiments. La nuit, on entend distinctement les rongeurs œuvrer dans les cellules et les couloirs. Pour leur barrer l’accès, nous glissons des journaux roulés et de vieux vêtements sous les portes ou devant les trappes d’aération. Mais rien n’y fait. Ils passent, se glissent, se faufilent et font ce qu’ils ont à faire.
Le type de cellule dans laquelle je vis est surnommé un « condo », ce qui veut dire un « appartement ». Si l’on a affublé cet espace de ce vocable ironique, c’est parce qu’il est doté d’une surface légèrement supérieure au modèle standard, lequel parvient à comprimer ce qui reste en nous d’humanité dans quelque 6 mètres carrés.
Deux lits superposés, deux fenêtres, deux tabourets scellés au sol, deux tablettes, un lavabo, un siège de toilette.
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De son pays d’accueil, [mon père] aimait par-dessus tout la langue qu’il utilisait avec un infini respect et une grande justesse grammaticale. Pour le reste, il semblait avoir les pires difficultés à trouver une vie à sa taille. Il disait souvent que, de toutes les nations qu’il connaissait, la France était le pays qui avait le plus de difficulté à s’appliquer à lui-même les vertus républicaines et morales qu’il exigeait des autres. […] Il avait également beaucoup de mal avec l’arrogance, l’aptitude au mensonge et la déloyauté qu’il disait voir ruisseler de nos gouvernements. Quant à nos hommes politiques, il ne pouvait les imaginer que barbotant dans les thermes de la corruption et de la compromission. (p. 61-62)
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L'air libre, par définition, n'entre jamais ici. Nous respirons nos haleines en vase clos, de souffles communs chargés d'éclats de poulets bruns et de sombres projets.
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La vie, c'est comme les canassons, fils : si elle t'éjecte, tu fermes ta gueule et tu lui remontes dessus tout de suite.
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De ces premiers temps d'apprentissage j'ai retenu une leçon tout simple : les immeubles d'habitation ressemblent souvent aux gens qui les habitent et qui aiment qu'on leur ressemble.
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Le malheur offrait tout un choix de variables et de couleurs.
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Ils vieillissaient. Tous n'en mourraient pas, mais tous étaient atteints.
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Ça s'appelle la psychokinèse. Je me suis documenté dessus. Mon copain ça fait des années qu'il pratique. En fait, il peut pas déplacer des trucs, je veux dire les faire aller d'un côté ou de l'autre. Ça, c'est impossible. En revanche il tord n'importe quoi. Enfin, faut pas que ce soit trop épais non plus. La cuillère ou la fourchette, pas de problème. Mais à tournevis par exemple, il peut pas. Je l'ai vu plusieurs fois se concentrer sur un putain de tournevis. Il peut y passer une, voire deux heures. Rien. Et en plus Il finit crevé, épuisé, couvert de transpiration. Du coup sa femme les lui cache, les tournevis.
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