Après l'excellent
L'art du meurtre et le sanglant
le sang des Belasko, j'étais impatiente de découvrir le nouveau roman de Chrystel Duchamp, une autrice dont j'apprécie le travail et la plume. de nouveau, sa plume s'est révélée aussi addictive que redoutable, l'autrice réussissant toujours à tisser autour des lecteurs une sorte de toile grisante dont les fils se resserrent jusqu'à craquer pour dévoiler l'indicible vérité.
Après un prologue mystérieux présentant différents personnages dont on ne peut s'empêcher de chercher le lien pouvant les unir, l'autrice nous présente une tragique, mais en apparence banale, histoire de disparition. Esther, la soeur d'une auteure de thriller, a disparu en laissant chez elle ses papiers et son téléphone portable ! Devant l'inertie de la police qui lui rappelle que tout adulte a le droit de disparaître, Anaïs se tourne vers Thomas Missot, ami et commandant à la PJ de Lyon… Celui-ci sollicite alors l'aide d'une ancienne collègue l'impliquant dans une affaire qui va dépasser l'entendement.
Car loin de rester cantonner à une seule disparition, l'autrice les multiplie… Commence alors une enquête sur les pistes d'un tueur en série dont les motivations restent à déterminer. Y a-t-il un message derrière les langues coupées des femmes mortes retrouvées ? Comment et pourquoi choisit-il ses victimes ? D'ailleurs, les victimes le sont-elles toutes ou certaines jouent-elles un rôle dans cette farce macabre à l'instar d'Esther sur laquelle le commandant commence à avoir des doutes ?
Je me suis tout de suite sentie investie dans l'enquête, mais j'ai surtout apprécié de suivre le fil des pensées de Thomas, découvrir ses doutes et ses incertitudes, d'autant que plus les mois défilent, plus la situation semble inextricable. Je n'entrerai pas dans les détails pour vous laisser le plaisir de la découverte, mais l'autrice va opérer un surprenant et audacieux changement dans le fil de son intrigue. Avec un sens de la mise en scène indéniable et une très bonne gestion du suspense, l'enquête sur ces disparitions et meurtres de femmes va glisser vers quelque chose de bien plus macabre, effroyable et fascinant.
L'autrice va ainsi s'inspirer de faits réels pour aller plus loin dans l'horreur et imaginer un scénario diabolique dans lequel l'art de la vengeance prend une portée inédite. La police semble d'ailleurs désemparée, mais Thomas fera de son mieux pour lier des événements en apparence indépendants et lever le voile sur le visage du mal. Je dois dire que je n'avais pas anticipé la révélation finale et que si elle a quelque chose de grandiose, elle n'en demeure pas moins réaliste. Pour moi, c'est le parfait exemple de la manière dont certains instrumentalisent le désespoir des autres pour arriver à leurs fins et commettre des atrocités. Si je n'ai évidemment pu approuver les décisions extrêmes de certaines personnes, j'ai néanmoins compris leur logique… Quand la justice défaille, que reste-t-il si ce ne sont des représailles ?
En plus de nous offrir une intrigue menée tambour battant, rythmée par des chapitres courts presque nerveux, Christel Duchamp évoque dans ce roman des thématiques difficiles et sensibles comme les violences faites aux femmes. le viol est ainsi régulièrement mentionné même si aucune scène n'est explicitement détaillée. Difficile de ne pas être touché par les victimes, de ne pas être ulcéré devant la manière dont leur parole est remise en question, notamment par les personnes censées les protéger, et devant l'impunité de certains qui se victimisent quand ils sont bourreaux…
L'autrice aborde également, bien que brièvement, le mal-être de toute une profession dont le travail n'en demeure pas moins indispensable. Un travail que le commandant Thomas, formé à l'ancienne, prend très à coeur au point d'avoir sacrifié sa propre vie de famille. J'ai apprécié sa personnalité loin du stéréotype du policier cynique et désabusé porté sur la bouteille. Humain et très impliqué dans son travail, peut-être trop, il fait de son mieux avec son équipe, tout en jonglant avec sa fille qui semble se ternir et maigrir dangereusement de jour en jour…
J'ai été touchée par la détresse de ce père qui arrive à faire parler des suspects, mais pas sa fille qui se claquemure dans le silence et une forteresse intérieure aux murs infranchissables… À travers ce commandant, l'autrice apporte une dimension humaine et personnelle qui joue incontestablement dans l'envie que l'on ressent à tourner les pages, d'autant qu'une fois la fin amorcée, on réalise que rien n'a été laissé au hasard ! Comme à son habitude, l'autrice, en quelques mots, termine son roman en insufflant à ses lecteurs un sentiment glaçant d'effroi. C'est un peu sa marque de fabrique et cela rend ses romans toujours très marquants.
En conclusion, Christel Duchamp signe ici un nouveau thriller particulièrement bien ficelé qui, sous couvert d'une enquête classique sur des disparitions et meurtres, met en place un plan machiavélique de grande envergure. Porté par un policier très humain qui va devoir jongler entre son travail et des problèmes familiaux,
Délivre-nous du mal nous offre une lecture divertissante, addictive et effroyable de par son réalisme, tout en évoquant des thématiques difficiles comme les violences faites aux femmes… Rythmé, prenant et diabolique, un roman qui porte à merveille son nom, le mal pouvant s'écrire de différentes façons et revêtir bien des apparences, l'une n'excluant pas l'autre.
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