Certaines rencontres sont originales et stimulantes, parfois même inattendues, voire impossibles.
C'est passage Dauphine à Paris que
Jean Duché a fait une de ces étranges rencontres.
En bas de chez lui, une femme avait élu domicile dans une fourgonnette hors d'usage avec une demi-douzaine de chats.
Une femme intrigante !
Ne vivait-elle que d'aumônes ?
Faisait-elle le tapin ?
Était-elle jolie, était-elle laide ?
Était-elle encore jeune ou déjà vieille ?
Venait-elle d'un autre monde que celui de la cloche ?
Tous les jeudis, elle se tenait à la porte de l'Institut, guettant la sortie des académiciens ...
En remerciement d'une récitation de quelques vers de Racine et d'un verre de beaujolais offert à la terrasse du café des Deux Magots, puis d'un boeuf gros sel chez Lipp, cette femme a jugé que
Jean Duché était digne d'entendre son histoire.
Voilà tout le propos de ce livre original, stimulant et inattendu.
Car ce livre est le récit d'une conversation, qui file, qui s'interrompt, qui parfois ne se laisse pas interrompre ...
Cette femme prétend avoir huit cents ans, peu ou prou.
Mais elle ne peut pas dire avec exactitude la date de sa naissance.
Elle prétend être la langue française !
Cette femme est folle, c'est clair comme de l'yaue de roche.
Et pourtant ...
Ce livre malicieux est un petit bijou d'humour et d'érudition.
"les mémoires de madame la langue française" racontées par elle-même et recueillies par
Jean Duché qui est sous le charme.
C'est un enchantement littéraire délicieusement réac, qui se situe à l'exact carrefour entre Histoire et réflexion.
C'est à lire en flânant, sans précipitation aucune.
Les grands auteurs sont tous invités.
Villon d'abord qui fût de cette femme un frère de la cloche.
Et
Anatole France, bien sûr, qui écrivit que "la langue française est une femme. Et que cette femme est si belle, si fière, si modeste, si familière, si folle, si sage, qu'on l'aime de toute son âme et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle".
Si au terme de cette belle lecture, la lectrice, le lecteur de ce livre avait la prétention d'en savoir plus sur cette femme,
Jean Duché épaissit à nouveau le mystère par un énigmatique épilogue appuyé d'abord sur un vieil ouvrage, "Histoire de la langue française" de
Ferdinand Brunot et
Charles Bruneau, paru en 1905 ...
Et sur un second, embroché sur un morceau de ressort, "la langue française, clocharde" par Françoise de Morille ...