Que dire qui n'a pas été dit sur un roman tel que celui-ci ? Rien, aussi ma chronique sera-t-elle relativement courte et uniquement personnelle.
Ce roman, qui m'a occupée la majeure partie du mois d'août, s'est révélé prenant de la première à la dernière page, en passant par diverses tonalités.
Dans les premiers chapitres, je me suis réjouie de ce portrait éminemment sympathique d'Edmond Dantès : celui d'un jeune marin honnête, jovial, déterminé, aimé de ses hommes, empli de l'amour pour son vieux père et pour Mercédès. Suite à cette rencontre, on ne peut que l'apprécier, être émue de ses malheurs injustes, de son incompréhension, de sa naïveté parfois, et se prendre d'intérêt pour son sort.
Lors du passage de son incarcération, nous ressentons aussi bien son hébétude, sa révolte, sa résignation, ses pensées de mort, et puis cette rencontre qui changera tout, cette lumière dans l'obscurité des geôles du terrible château d'If. Cette partie est celle dont j'avais le plus de souvenir de ma première lecture.
Puis arrive le temps de la vengeance quand, quelques années après, notre regard se tourne vers ceux dont la mauvaise action a été récompensée par les succès militaires, politiques et financiers. Certes, l'identité de Simbad le marin ou de l'abbé Busoni ne nous trompe pas, pas davantage que celle du mystérieux comte de Monte-Cristo, mais son arrivée près des anciens persécuteurs montés en grade n'en est pas moins plaisante. J'ai suivi avec intérêt le comte tisser sa toile, tendre une main a priori bienveillante vers telle ou telle personne, tirer les premiers fils. On se prend à chercher le but de chaque action, les conséquences de tel geste ou de telle parole, tandis que des révélations, des coïncidences qui n'en sont évidemment pas, se dévoilent au fil des chapitres et tiennent en haleine faisant rebondir le récit quand il pourrait s'essouffler. La machinerie millimétrée et sans pitié est étrangement réjouissante, avouons-le.
Et puis, vient ce temps aussi grandiloquent que sublime des révélations de son identité véritable. Ce temps, terrible pour ses ennemis, qui signe le retour d'Edmond et, avec lui, le retour des doutes et des souffrances, le retour de l'homme derrière le vengeur omnipotent. Des pages parfois purement enthousiasmantes, parfois bouleversantes.
Je retiendrais en plus :
- le cadre de la première partie qui se déroule pendant la Restauration et les Cent jours – période si superficiellement étudiée en études secondaires, mais que je commence à mieux connaître grâce aux romans –, période marquée par une forte instabilité gouvernementale qui perdra Edmond Dantès pris dans le jeu des loyautés à l'empereur ou au roi ;
- la plume de Dumas, à la fois fine (en dépit de quelques redondances) et traversée de traits d'humour et de bons mots, traçant des portraits vivants en peu de lignes ;
- la fascinante figure du comte, impénétrable la plupart du temps, émouvant lorsqu'une émotion transparaît, prisonnier de sa vengeance qui induit une solitude quasi absolue, dont la main bouge ses pions humains comme d'autres mains ont un jour disposé de lui. de la sympathie que l'on a pour Edmond Dantès et au-delà de l'aspect réjouissant de ses plans machiavéliques, on en vient à s'interroger sur la mégalomanie du comte qui se présente comme la main de Dieu pour punir les méchants. (Certes, je dois bien avouer que je trouve sa fortune absolument délirante un peu trop facile, mais c'est un défaut que je peux pardonner à Dumas, tout comme les personnages d'Ali ou Haydée… avec qui Dantès entretient des relations des plus périmées…)
Ainsi, dans l'action comme dans l'introspection, dans l'aventure – avec des lieux emblématiques, d'un cachot obscur à des récits d'Orient en passant par une île déserte et un repaire de bandits romains – comme dans les émotions (celles éprouvées par les personnages comme par nous), Dumas – avec la collaboration d'
Auguste Maquet – tisse un roman toujours passionnant et profondément enthousiasmant, porté par des scènes absolument grandioses.
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