Le trait dominant de l'art aux Pays-Bas fut toujours un réalisme étroit et solide. Le mysticisme ardent et raffiné de certains gothiques lui-même cherche sa source dans l'observation directe de la vie et des objets familiers. La splendeur sensuelle de Rubens, comme la précieuse élégance de Van Dyck, ont leurs racines dans le spectacle quotidien d'une richesse marchande qui veut paraître et s'étaler. De nos jours enfin, le paysage et tous les petits genres réalistes sont infiniment plus brillants en Belgique que ce que l'on est convenu d'appeler « la grande peinture ».
Sa conception personnelle de l'art, aussi bien que ses moyens d'expression, contribuent donc à le situer hors cadre. Dans un livre récemment paru, un critique allemand, M. Richard Muther a cru voir en Fernand Khnopff « le rejeton au sang bleu de l'antique civilisation belge qui ne tire pas de la vie, mais de l'art des anciens, le parfum morbide et fané de ses œuvres». Étrange méconnaissance d'un tempérament national et d'une tradition auxquels l'oeuvre et la personnalité même de M. Khnopff font le plus frappant des contrastes.