Marguerite Duras retombe toujours dans ses tropes habituels, mais ici elle s'en éloigne bien qu'en figurant toujours dans un schéma de reprise constante. le récit se fait là assez léger, j'ai trouvé, dans une petite famille triviale bien qu'un peu dérangée – je ne pense pas que c'était du dérangement comme une folie, mais plutôt comme un malheur dont ils ont conscience sans vraiment savoir réellement sa nature ou comment y remédier. Exemple parfait de son phénomène de reprise,
La Pluie D'Eté, sorti en 1990, est la réinterprétation d'un film que
Duras a réalisé dans les années 80 et qui s'appelle Les Enfants, qui était lui-même une réinterprétation d'un album pour les enfants par la même auteure – nommé
Ah ! Ernesto – sorti en 1971. Dans un souci de renouvellement de l'esprit, une note de fin est ajoutée au texte sous le nom de l'auteure en expliquant son contexte d'écriture et ses ajouts. le livre aborde un sujet étrangement jamais abordé dans l'Oeuvre de
Duras, le sujet de l'intelligence qui parfois dépasse des champs d'entendement – c'est un sujet rare après tout. Cette intelligence qui apporte tant, en réalité, dévêt complètement son propriétaire qui, en s'intéressant à tout, ne s'intéresse plus à rien. J'ai trouvé les mots de
Marguerite Duras tellement justes pour décrire un tel phénomène, c'était très intéressant à lire. Il y avait aussi une inquiétude du lecteur et de Jeanne concernant le départ d'Ernesto qui se fait inévitable dans la vie – topique déjà présent dans son
Agatha, où l'inceste était déjà résultant d'une solitude extrême. Ces deux textes sont très proches dans le style et dans le destin des « enfants », bien que le ton donné soit divergent. le pauvre Ernesto est comme sommé d'aller à l'école, dans sa jeunesse, car c'est obligatoire. Ses parents l'y mettent, mais celui-ci déserte au bout de quelques jours car on ne lui apprend que ce qu'il ne sait pas. Quelle phrase significative ! Elle sera évidemment reprise de très nombreuses fois dans le texte avec, l'accompagnant, des interprétations offrant une polysémie des mots. Alors il cherche des moyens pour survivre, et là nous retrouvons la racine des oeuvres de
Marguerite Duras : la survie. D'habitude, survie de
l'amour, du sentiment, de l'humanité (d'une simple personne), ou encore de la raison. Ici, survie de l'intellect, pour ne pas devenir fou, fuir l'ennui. On fuit l'ennui aussi dans les relations humaines, mais quand on ne connait personne on se réfugie dans les retranchements, et la fratrie. L'inceste est très fin, évidemment, presque chuchoté – bien plus que dans
Agatha où il était presque hurlé.
Ce texte de
Duras aura été, comme toujours, une bonne expérience. Ouvrage tardif, il multiplie les lectures, et les genres narratifs : on passe de la narration romanesque à la narration théâtrale pour conter l'inénarrable, la fuite de l'ennui, la différence intellectuelle, la surbrillance au sein d'une famille, le refuge dans l'être aimé du même sang… C'est touchant, même si assez léger ! {17}
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