AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,93

sur 174 notes
5
5 avis
4
7 avis
3
0 avis
2
1 avis
1
1 avis
D'abord, il y a la mer. Toujours la mer dans les romans de Duras. Elle est là. présente: les vagues, les marées.
Puis il y a les humains. Témoins d'une inévitable absence. Oui, c'est ça. L'absence. Il y a le corps de la femme offert, il y ce corps que l'homme cherche, ne fût-ce que le voir, approcher la sensualité qu'il peut dispenser.
Ce corps qu'il ne rejoint jamais.
Il y aurait aussi l'amour, la possibilité de l'amour, la pensée de l'amour, juste le vocable...
Il y a le sommeil, réparateur, insouciant.
Il y a les mots que l'on attend, le dialogue qui n'en est jamais un, les questions sans réponses, les paroles en trop.
Mais il y a la violence, contenue, à fleur de peau, comme un possible ailleurs.
Il y a surtout la mort, celle que l'on porte en soi depuis toujours, celle que l'on attrape. Celle que l'on peut donner. La Maladie de la mort.

Commenter  J’apprécie          294
C 'est l'été. Je suis au Cap d'Agde où je travaille comme serveur dans un bar. Ma famille est en vacances dans la petite maison que nous louons là-bas depuis longtemps, bien avant que n'existe la station balnéaire que l'on connaît aujourd'hui pour de très mauvaises raisons.
Je fais l'ouverture du bar, le matin, et j'ai donc mes après-midi libres.
Alors je vais à la plage, me reposer en prévision du coup de feu du soir.
Je ne sais pas comment ce livre est là, un jour, entre mes mains.
J'aime Duras. J'ai été littéralement soufflé par le Marin de Gibraltar. J'aime cette tristesse sourde qui baigne chacune des pages de ses grands romans, ceux du début.
La Maladie de la Mort me cueille comme un coup de poing. Cette "mer noire" est là, devant moi, tandis que je tourne les pages. La peau de cette femme est blanche et je vois l'homme comme un squelette torturé, noueux, inatteignable dans sa douleur. Je suis à la fois cet homme et cette femme, la plage n'existe plus, ni ses bruits ni ses conversations anodines. Il n'y a que moi et ce livre. Moi et mes doutes. Ce livre et sa mélancolie profonde.
C'est mon livre préféré de Duras. Un long cri totalement désespéré. Superbe.
Commenter  J’apprécie          210
N°806 – Septembre 2014.

LA MALADIE DE LA MORT - Marguerite DURAS - Les éditions de Minuit.

C'est une sorte de drame intime qui se déroule dans une chambre d'hôtel au bord de la mer entre une femme apparemment payée pour être là, pour se soumettre et un homme, incapable d'aimer et qui lui dicte ses volontés. Dans cette relation à la fois simple et compliquée il y a des rites. Tous les soirs, la femme arrive, se couche nue dans le lit de l'homme et elle s'endort. L'homme la regarde dormir. Ils parlent peu et cette absence de dialogue semble être aussi une règle édictée par l'homme à moins qu'il n'aime que le silence. Il lui arrive de lui faire l'amour mais apparemment c'est sans joie, un peu par hasard et quand la jouissance est au rendez-vous pour elle, il ne veut pas qu'elle le montre ni même qu'elle y fasse allusion. Ils ne savent rien l'un de l'autre et veulent continuer ainsi et l'absence de nom souligne cette notion impersonnelle. Il arrive à cet homme de ne pas la toucher, de la laisser dormir, de la regarder de loin et de pleurer. Il pleure sur lui, sur son incapacité à aimer les autres et les femmes en particulier. Apparemment cette femme n'est pas une prostituée, ou alors nous avons affaire à quelqu'un d'intellectuellement supérieur, mais cette relation est cependant tarifée ce qui ne manque pas d'ambiguïté. Je peux imaginer que cet homme invite cette femme à venir le rejoindre pour assouvir une passion autre que charnelle qui peut parfaitement être de nature fantasmatique ou purement intellectuelle. Quant à elle, l'auteur semble lui conférer un rôle « thérapeutique ». Elle aurait un diagnostique naturel : non seulement elle lui révèle qu'il est atteint de la maladie de la mort parce qu'il lui est impossible d'aimer mais aussi qu'elle a accepté de venir auprès de lui pour l'en délivrer. Cette maladie est mortelle « en ceci que celui qui en est atteint ne sait pas qu'il est porteur d'elle, de la mort. Et en ceci aussi qu'il serait mort sans vie au préalable à la quelle mourir, sans connaissance aucune de mourir à aucune vie » ».  Veut-elle nous dire que la vie est une maladie mortelle ? Nous le savions déjà !

L'homme semble en effet être dans un état psychologique catastrophique et tente sans doute de s'en sortir par cette expérience qui paraît promise à l'échec mais qui est assurément la dernière avant sa mort qu'on peut entrevoir. Il me semble d'ailleurs que les draps dans lesquels repose la femme peuvent signifier une sorte de linceul, le sommeil peut-être regardé comme l'antichambre de la mort, les pleurs répétés de l'homme, évoquer le chagrin inspiré par une perte irrémédiable, la lumière à l'intérieur de la chambre évoquer pourquoi pas la lueur d'un tombeau. J'observe que la mer est noire mais sans majuscule, ce qui peut signifier qu'on est au bord de n'importe quel océan mais surtout que la couleur choisie veut rappeler le deuil. L'élément liquide quant à lui peut évoquer le passage vers autre chose, vers un autre monde que les mythologies ont souvent repris à leur compte. Ainsi l'idée de la mort est-elle incarnée alternativement par l'homme et par la femme mais à un certain moment il désire la tuer parce qu'elle incarne la vie, une vie qu'il ne peut atteindre ou qui se refuse obstinément à lui ! Les indications scéniques de la fin du roman peuvent être ainsi interprétées.

Une partie du texte est écrit au conditionnel surtout quand il s'agit de la femme, de sa conduite face à l'homme. L'auteur y mêle également le présent et interpelle son lecteur, le mettant à la place de l'homme. J'ai eu beaucoup de mal à sentir ce rôle. Quant à la rédaction, elle est hachée, difficilement lisible et ne procure pas, à mon avis une lecture agréable.

Je concède qu'il y a parfois des moments poétiques, surtout quand l'homme regarde avec crainte la nudité de la femme [« Vous regardez cette forme, vous en découvrez en même temps la puissance infernale, l'abominable fragilité, la faiblesse, la force invincible de la faiblesse sans égale »] mais son regard se fait obsessionnel quand il pose avec insistance ses yeux son son sexe et sur ses seins, ce qui trahit une sorte de refoulement. Cela se transforme évidemment en images érotiques mais avec une notion d'impossibilité. D'ailleurs il lui avoue qu'il n'a jamais regardé, désiré ni possédé ni bien sûr aimé une femme avant elle. Elle est en quelque sorte en elle-même une prise de conscience du mal que l'homme porte en lui et quand cela est formulé par elle, la chambre s'éclaire. A partir de ce moment, il y a entre eux une sorte d'échange, d'explication autour du concept de l'amour [« Vous demandez comment le sentiment d'aimer pourrait subvenir. Elle vous répond : peut-être d'une faille soudaine dans la logique de l'univers. Elle dit : par exemple d'une erreur. Elle dit : jamais d'un vouloir »]. Cela étant dit, elle disparaît sans espoir de retour, ne laissant qu'une empreinte froide dans les draps, mais le ciel pour l'homme s'éclaircit comme si le passage de cette femme dans sa vie, y compris dans sa dimension sensuelle et érotique, avait été une révélation et même une libération, une sorte de retour à la vie.

J'avoue que je n'ai jamais beaucoup aimé Marguerite Duras. J'ai toujours refusé de lui trouver du talent au seul motif que la presse spécialisée avait été soudain laudative, surtout après son prix Goncourt. Les romans successifs que j'ai lus d'elle m'ont laissé indifférent, tout comme celui-ci. Je n'ai peut-être rien compris, je suis peut-être passé à côté d'un chef-d'oeuvre mais, même s'il peut m'arriver à moi aussi d'être dans un état un peu second, j'avoue qu'une lecture attentive de ce roman ne m'a pas procuré la moindre émotion. Était-ce une étude sur le fantasme masculin, le désir inassouvi, l'impossibilité de conquérir une femme, de la posséder autrement qu'en la payant, un rappel de la supériorité sensuelle et esthétique voire intellectuelle de la femme ? Peut-être ! Si c'était pour nous rappeler que nous sommes mortels, ce n'était pas la peine d'en faire tant. Si c'est pour nous dire qu'elle sentait sur elle l'ombre de la Camarde, là c'est parfaitement respectable, mais ce roman m'a laissé, un peu comme à chaque fois, un goût d'inachevé, de vide, de malaise. C'était sans doute son but ?


Commenter  J’apprécie          173
"La maladie de la mort" est le récit d'un huis clos mettant en scène un homme incapable d'aimer et une femme payée pour se soumettre à ses volontés durant plusieurs nuits passées à l'hôtel.
Tous les soirs se tient le même cérémonial, la femme arrive, s'étend nue sur le lit et s'endort.
L'homme la détaille, la touche, dort et pleure contre son corps, la regarde à nouveau mais sans jamais la voir.
Ils se parlent parfois, jamais très longtemps, il veut comprendre, elle lui révèle qu'il est atteint de la maladie de la mort.
Arrivera-t-il à guérir auprès d'elle?

Voilà un texte magnifique, très court mais qui mérite d'être lu en prenant le temps de la réflexion.
La situation de huis clos que dépeint ce récit laisse entrevoir au lecteur l'intimité de deux êtres pourtant "seuls l'un avec l'autre", dans leurs mots comme dans leurs gestes, mais sans jamais tomber dans le voyeurisme car l'homme dont il est ici question c'est le lecteur.
En faisant parler son personnage masculin à la 2ème personne du pluriel, l'auteure nous invite à envisager notre propre (in) capacité d'aimer (émotionnellement et physiquement), notre relation au corps, à l'autre voire même au monde.
Mais rien n'est jamais imposé car une partie du texte est rédigée à la forme conditionnelle, laissant le lecteur libre de s'identifier ou non au personnage.
Il ne se passe pas grand chose dans le récit et pourtant je n'ai à aucun moment ressenti de l'ennui tant l'auteure parvient avec simplicité et justesse à faire éprouver chaque sensation comme à faire parler les silences.
Les personnages ne se parlent pas beaucoup mais l'histoire continue malgré tout, chaque nuit se ressemble mais n'est pourtant jamais exactement la même.
Un texte qui m'a beaucoup touchée et que je ne suis pas prête d'oublier.
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
Commenter  J’apprécie          100
Ce livre, que j'ai lu d'emblée comme une pièce de théâtre, se compose des propos rapportés par le narrateur (très rarement en discours direct mais sans guillemets) entre « la jeune fille des nuits payées », nue sur des draps blancs, nommée Elle et détentrice du savoir, et l'homme atteint de « la maladie de la mort », désigné comme Vous.
Il est une magistrale illustration de deux principes fondamentaux de notre pensée contemporaine (psychanalytique ? philosophique ?) : que la relation sexuelle n'existe pas (Lacan) – car il ne s'agit pas de relation ; que l'incapacité d'aimer, condition pathologique, coïncide avec la mort.
Tout est dit. Magistralement.
Commenter  J’apprécie          90
Etranger à l'amour, à ses secousses, à sa folle étrangeté, à ce qu'il contient de démesuré, un homme décide de payer une femme pour passer quelques nuits avec lui. Là, dans la chambre close d'où nous parviennent au loin les échos infinis de la mer, il décide de faire l'expérience de l'amour. Il veut savoir, l'observer, le disséquer, le connaître. Il veut s'en approcher, le toucher, être touché.
Jusqu'ici, il n'avait rien ressenti. Jamais. Pas une fois. Absent de l'amour des femmes qui le laissait étranger à lui-même et à ces sentiments qui jaillissent et s'emparent de l'être au moment où il aime.

Dans cette chambre close, il regarde la femme offerte. Il attend. Il regarde cette femme nue devant lui, son visage sur lequel passe le plaisir. Elle lui parle, elle lui raconte le mal qui le ronge, la maladie de la mort, ce qu'elle ressent de si puissant quand lui ne fait qu'observer, impassible, ce qui est en train de se jouer. Il ne sait pas. Saura-t-il, après cela; après ces nuits passées là à la côtoyer?

La maladie de la mort est une maladie de l'amour terrible, incurable, sans remède. Aussi insondable que le fond de la mer qu'il voit noire alors qu'elle, elle entend son murmure clair…

Lien : https://unlivrepour.blogspot..
Commenter  J’apprécie          70

Une voix dans la nuit

Dans ce livre, il y a une part pour le vide, une part pour l'abîme, une autre pour le vertige.
Et la dernière, pour quiconque le feuillette !
Et moi, a chaque fois que je termine un livre de Duras, il y a tout mon coeur qui se coince, toujours au même endroit !

Chez Duras la mort peut être vécue plusieurs fois & de différentes manières, c'est un état de fait, une condition temporaire de l'être humain. Elle se caractérise par une absence d'amour, cette lacune plus au moins grave dans la vie quotidienne qui entraîne une mort sociale, une mort des sentiments !
Ainsi est le personnage central du livre, un type dans cet état de mort recherchant un souffle d'air bénéfique, auprès d'une femme qui semble être une prostituée, mais qui n'en est pas une, qui est beaucoup plus que ça. Tout se déroule dans une chambre où l'existence du monde réel n'est rappelé que par le bruit des vagues qui emmènent avec elle l'homme & la vie au fil des pages.

Un époustouflant huis-clos, une danse claustrophobe entre deux personnages en quête d'authenticité, de communication humaine impossible, jeux de pouvoir entre deux êtres qui ne font presque rien, qui ne bougent qu'au conditionnel !

La nuit, la mer & le silence. Encore, toujours, j'y ai retrouvé un peu "Les yeux bleus cheveux noirs" qui fait assurément écho à sa relation avec Yann Andréa, cet amour improbable, sulfureux & atypique.
Ou, encore le "Marin de Gilbraltar" seulement ici, c'est l'homme qui va chercher la femme partout en ville, dans les rues sans jamais réussir ni à la retrouver ni a atteindre le désir tel que MD l'entend, seulement à l'inverse de la femme, il cesse de chercher !

Lecture erronée, peut-être. Mais qu'à cela ne tienne, Duras a fini d'écrire, maintenant c'est moi qui lis. C'est mon livre, n'interprète comme je veux !
Commenter  J’apprécie          62
"Waouh" fut le premier mot prononcé après la lecture de ce très court roman.

Ce roman est une pépite qui jongle entre réflexions philosophiques sur la condition humaine, le sens de la vie, le temps qui passe, l'absence de désir, et le tout avec des phrases dignes de poésie en prose.

L'originalité du récit porte sur la narration à la troisième personne et au conditionnel et sur sa forme de huis clos.
Un homme propose à une femme de signer un contrat de nuits payées.
Elle, qui n'est pourtant pas une prostituée, accepte le marché.
C'est ainsi qu'ils vont passer plusieurs nuits ensemble à l'hôtel, durant lesquelles elle va beaucoup dormir, il va beaucoup l'observer, réfléchir, mais aussi la toucher et la pénétrer, et dialoguer.
Il lui met des interdictions qu'elle respecte aussitôt. Il semble hors de sa propre vie, en souffrance. Cette femme mystérieuse va lui dire qu'il souffre d'une maladie : la maladie de la mort.

J'imagine totalement ce roman sous forme de pièce de théâtre. Marguerite Duras a d'ailleurs imaginé la mise en scène, le décor, les sons.

Sur le site https://www.marguerite-duras.com/La-maladie-de-la-mort.php est indiqué que l'homme serait homosexuel, et qu'il achèterait un corps pour tenter d'aimer une femme.
Si c'est le cas, alors je suis complètement passée à côté de ce point durant la lecture. Mais effectivement, en relisant les premières pages dans lesquelles l'homme dit qu'il veut "essayer, tenter la chose", cela devient une évidence.

Marguerite Duras a su m'emporter dans la mélancolie de cet homme, de sa solitude et de ses doutes, dans la poésie qu'elle sait décrire dans cette chambre d'hôtel au bord de la mer Noire.
Commenter  J’apprécie          50
C'est si facile à lire Marguerite Duras et à la fois si complexe ; on aimerait être capable de dire tant en si peu de mots ; on lit ses romans d'une traite et on a tout de suite envie de recommencer.
Ce tout petit roman sur une relation amoureuse hors du commun est envoûtant, sobre et sensuel, je vous le recommande.
Commenter  J’apprécie          40
Un homme dont on ne sait rien paye une femme, qui pourtant n'est pas une prostituée, pour qu'elle accepte de se soumettre à lui pendant plusieurs jours. Elle se retrouve donc dans une chambre, au bord de la mer, nue dans le lit, se soumet à son désir, dort beaucoup, parle un peu avec lui quand il le lui autorise. Pendant ces quelques jours et nuits, il va la regarder, la toucher, lui faire l'amour, pleurer sur elle et sur lui-même, essayer peut-être de l'aimer. On ne sait rien d'eux sauf ce qu'elle lui répète : qu'il est atteint de la maladie de la mort...

Un livre qui m'a laissée totalement perplexe ! Je viens de lire un commentaire dans lequel on parle de l'homosexualité de l'homme, je n'y avais même pas pensé à la lecture, tant les deux personnages restent mystérieux, ou alors j'ai zappé une phrase... On ne sait rien d'eux, sauf que l'homme semble être dans une détresse psychologique profonde et qu'il imagine se sauver, ou accéder au bonheur ou tout du moins à un mieux être au travers de cette relation tarifée.

Suite sur Les lectures de Lili
Lien : http://liliba.canalblog.com/..
Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (467) Voir plus



Quiz Voir plus

Marguerite DURAS

Quel est le bon titre de sa bibliographie ?

L'Homme assis dans le corridor
L'Homme assis dans le couloir
L'Homme assis dans le boudoir
L'Homme assis dans le fumoir

20 questions
190 lecteurs ont répondu
Thème : Marguerite DurasCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..