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EAN : 9782707310675
155 pages
Editions de Minuit (01/11/1986)
3.52/5   250 notes
Résumé :
Une jeune femme au corps long et souple, un homme élégant, grand lui aussi. Ils se rencontrent ce soir-là dans un café de la station balnéaire. Il est désespéré, à cause de quelqu’un qu’il a vu par hasard le jour même, qui était celui qu’il attendait depuis toujours et qu’il voulait revoir coûte que coûte : un jeune étranger aux yeux bleus cheveux noirs. “ Quelle coïncidence ”, dit-elle.

Il demande à la jeune femme de venir dormir à son côté, dans la ... >Voir plus
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Elle aura soutenu cette parole jusqu'au bout . Cela a du être à la limite du supportable d'écrire ça. Aussi nettement que ça. Avec cette clairvoyance là, sous ce lustre jaune.
L'autopsie du désir. La réalité qui enveloppe le corps. L'incommutabilité de nos jouissances. Mécanique phénoménale qui règle ou dérègle le cadran astral de l'amour.
Cette folie qui maintient l'être au déséquilibre de lui même.
Il faut se couvrir de larmes pour se voir nu, et couvrir ses yeux pour ouvrir son regard.
L'amour clos, carcéral. Imprononçable, illisible, incontrôlable, irrépressible.
Un jardin fou qui se joue de l'humain.
Dans une chambre, l'homme, la femme.
Et puis ce désir que ces deux corps appellent, ce désir aux yeux bleus- cheveux noirs.
C'est là dans cet univers là que Duras dresse le théâtre de l'histoire. Une cloche de verre posée sur le sable. Elle observe et nous dit l'asphyxie de ce désir qui s'enchevêtre, se dresse, se presse, se réfugie, s'effraie, se tétanise, s'interdit, se violente, et se confie.
L'histoire d'un peuple égaré, au désespoir des jours.
C'est une écriture minérale, de celles qui sont venues d'un lointain dedans.
De celles qui n'ont pu être portées que par le ventre des millénaires.
L'écho éblouissant de nos plus secrètes profondeurs.
Suivez le conseil de l'auteure : « Lisez le livre .»,
Ce livre, « comme une fenêtre qui donnerait sur la mer. »

Astrid Shriqui Garain
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Lors d'une soirée d'été, un homme "élégant, mince et grand", aperçoit, dans le hall d'un hôtel, un jeune étranger qui a "le teint blanc des amants. Les cheveux noirs.". Ce dernier rejoint une femme, les cheveux noirs aussi. Tous deux disparaissent sur la plage, sous les yeux de l'homme, qui se met à pleurer "comme les gens désespérés dans le cinéma triste". Plus tard dans la soirée, cet homme retrouve dans un café la même jeune femme, sans la reconnaître. Il lui propose de la payer pour qu'elle vienne chez lui, dormir à ses côtés mais sans la toucher. Elle accepte et chaque soir à la même heure, vient se coucher auprès de l'homme. Dans cette chambre, tous deux vont pleurer le même homme, celui qu'elle a aimé quelques temps, celui qu'il a aimé en un instant fugace.

Les yeux bleus cheveux noirs, publié en 1986 aux éditions de Minuit, est une adaptation théâtrale de la Maladie de la mort, paru en 1982. Comme une pièce de théâtre, il est parsemé d'indications scéniques, dans lesquelles des acteurs lisent le texte, regardent tour à tour les deux héros et le public. L'action se déroule principalement dans une chambre, dans la maison de l'homme, où trône un lit, dans lequel les héros passeront plusieurs nuits à dormir, parler, se regarder... Dans ce huis-clos, deux solitudes se rencontrent et remplissent la scène de leur désespoir, leurs cris, leurs états-d'âme, leurs caresses sensuelles.

"La salle serait dans le noir, dirait l'acteur. La pièce commencerait sans cesse. A chaque phrase, à chaque mot.
Les acteurs pourraient ne pas être des acteurs de théâtre. Ils devraient toujours lire le livre à voix haute et claire, se tenir de toutes leurs forces exempts de toute mémoire de l'avoir jamais lu, dans la conviction de n'en connaître rien, et cela chaque soir.
Les deux héros de l'histoire occuperaient la place centrale de la scène près de la rampe. Il ferait toujours une lumière indécise, sauf à cet endroit du lieu des héros où la lumière serait violente et égale. Autour, les formes vêtues de blanc qui tournent." (p.49-50)

Il est question de trois personnages : l'homme, la femme et l'étranger aux yeux bleus et cheveux noirs. Depuis qu'il l'a aperçu, l'homme se consume de désir pour le jeune étranger et retrouve chez la jeune femme, les mêmes yeux. Mais il est incapable de la désirer, incapable de désirer une femme. Alors, elle se désespère d'amour et se donne à un autre homme la journée. de retour dans la chambre, elle raconte à celui qu'elle désire, les jouissances que lui a procurées cet autre homme. Au delà du désir que tous deux partagent pour le jeune étranger, c'est aussi l'histoire d'un amour impossible entre cet homme et cette femme, d'un désir contraire à la nature de l'homme qui n'aime pas les femmes.

"Je suis allé le chercher sur la plage, je ne savais plus ce que je faisais. Puis je suis revenu dans le parc. J'ai attendu l'arrivée de la nuit. Je suis parti quand on a éteint le hall. Je suis allé à ce café au bord de la mer. D'habitude nos histoires sont courtes, je n'ai jamais connu ça. L'image est là - il montre sa tête, son coeur -, fixe. Je me suis enfermé avec vous dans cette maison pour ne pas l'oublier. Maintenant vous savez la vérité." (p.36)

J'ai bien aimé l'écriture de Marguerite Duras, très particulière. Au premier abord, elle paraît très simple, avec ses petites phrases successives. J'avais peur d'être lassée par ses "il dit ça, il fait ça, il demande ça" etc. Mais, la beauté du texte se révèle dans certains paragraphes, où la sonorité accompagne les images avec volupté. La force du texte se situe dans les mots de Duras, dans les lignes sur lesquelles on s'arrête, celles que l'on relit à haute voix pour en saisir toute la poésie. Plus qu'un texte, c'est une voix que Duras donne à entendre.

"Elle est dans l'ombre, séparée de la lumière. le lustre gainé de noir n'éclaire que l'endroit des corps. L'ombre du lustre fait les ombres différentes. le bleu des yeux et le blanc des draps, le bleu du bandeau et la pâleur de la peau se sont couverts de l'ombre de la chambre, celle du vert des plantes du fond des mers. Elle est là, mélangée avec les couleurs, et l'ombre, toujours triste de quelque mal qu'elle ne sait pas. Née comme ça. Avec ce bleu dans les yeux. Cette beauté." (p.48)

En parallèle de ce texte, j'ai lu La pute de la côte normande, également publié en 1986. C'est un texte très court dans lequel Marguerite Duras explique comment elle a écrit Les yeux bleus cheveux noirs, durant l'été à Trouville, en compagnie de Yann Andréa (à qui elle a dédicacé son livre). Duras peine à écrire l'adaptation théâtrale de la Maladie de la mort qu'on lui a demandée, mais est prise durant l'été 1986, d'une frénésie d'écriture, rythmée par les cris et les disputes avec son amant et assistant Yann.

"C'est l'été 1986. J'écris l'histoire. Pendant tout l'été, chaque jour, quelquefois le soir, quelquefois la nuit. C'est à cette époque-là que Yann entre dans une période de cris, de hurlements. Il tape le livre à la machine, deux heures par jour. Dans le livre, j'ai dix-huit ans, j'aime un homme qui hait mon désir. Yann tape sous dictée. Tandis qu'il tape, il ne crie pas." (La pute de la côte normande, p. 10-11).
Lien : http://leschroniquesassidues..
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Un corps de femme nu par terre au milieu d'une chambre vide.
L'essentiel de l'action et du décor est là.
Deux êtres inconnus l'un de l'autre, d'ailleurs rien n'est connu, peu de temporalité, de notion de lieu, pas même un prénom. Ils sont étrangers l'un à l'autre et deviennent pourtant si proche, finissant par s'aimer sans que l'on parle d'amour charnel ou alors par procuration.
J'ai été emporté très loin de mes lectures habituelles, une écriture très belle, poétique. Première rencontre avec Marguerite Duras avec ce roman très court, vécu comme une parenthèse bienvenue.
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« Les yeux bleus, cheveux noirs » de Marguerite Duras, publié aux éditions de Minuits en 1986, ce sont ceux de Yann Andrea. L'histoire est celle de la passion impossible et dévorante qui la lie au jeune homme homosexuel. Dépression, amour impossible mais amour immense !
Car, comme souvent avec Marguerite Duras, ce livre n'est pas issu de son imagination mais de sa vie romancée. Il s'agit d'une tentative d'adaptation théâtrale de « La maladie de la mort » sortie 4 ans plus tôt. Cela explique pourquoi le livre contient des indications scéniques, un peu comme si les personnages se devaient de suivre les indications de l'auteure.
Il faut savoir que l'année de la publication de ce livre, Marguerite Duras a également publié « La pute de la côte normande », un texte très court qui raconte comment elle a écrit « Yeux bleus, cheveux noirs » durant l'été 1986, aux roches noires, à Trouville. Les lieux de l'histoire sont donc reconnaissables et Yann Andréa était à ses côtés. Il l'accompagnera d'ailleurs jusqu'à sa mort, 10 ans plus tard.
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Un hôtel, une ville balnéaire, des touristes.
Un homme, les yeux bleus cheveux noirs, un peu le Godot de Beckett qu'on attendait, qu'on attendra tout du long !
Puis un jeune homme qui paye une femme pour venir dormir à ses côtés, nue, seulement vêtue d'un foulard de soie noire.
Elle ne veux rien de lui, sinon peut-être, qu'il la désire, l'aime.
Il ne veut rien d'elle, sinon peut être retrouver l'homme aux yeux bleus cheveux noirs, pour qui, il a eu un coup de foudre, qui a été un peu son amant à elle. Ils pleurent le même homme, l'amant perdu !

Je vous dirais bien que tout va bien se passer entre eux, mais vous pourriez le lire & constater par vous même qu'il est douleur, intensité, lascivité, sensibilité, non-dits & bouleversement, c'est dur, mais sublimement raconté & magistralement bien écrit.
Un huit clos étouffant où je suis voyeuriste malgré moi, témoin du désespoir, de rejet, de désir inassouvi, de l'impossible !

Voyez, le malentendu avec l'amour, c'est de croire qu'il peut combler le gouffre en nous, alors que c'est l'inverse qui se passe, l'amour, ça creuse, ça érode, ça ronge ..

Comment alors s'y prendre quand on est amoureux ? Est ce que cela commence avec les yeux ? Est ce que cela passe par les lèvres ? Les doigts ?! Faut-il privilégier la voix, ou laisser sa part au silence ?!
Je crois que la gravité s'applique aussi aux sentiments, les mots font souvent de piètres parachutes. Et c'est précisément là que Duras excelle !
Ce livre est dédicacé à Yann Andréa, son amant homosexuel, elle dira à la presse à-propos du livre "C'est l'histoire d'un amour, le plus grand et plus terrifiant qu'il m'a été donné d'écrire. Je le sais. On le sait pour soi. Il s'agit d'un amour qui n'est pas nommé dans les romans et qui n'est pas nommé non plus par ceux qui le vivent. D'un sentiment qui en quelque sorte n'aurait pas encore son vocabulaire, ses moeurs, ses rites. Il s'agit d'un amour perdu. Perdu comme perdition."
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Elle retrouve ce qu'elle a dit en dormant. Elle a parlé du temps qui passe dans la chambre. Elle aimerait bien savoir comment dire cette envie de retenir contre soi ce temps qui passe, visage contre visage, corps contre corps, serrés. Elle dit qu'elle parle de ce temps entre les choses, entre les gens, celui que les autres gens jettent, sans importance pour eux, eux ces gens perdus. Mais elle dit que c'est peut-être de ne pas en parler qui fait se produire ce temps-là qu'elle, elle cherche à gagner.
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Elle est dans l'ombre, séparée de la lumière. Le lustre gainé de noir n'éclaire que l'endroit des corps. L'ombre du lustre fait les ombres différentes. Le bleu des yeux et le blanc des draps, le bleu du bandeau et la pâleur de la peau se sont couverts de l'ombre de la chambre, celle du vert des plantes du fond des mers. Elle est là, mélangée avec les couleurs, et l'ombre, toujours triste de quelque mal qu'elle ne sait pas. Née comme ça. Avec ce bleu dans les yeux. Cette beauté.
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La salle serait dans le noir, dirait l'acteur. La pièce commencerait sans cesse. A chaque phrase, à chaque mot.
Les acteurs pourraient ne pas être des acteurs de théâtre. Ils devraient toujours lire le livre à voix haute et claire, se tenir de toutes leurs forces exempts de toute mémoire de l'avoir jamais lu, dans la conviction de n'en connaître rien, et cela chaque soir. Les deux héros de l'histoire occuperaient la place centrale de la scène près de la rampe. Il ferait toujours une lumière indécise, sauf à cet endroit du lieu des héros où la lumière serait violente et égale. Autour, les formes vêtues de blanc qui tournent.
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Tout à coup, dans le tissu de univers, à l'endroit de cette petite étendue de votre visage il s’est produit une faiblesse soudaine de la trame, mais à peine, à peine l’accroc d'un ongle dans un fil de soie. Elle dit que sa folie vient peut-être de ce que l’autre nuit, pendant qu'il dormait, elle avait perçu -en meme temps que cette différence de destination entre ce visage et le tout de l'univers- l’identité du sort qui leur était réservé, à savoir qu'ils étaient emportés ensemble et broyés de la même fagon par le mouvement du temps, cela jusqu'a la trame lisse de l'univers de nouveau obtenue.
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Elle le regarde. C'est ainsi qu'elle le voit en son absence, tel qu'il est là. Plein d'images muettes, ivre de souffrances diverses, du désir de retrouver un objet perdu aussi bien que d'en acheter un qu'il n'a pas encore et qui devient tout à coup sa raison d'être, cet habit, cette montre, cet amant, cette voiture. Où qu'il soit, quoiqu'il fasse, toujours un désastre à lui tout seul.
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