AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,89

sur 2311 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
La lecture de Marguerite Duras a été un moment fort de la fin de mon adolescence et c'est probablement parce que je l'associe aux émotions et réflexions de cette période que je n'ai plus depuis retrouvé l'élan pour lire cette autrice. Pourtant je n'avais pas lu ses oeuvres majeures, le Barrage et l'Amant, qui me faisaient un peu peur. Je crois même que ma mère me les avait explicitement déconseillés ! Pour des raisons morales plus que littéraires cela va sans dire.

Or je ne suis plus une vierge effarouchée et alors que l'une de mes amies m'a confié il y a quelques jours s'être lancée dans la lecture du Barrage contre le Pacifique, je suis tombée sur un exemplaire de l'édition originale de 1950 dans une boîte à livres ! J'ai décidé que c'était un signe de mon ange gardien bibliothécaire.

Me voilà donc embarquée dans ce roman initiatique autobiographique, qui ne m'a pas du tout remonté le moral, mais beaucoup donné à penser. J'ai retrouvé avec plaisir la plume de Marguerite Duras, à la fois très poétique et triviale, cette ambiance d'attente et d'errance existentielle qui m'avait tant marquée.

Pour ce que j'en ai perçu avec cette lecture, le Barrage est un roman d'initiation placé sous le signe de la prédation.
Prédation sur le corps d'une jeune femme encore vierge et qui se tient sur le seuil d'une existence qu'elle espère nouvelle.
Prédation du système colonial qui réduit à la misère le plus grand nombre au profit de quelques uns.

La structure du roman va révéler les angles morts de cette logique prédatrice, ceux qui tiennent aux choix de ses personnages principaux, Suzanne et Joseph, et à leur dignité personnelle. Leur résistance intime à accepter d'être pour ainsi dire consommés par cette fatalité dévorante, est l'objet même du roman. Cette résistance les place au delà de la morale et de ce qui est attendu d'eux, y compris par leur mère, qui est devenue victime d'avoir cru dans les promesses qui lui avaient été faites, et cherche à les faire valoir coûte que coûte : construisant des barrages contre l'océan.
Suzanne et Joseph ne croient en aucune promesse et aucune morale.

En cela le Barrage m'apparaît comme un roman d'initiation à la fois intime et politique puisque ce qui est vrai du corps vierge de Suzanne, offert en pâture par la misère, l'est aussi de cette plaine boueuse dévorée par le Pacifique, qui dévore elle même ses enfants.
Suzanne éprouve sa liberté de choisir son amant, échappant par sa résistance, voire sa désinvolture, et sa résilience aux marchandages sexuels et matrimoniaux. Dans la plaine l'agonie de la Mère révèle que la terre porte en germe, avec ses enfants morts de misère, la révolte et la haine qui bientôt chassera le colonisateur prédateur et corrompu.

Le Barrage contre le Pacifique est un grand roman qui mérite pleinement sa place dans le panthéon littéraire de son siècle. À voir maintenant ce qu'il en est de L'Amant, publié 35 ans plus tard dans une société qui avait déjà beaucoup changé.
Commenter  J’apprécie          104
Ce texte appréhende les thématiques du désespoir et de la désillusion de la colonisation en Asie du Sud Est pour les jeunes français partis plein de rêves en tête.

Les descriptions et le style permettent effectivement de se plonger dans l'absurdité de la situation et la détresse des personnages, néanmoins j'ai trouvé certains échanges redondants et le texte long. le lecteur n'a pas de difficulté à ressentir la lassitude et le désespoir provoqués par une situation dont les personnages ne parviennent pas à s'émanciper. C'est bien réalisé mais je me suis ennuyée.

Par ailleurs, je me suis questionnée sur les rapports entre les personnages et les peuples colonisés. En effet, je ressors de cette lecture avec la sensation que les personnages de cette famille sont les « grands perdants » du système colonial, ce qui à mon sens ne permet pas de mettre en perspective et en évidence les souffrances éprouvées par les Cambodgiens colonisés. Evidemment, il faut se replacer dans le contexte d'un roman paru en 1950 et d'un récit partageant une expérience personnelle.
Commenter  J’apprécie          00
C'est l'histoire de Suzanne ainsi que son frère, Joseph, dans une colonie française. Leur mère veuve à acheté une concession, qu'elle doit cultiver chaque année pour ne pas la perdre; or elle est incultivable du fait des marées montantes du Pacifique, la mer de Chine. Alors on suit l'histoire brève de la prise d'indépendance des deux enfants, dans ce pays, cette plaine de misère où les enfants naissent et meurent comme des insectes, où des toits de chaume pleuvent des vers, et où les riches blancs règnent en maîtres immoraux.
Les personnages sont stupides et grossiers par leur manque d'éducation mais relativement agiles dans leurs manières de voir le monde dans lequel ils évoluent. La mère, elle, est folle: folle d'avoir tout essayer, de tant espérer, et pourtant bien lucide sur l'importance de l'espoir, quand il ne reste plus rien autour. Lucide de la façon dont elle s'est faite entourloupé.
Mais pour les enfants, la plaine est un espace stérile où il ne reste qu'à attendre, attendre indéfiniment que quelque chose change. Que quelqu'un les emmène, loin, ailleurs, vers la vie. Attendre que la vie les saisisse, oui. Bien sûr, il y a un peu de population; mais on en fait rapidement le tour, et elle ne permet pas de vivre, de s'enfuir loin d'ici. Partir, c'est la seule solution, même si pour cela il faut abandonner la mère, il faut la laisser, elle qui ne s'accroche pourtant plus qu'à eux…
C'est un univers tellement étrange, où beaucoup de personnalités se mêlent, des vies différentes, des mondes radicalement différents. C'est intéressant de lire ce roman, très riche dans la découverte de la misère, pourtant relatée sous un ton presque léger, et qui se ressent aussi dans les dialogues et façon de parler de Joseph et Suzanne, dans le désespoir et les cris en boucle de la mère, dans la triste histoire du caporal.
C'est particulier, il faut se laisser prendre à la brutalité de ces gens, à leur façon d'être: honnête, qui n'éprouve pas le besoin de se cacher nu de qui ils sont, ni de leur misère. Mais j'ai bien aimé!
Commenter  J’apprécie          30
Dans ce roman bien antérieur à L'amant, Marguerite Duras pose déjà les bases de cette autobiographie fulgurante et si moderne, ici dans un style sage et sobre, classique. La pauvreté ronge cette mère et ses deux enfants qui rêvent d'évasion à tout prix, quitte à renier leurs valeurs, inexistantes. Ce livre écoeure par le manque de dignité des héros, fait d'autant de passivité que de fureur vaine (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/11/26/un-barrage-contre-le-pacifique-marguerite-duras/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
Commenter  J’apprécie          300
Un barrage contre le Pacifique n'a rien d'un voyage d'agrément. Marguerite DURAS nous plonge dans le quotidien des colons d'Indochine, une réalité sans faux-semblants, dure, cruelle.

Ce roman, c'est avant tout l'histoire d'un trio : Suzanne d'abord, ce chat sauvage, félin, gracile, la Mère ensuite, un buffle des rizières, ruminant et obstiné et Joseph, la panthèr magnétique et redoutable.

C'est une histoire triste, comme il en est arrivé à tant d'autres avant eux. Loin des clichés idéalisés des métropolitains sur la colonisation. Celle d'une famille qui, poussé par la nécessité, quitte la métropole et décide de placer toutes ses économies dans une parcelle cadastrale pour y cultiver des fruits. Hélas, la Mère, flouée par l'administration coloniale s'est vu attribuée un terrain incultivable. Sa rancoeur, sa haine et son malheur la détruisent et rejaillissent sur ses enfants qui assistent à son naufrage, prisonniers de cette pauvreté imposée.

Nous suivons ainsi un chemin de vie de cette drôle de famille, ou passeront toute une ribambelle de personnages atypiques : Mr. Jo, Carmen, Lina, Agostini. Même si la lecture fut rude, surtout dans sa première partie, j'en garde une impression très forte. La justesse des sentiments qui unit les membres de cette famille pourtant si differents les uns des autres est troublant de vérité. le travail sociologique fournit par l'auteur est également passionnant, notamment sur la vie des indigènes.

Enfin je garderai un souvenir profond de Joseph, ce Dieu vivant dans les yeux de sa soeur, cet être magnétique dont l'aura a su traverser les pages de papier pour me donner l'envie de poursuivre ma lecture.

Commenter  J’apprécie          60
Ce livre dans lequel chaque personnage est enfermé dans une grande tristesse met en avant les injustices sociales entre riches et pauvres durant la guerre d'Indochine. Impuissants face à leur condition et teinté de folie leur vie va de déceptions en désillusions. Nous sommes plongé dans une atmosphère lourde dans laquelle le seul soulagement se trouve dans le fantasme de la ville et dans le rêve de partir loin un jour. Loin, de "la mère" et de la mer qui détruit tout sur son passage ne laissant aucun espoir de récolte.

Ce livre est prenant et touchant mais malgré tout je l'ai trouvé un peu long et répétitif, même si je pense que ça l'est volontairement afin d'appuyer symboliquement le mal-être des personnages.
Commenter  J’apprécie          00
Un roman autobiographique dur, et violent, encadré par la mort du cheval et celle de la mère. Entre les deux, c'est histoire d'une non-résignation, celle de la mère, sur sa parcelle sans valeur, où tous les projets échouent, y compris le projet irréaliste de dresser un barrage contre le Pacifique. de même que dresser un mur dans l'océan est impossible, de même, lutter contre l'injustice et la violence des colonies est impossible. Vivre autrement dans les colonies était voué à l'échec : voilà à quoi la mère n'a pas pu se résoudre malgré les tentatives de ses enfants de l'en dissuader, eux qui ne cherchaient qu'à partir. Un réquisitoire sans détour sur les colonies françaises dans les années 1920-1930.
Commenter  J’apprécie          30
Les barrages de la mère dans la plaine, c'était le grand malheur et la grande rigolade à la fois, ça dépendait des jours. C'était la grande rigolade du grand malheur. C'était terrible et c'était marrant. Ça dépendait de quel côté on se plaçait, du côté de la mer qui les avait fichus en l'air, ces barrages

J'avais aimé au paravent " l'amant de la chine du nord". J'ai moins aimé l'histoire de celui ci , bien qu'il y est des similitudes dans les deux histoires.
Par contre le style est beaucoup plus classique et très abordable.
Commenter  J’apprécie          30
Véritable mythe de Sisyphe que la vie de cette mère avec ses deux enfants dans une colonie indochinoise inexploitable, ravagée chaque année par la grande marée de l'océan pacifique. Une lutte opposant l'espoir à la fatalité. Nous suivons dans ce roman la vie de Suzanne, la fille de 17 ans, et par extension celle de son frère et de sa mère. le style est fluide, un peu redondant, mais facile à suivre et même parfois profond. Les événements traînent en longueur, et traduisent la lassitude des personnages et leur envie de fuir une situation qui semble désespérée, une sorte d'impasse au bout de laquelle se trouve l'ennui ou la mort et qui pousse les gens à devenir injustes, voire méchants, taciturnes et dépressifs.
Commenter  J’apprécie          153
Marguerite Duras livre dans ce roman quasi autobiographique, la description de la vie d'une famille ruinée suite à l'effondrement du barrage sur leurs plantations en Indochine, ayant vu par la même occasion mourir leurs rêves et espoirs.

Une galerie de portraits familiaux quoiqu'au départ antipathique va finalement devenir très touchante de par la description de vies tout bonnement inimaginables aujourd'hui.
La peinture de la société coloniale d'Indochine et ses différents strates est très intéressante, mais sa description n'en est en rien un documentaire, elle est empreinte de nostalgie et d'humanité. Ne serait-ce que pour l'aspect historique, trop éludé dans les livres d'histoire, le livre vaut absolument le coup d'oeil.
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (6925) Voir plus



Quiz Voir plus

Marguerite DURAS

Quel est le bon titre de sa bibliographie ?

L'Homme assis dans le corridor
L'Homme assis dans le couloir
L'Homme assis dans le boudoir
L'Homme assis dans le fumoir

20 questions
190 lecteurs ont répondu
Thème : Marguerite DurasCréer un quiz sur ce livre

{* *}