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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
À La fin de la Première Guerre mondiale la Bessarabie, la Transylvanie (hongroise depuis 1867 au sein de la monarchie austro-hongroise), la Bucovine et une partie du Banat votent leur rattachement à la Grande Roumanie, officiellement neutre. En 1938, le roi Carol II instaure une dictature. Il fait tirer sur les fascistes de la Garde de fer, juger et exécuter leur chef Codreanu. Au début de la Seconde Guerre mondiale ce roi anglophile, qui combat également les communistes, fait garantir les frontières du royaume par le Royaume-Uni et la France.
 
Allié ensuite avec Staline par le pacte germano-soviétique de 1939, Hitler considère la Roumanie, à juste titre, comme une puissance hostile. À l'été 1940, après l'effondrement de la France, Hitler contraint Carol II à céder la Bessarabie et la Bucovine du Nord à l'URSS, la Transylvanie du Nord à la Hongrie. Par la suite, Hitler et la Garde de fer renversent le roi et le remplacent par le maréchal Antonescu ; la Garde de fer qui organise des attentats, et s'en prend aux Juifs et aux Tsiganes ; Antonescu qui engage, lors de l'opération Barbarossa (en juin 41), la Roumanie aux côtés de l'Allemagne dans l'offensive contre l'URSS.
 
Un contexte historique complexe, dans lequel Lionel Duroy imagine une histoire d'amour entre Eugenia, une journaliste roumaine, et l'écrivain juif roumain Mihail Sebastian. Eugenia a été élevée dans la haine des juifs — considérés par les Roumains comme des profiteurs à éradiquer — mais son amour pour Mihail la sensibilise à leur sort. Traumatisée par l'épouvantable pogrom de Jassy en 41, la jeune femme, après avoir cherché à comprendre l'origine du mal auprès des bourreaux, entre pendant la guerre dans la Résistance pour les combattre...

...Alors que son ami Mihail est sans espoir : « Nous mourons si mal, nous autres ! écrit-il dans Depuis deux mille ans. Les siècles de mort que nous avons traversés ne nous ont même pas appris si peu de chose. Nous vivons mal, mais nous mourons encore plus mal, dans le désespoir, dans la bataille. Nous manquons notre dernière chance de paix, notre unique chance de salut. Triste mort juive de gens qui, n'ayant pas vécu parmi les arbres et les bêtes, n'ont pas pu apprendre la beauté de l'indifférence dans la mort, sa dignité végétale.  »

Mêlant habilement fiction romanesque et réalité historique, un récit fluide et puissant sur l'engagement, les racines du mal, les nationalismes et l'antisémitisme, mais aussi, évoquant Malaparte, Cioran, Micea Eliade, Mihail Sebastian, sur le rôle des journalistes et des écrivains dans l'interprétation des événements dont ils sont les témoins. Avec ce sujet plus que jamais d'actualité — au regard de la résurgence des partis populistes dans le monde occidental — Lionel Duroy signe ici sans doute un de ses meilleurs romans.
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Août '45, Eugénia se souvient de sa relation avec l'écrivain juif, Mihail Sebastian, qui vient de mourir renversé par un camion.
Elle fait sa connaissance en '38, grâce à son professeur de lettres, Irina Costinas.
Dans une Roumanie en pleine montée du nationalisme, la haine envers la population juive ne cesse de croître et des milices voient le jour, telles les Légionnaires de St Michel qui organisent des expéditions de lynchage, notamment dans les universités.
Séduite par l'écrivain, Eugénia prend conscience de l'injustice de cette discrimination et, malgré les reproches de sa famille, se bat pour plus de tolérance.

Se sentant menacés par la Russie, le gouvernement roumain et son roi se mettent sous la protection de l'Allemagne nazie, alors occupée à envahir la Tchecoslovaquie, puis la Pologne.
En collaborant avec Hitler, la Roumanie évite l'invasion mais, persuadés qu'ils renseignent l'armée russe, les habitants de Jassy, qui ont vu naître Eugénia, massacrent les juifs de leur village dans un horrible pogrom orchestré par les dirigeants locaux.
C'était en été '41...
En tant que journaliste, la jeune femme tente désespérément de dénoncer mais aussi de comprendre.
Hélas, la culpabilité menant au négationnisme, elle se voit accusée de mensonge et ce n'est que bien plus tard, à la fin de la guerre, quand paraîtra "kaputt" de Malaparte, qu'elle verra enfin triompher la vérité et son témoignage acrédité.

En cette période tourmentée, difficile sur le plan politique, menacée par les extrémismes de tous bords, il est inutile de préciser que cette lecture est interpellante à plus d'un titre.
Un mot, une phrase, un évènement, un détail parfois, prend tout à coup une signification particulière ou nous fait sursauter tant il nous semble d'actualité.
Nous marchons sur le fil du rasoir, nous flirtons avec le danger, nous jouons avec le feu et nos politiciens, qui ne nous écoutent pas et ne s'écoutent pas les uns les autres, font le jeu de toute cette puissance en expansion...

Un livre fort pour un sujet grave !
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Eugenia de Lionel Duroy m'a permis de découvrir un pan de l'histoire de la Seconde guerre mondiale que je connaissais mal, avec le rôle joué par la Roumanie dans ce grand conflit du XXème siècle. A travers le personnage central de Eugenia c'est toute l'histoire de la Roumanie qui défile sous nos yeux, non seulement avec la violence du fascisme et l'évocation des pogroms de Bucarest et de Jassy, mais aussi avec l'évocation des tergiversations, des revirements, des lâchetés ou compromis auxquels va être confrontée une partie de l'élite intellectuelle à laquelle appartient Eugenia et son compagnon Mihail Sebastian, écrivain et dramaturge juif roumain qui a vraiment existé.
L'habilité de Lionel Duroy est d'ailleurs de mêler les faits historiques et fictionnels dans un entrelacs qui donne à voir, à sentir l'ambiance de cette époque tourmentée, avec la complexité des liens qui vont se tisser dans les milieux intellectuels, notamment chez certains écrivains comme Mircea Eliade ou Cioran. Fascinés par le fascisme ils continuent néanmoins à se prétendre les amis de Mihail ... Et même -ô ironie du sort- ceux qui comme le prince et la princesse Bibesco se déclarent résolument antifascistes, le font au nom d'une vision déformée de l'identité juive et d'un cynisme dûment assumé quant à leur vision de l'humanité.
Ces deux personnages appartenant à une aristocratie qui va être balayée par le vent de l'Histoire ne sont pas les deux seuls à donner l'impression d'une danse au bord du volcan. du printemps 1939 jusqu'à la déclaration officielle de l'entrée en guerre de la Roumanie aux côtés d'Hitler, c'est une ambiance de fêtes débridées qui règne à Bucarest, très bien rendue, entre autres, avec l'évocation du personnage de Leny Caler, actrice juive et aussi prototype de la "bouffeuse de vie" pourtant prête à sauter dans le vide. Tous les personnages du roman d'ailleurs sont une porte d'entrée pour la thématique qui m'a le plus accrochée, à savoir : comment faire face à l'inacceptable ?
Chacun a sa réponse et elle est parfois complexe comme c'est le cas pour Mihail qui écrit"jour et nuit pour ne pas oublier" et en même temps s'offre comme victime sacrificielle. Plus cohérente est la position de Eugenia, qui a bien des égards, me semble être un clone de l'auteur, avec son goût immodéré de la liberté de penser et de dire sans devenir "le petit soldat d'une cause...". A l'opposé de l'engagement de Eugenia, l'hédonisme affiché du consul italien Sartori qui revendique le droit d'aller "pêcher le rouget dans la baie de Naples" au nom d'un pessimisme désabusé.
Un personnage réel m'a particulièrement intéressé, celui de Curzio Malaparte dont le roman permet de percevoir toute l'ambiguïté avec l'évocation du pogrom de Jassy dans le Corriere della Serra, journal italien et dans le livre le plus emblématique de l'auteur, Kaputt paru en 1944. Mêmes faits, deux récits écrits à deux époques différentes. le premier, mensonger. le second , véritable réquisitoire contre les horreurs des massacres perpétrés à Jassy. Celui qui fut à la fois correspondant de guerre pendant la Seconde guerre mondiale sur le front de l'Est et en même temps écrivain, est présenté dans le roman sans jugement mais avec tous les questionnements auxquels peuvent renvoyer ses contradictions...
Ce que j'ai aimé, c'est que ce roman est une grande fresque historique dans laquelle chacune ou chacun peut choisir sa porte d'entrée. Et j'ai le sentiment d'en avoir choisi une un peu particulière...
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***,*

Eugenia vient d'apprendre l'accident et la mort de l'homme qu'elle aime depuis plus de 10 ans. Cet homme qui l'a vu grandir, se responsabiliser, s'affirmer et se positionner avec force et courage dans une Roumanie anti sémite... Elle va tenter de renouer avec ces années et remonter le fil de son histoire...

Le dernier roman de Lionel Duroy n'est pas des plus faciles à aborder. Foisonnant de détails historiques, il mêle avec simplicité et juste une petite histoire dans la grande. Eugenia est une jeune fille, une femme, qui ne peut pas laisser indifférent : à la fois libre de ses idées, elle est enfermée dans un amour plus grand qu'elle, qui lui demande énergie et partage. Élevée dans une famille anti sémite, elle va s'ouvrir au monde et en comprendre la complexité.

Un très bon roman pour lequel je remercie NetGalley et les éditions Julliard.
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La rencontre d’Eugenia, jeune étudiante en lettres, avec Mihail Sebastian un auteur juif, va lui faire prendre conscience de la haine antisémite qui gangrène peu à peu son pays, la Roumanie, elle va tomber amoureuse de l’écrivain et cette rencontre va décider de sa vie.

En cette année 1935, les Roumains estiment qu’il y en a beaucoup trop de juifs, que la réussite de certains est insolente, que la misère et la saleté des autres sont une menace pour leur santé. Mais depuis 1919, tous ces juifs sont roumains, mais ils demeurent des juifs, des étrangers et ne seront jamais de véritables Roumains, la Roumanie aux Roumains ! Les malheureux doivent se terrer, raser les murs comme des rats. Affamer les juifs, les exclure de leur profession de journaliste, ou avocat, se débarrasser d’eux, il faut à tout prix qu’il s’en aille. Mettre en place la préférence nationale, la renaissance du sang, de la patrie, de l’identité nationale.

L’histoire d’une famille scindée en deux, d’un côté les parents et Stefan l’ainé un activiste nationaliste, qui veut protéger le sang roumain, de l’autre Andrei le petit-frère et Eugenia convaincus de la primauté de l’humanité, rêvant d’un souffle de fraternité entre les peuples.

Octobre 1938, obéissant à Hitler, la plupart des pays d’Europe expulsent ou refoulent les juifs. 1940, Eugenia a honte de ce qui se passe dans son pays. À la veille de la guerre, les gens continuent de rire, de boire, de vivre, les rues de Bucarest se remplissent petit à petit de réfugiés polonais. Hitler lance sa grande offensive sur le front ouest, en quelques heures les joyeuses rues de Bucarest se vident, la Roumanie se trouve prise en étau entre l’Union soviétique et l’Allemagne.

En novembre 1940, la Roumanie bascule dans le camp allemand. Par décret, toutes les entreprises ont été sommées de remplacer leurs employés juifs par des Roumains au sang pur, les étudiants et élèves juifs sont mis à la porte des universités et des écoles, commence l’expropriation des juifs. Plusieurs dizaines de juifs sont torturés, mutilés, suspendus à des crochets de bouchers sous un écriteau « viande casher », un véritable pogrom, les journées les plus bestiales de l’humanité.

Cinq ans après ces tragiques événements Eugenia, tente de rapporter ce qu’elle a vu de ses yeux, de faire parler des témoins, victimes et bourreaux.

Un roman historique, parsemé des extraits du journal de Milhail Sebastian pour donner plus de véracité sur un des épisodes méconnus de la Deuxième Guerre mondiale, le massacre de plus de 13 000 juifs en juin 1941, à Jassy en Roumanie. Lionel Duroy dissèque parfaitement tout ce qui va conduire à ce drame, le sentiment que les juifs sont des parasites, des profiteurs et qu’ils sont à l’origine des malheurs des Roumains. Nous suivons toute cette période à travers le portrait d’une jeune femme, folle d’un amour sans retour, devenue journaliste pour témoigner et qui ira au bout de ses idées en entrant dans la résistance.

Si vous aimez l’Histoire contemporaine alors, comme moi vous serez séduit par ce roman magnifiquement écrit.

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Un livre intéressant qui mêle astucieusement fiction et Histoire, celle de la Roumanie, qui avait choisit pendant la guerre le mauvais côté de l'Histoire .
Je ne savais rien de cette Roumanie là !
Un récit qui pose beaucoup de questions sur la culpabilité collective, sur le comportement individuel et sur travail du journaliste en temps de guerre .
Une lecture éclairante que je recommande.
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Etat satellite des grandes puissances européennes la Roumanie a peiné à s'émanciper et à se constituer en état indépendant dans les frontières qu'on lui connaît aujourd'hui. Avec Eugenia, Lionel Duroy ouvre une fenêtre de son histoire au cours de laquelle les boucs émissaires aux difficultés du pays en quête d'identité étaient tout désignés parmi les membres de la communauté juive du pays.

Lorsque la seconde guerre mondiale s'annonce le nationalisme roumain fait pencher la balance des alliances vers les forces de l'axe, alors que la Roumanie s'était alliée à la France et l'Angleterre lors de la première guerre mondiale. Les Juifs de Roumanie feront les frais de ce choix au cours de pogroms, dont celui de Jassy en 1941, qui ont entaché l'histoire de ce pays convoité en ce temps sur ses frontières par l'URSS en Bessarabie (aujourd'hui partagée entre Moldavie et Ukraine), l'Autriche Hongrie en Transylvanie.

Jeune étudiante en université lorsque les premières manifestations hostiles aux Juifs se déclarent avant la guerre, Eugenia prend spontanément leur défense. Y compris lorsqu'un de ses frères devient un des meneurs de la terreur menée contre eux. Devenue journaliste et résistante pendant la guerre, elle poursuit son combat pour plaider la cause de ce peuplement confessionnel dont on connaît trop bien le sort funeste qui lui fut réservé en cette période noire de l'histoire de l'Europe.

Au travers du combat de la jeune Eugenia appliqué à des références historiques vérifiables, Lionel Duroy ouvre la réflexion sur la cause du ressentiment meurtrier et instinctif qui s'est manifesté à l'encontre d'une communauté confessionnelle intégrée de longue date au coeur du pays ; alors que la politique roumaine du moment n'était nullement gangrénée par une idéologie ségrégationniste comme en Allemagne. Il ouvre également sur l'évolution du métier de journaliste qu'Eugenia veut promouvoir de simple relation des faits en une approche moderne, plus humaine, en quête du ressenti des personnes face à l'actualité. Clin d'oeil également et accessoirement sur la culture d'un pays dont on oublie les accointances qu'il a eues avec le nôtre. La langue française y était répandue dans une part non négligeable de la population.

Bel Ouvrage que celui-ci qui sous la plume de Lionel Duroy a pris le nom de son héroïne. Au-delà de la page d'histoire d'un pays qui dans notre inconscient nombriliste s'est fait voler la vedette par les grandes puissances de la seconde guerre mondiale, voilà une façon de nous remettre en mémoire que le fleuve de l'antisémitisme qui se déversait dans l'océan de haine des camps de la mort était alimenté par des ramifications qui prenaient leur source dans tous les recoins de la vieille Europe.
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Bien que de nombreux romans sur la 2ème guerre mondiale aient été écrits, je n'ai pas le souvenir, à part La 25ème heure de Gheorghiu, d'en avoir lu sur le conflit en Roumanie, et décrit ici avec grande minutie.

Dans ce pays fascisant et martyrisant sa population juive, d'un côté ghettoîsée et stigmatisée, de l'autre bien intégrée et jalousée, bouc émissaire de tous les malheurs de la terre, Eugenia, jeune étudiante, ayant grandi dans un climat environnemental et familial antisémite ( un frère dans la Garde de Fer, et ayant fait "belle" carrière) est témoin de la bastonnade, au sein de l'amphi, d'un écrivain juif invité ( et ayant bel et bien existé) Miihael Sebastian, dont plus tard elle tombera amoureuse. Elle prend alors conscience de l'ignominie de ces actes banalisés et répétés, , et , devenue journaliste, souhaitant s'extraire de ce climat délétère, elle s'appliquera à dénoncer, tout en cherchant à expliquer, sans trop comprendre, l'implication très active de la population locale dans le massacre de Jassy qui a suivi.

Bien qu'Eugenia en résistante ne fut guère convaincante, si vous aimez L Histoire, avec la petite touche de romanesque qui va avec, où action et réflexion, réalité et fiction, savamment se mêlent, plongez dans cette tragédie !Vous en ressortirez , certes, ébranlé, mais surtout impressionné par cette lumineuse et généreuse héroïne de fiction et de conviction.
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Dans la Roumanie des années trente Eugenia est étudiante à l'université de Jassy, une ville de l'est du pays. Un jour elle est témoin de l'agression par un groupuscule antisémite d'un jeune écrivain juif Mihail Sebastian, invité à un débat par sa professeure de français. Elle prend conscience à ce moment-là de ce qui se passe dans son pays: "ce n'était pas la première fois qu'un juif se faisait frapper sur mon chemin, mais c'était la première fois que je ne détournais pas le regard et me retrouvais à le défendre." Cette première rencontre va à jamais changer sa vie.

C'est à travers le personnage fictif d'Eugenia que Lionel Duroy met en lumière l'écrivain roumain Mihail Sebastian. Il se glisse dans la peau de cette jeune femme, qui en tombe amoureuse, pour nous parler de son oeuvre mais surtout pour nous dépeindre la Roumanie des années avant et pendant la seconde guerre mondiale. Dans ce pays coincé entre l'Allemagne fasciste et la Russie communiste l'antisémitisme gagne en force. le pogrom de Jassy est un des douloureux épisodes de cette période et ce roman en est un témoignage saisissant.

J'ai donc beaucoup apprécié cette leçon d'histoire sur un pays dont je ne savais pas grand chose tout comme ce joli portrait féminin que l'auteur a réussi à rendre convaincant. J'ai suivi avec bienveillance cette jeune femme amoureuse et audacieuse qui n'accepte pas ce qui se passe autour d'elle et n'hésite pas à s'opposer à sa propre famille, même si cela lui impose des sacrifices: "Nous croyons aveuglément en la parole de nos parents, et plus tard nous la reprenons à notre compte pour la transmettre à nos enfants. Pourquoi est-il si difficile d'aller contre cette parole, de s'éveiller au doute, puis petit à petit à la conscience d'une "vérité" différente?"

C'était ma première rencontre avec Lionel Duroy et j'ai été comblée par cette lecture. de la grande histoire, un personnage fortement attachant, une écriture de qualité, Eugenia est un roman enrichissant qui incite à la réflexion. Je ne peux que vous le recommander.
Lien : https://edytalectures.blogsp..
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Eugenia est une jeune étudiante que son professeur, Madame Costinas, va bouleverser à jamais. En cette fin des années 30 en Roumanie, l'antisémitisme est exacerbé par le fascisme ambiant et la menace de l'embrasement de l'Europe. Pourtant, Madame Costinas décide d'accueillir comme orateur dans sa classe l'écrivain juif Mihail Sebastian. Quand celui-ci se fait passer à tabac sous les yeux d'Eugenia, tout le mépris et la haine latente que la population cultive envers les Juifs, sa propre famille y compris, cet événement ébranlera son coeur et son esprit et l'éveillera à l'inhumanité et à l'injustice de cette violence et de ces préjugés dans lesquels elle était elle-même tombée.

Elle succombera au charme de cet écrivain résigné et attentiste qui n'a pourtant d'yeux que pour une autre. Qu'importe pour Eugenia au tempérament passionné. A mesure qu'elle assiste aux événements terribles de sa petite ville de Jassy, elle n'aura de cesse de vouloir comprendre. Elle devient journaliste et fuit à Bucarest ce que son âme sensible ne peut plus endurer. Les discours haineux sont comme de vieilles rengaines : le Juif est un apatride, un étranger parasite qui mange la laine sur le dos des Roumains. La grande Roumanie ne pourra renaître qu'en les expulsant. Et pour les moins modérés, en les tuant. Ils ne voient pas le paradoxe d'interdire aux Juifs de cultiver des terres et de leur reprocher de faire prospérer des commerces. La contradiction entre le bolchévisme dont on les accuse en même temps que le capitalisme. Ou encore, de les acculer à la misère et de dénoncer leur état de délabrement. le Juif est l'éternel bouc-émissaire des nations, celui sur qui se cristallise les ressentiments et les frustrations.

Quand de retour à Jassy, Eugenia assiste à un pogrom contre les Juifs - dénié par le gouvernement et la population - elle se révoltera contre l'innommable, contre l'abominable et entrera en résistance. Elle voudra comprendre aussi ce qui peut pousser un voisin à en tuer un autre à coups de barre de fer, à coups de pied, à coups d'injures. Comment comprendre cette humanité perdue aveuglée par la sauvagerie la plus absolue ?

Le roman, basé sur des faits historiques, s'avère très intéressant pour la photographie qu'il offre des événements politiques et historiques du point de vue roumain, assez inédit en littérature. Il fascine aussi par la réflexion qu'il tente de percer sur les mécanismes de la haine, de la violence et de sa banalisation. Plutôt que de s'emporter contre ceux-là, écoutons ce qu'ils ont à dire sur ce qui les traverse quand ils nient à l'autre, le Juif, toute humanité.

De ces points de vue, le livre est à mes yeux une réussite et a le mérite de nous éclairer sur un fait méconnu de la seconde guerre mondiale, le pogrom de Jassy, l'un des plus sanglants de l'Histoire.
Je suis par contre restée un peu en retrait de l'émotion et des personnages, et l'histoire d'amour tortueuse et à sens unique d'Eugenia pour Mihail Sebastian a suscité chez moi quelques agacements, même si cet amour est le point de départ de tout le reste.

Je conseille néanmoins ce roman à toutes les personnes intéressées par la seconde guerre mondiale, pour tout ce qu'il nous apprend et nous enrichit.
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