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3,94

sur 846 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Emile Zatopek fut à la fois un coureur qui domina l'athlétisme après guerre, un officier tchèque héros du socialisme soviétique, puis un dissident condamné aux travaux forcés après le printemps de Prague.

Jean Echenoz rappelle le contexte troublé dans lequel grandit Emile qui subit l'annexion de sa patrie par le III Reich, puis l'occupation par l'armée rouge et décrit l'ascension de cet autodidacte au physique extraordinaire.

Une biographie à la gloire d'un homme discret, simple, modeste qui souffrit d'être encensé durant la décennie où il domina le sport mondial. Une évocation d'une époque où le fric n'avait pas mis la main sur le sport pour en faire un jeu ou un spectacle.

Une lecture saine en cette période d'olympiades !
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Lorsque les Allemands envahissent la Moravie, Emile a dix-sept ans et, tout en poursuivant ses études de chimie, travaille comme ouvrier dans les poussières et la puanteur de l'usine Bata à Zlin. Lui que le sport rebute doit participer à la course à pied annuelle organisée à des fins promotionnelles par son entreprise, puis, propagande nationale-socialiste oblige, au cross-country de la Wehrmacht. Il est le premier surpris d'y prendre un certain plaisir, mais, surtout, de se classer sans effort en tête des coureurs. Il décide de s'entraîner, commence à gagner ses premières courses nationales et, la guerre finie, s'attaque à des compétitions mondiales où, dans un style chaotique totalement atypique, il se montre bientôt invincible, accumulant les titres et faisant tomber les records mondiaux toutes distances confondues : Zatopek est devenu le nom le plus célèbre de l'histoire de l'athlétisme.


Mais le rideau de fer s'abat sur l'Europe de l'Est, enfermant la Tchécoslovaquie et son illustre athlète dans l'hermétique périmètre soviétique. Lorsque, exceptionnellement, il est autorisé à en sortir, c'est sous l'étroit contrôle d'officiels qui lui dictent mots et gestes, tout en usant de ses exploits inégalés et de son aura héroïque à des fins de propagande. Il flirte encore quelque temps avec les sommets, avant de commencer à raccrocher. Son soutien au Printemps de Prague précipite sa disgrâce. Envoyé comme manutentionnaire dans la terrible mine d'uranium de Jachymov où s'abrège la vie des opposants politiques, le grand Zatopek redevenu minuscule Emile sera autorisé à finir éboueur à Prague, avant, trop visible encore puisqu'on le reconnaît dans la rue, de se retrouver relégué obscur archiviste.


Cette boucle de vie, partie de rien et revenue à rien après avoir tutoyé les sommets, inspire ici à Jean Echenoz, non pas un simple récit d'inspiration biographique, mais une oeuvre originale et romanesque qui, effaçant dates et chiffres, s'attache à transformer en abstraction le personnage historique ressuscité par le travail de documentation. Cet homme ordinaire qui n'a « l'air de rien », mais qui, toujours « l'air de rien », se montre capable de tout, l'écrivain l'appelle simplement Emile, avec un e ajouté qui parfait le concept générique. Son patronyme n'apparaît dans le récit que tardivement, lorsque « ce nom de Zatopek qui n'était rien, qui n'était rien qu'un drôle de nom, se met à claquer universellement » et que cela lui fait tout drôle de le voir imprimé dans les journaux, tel une « nouvelle identité publique » que la foule scande « sur tous les tons, comme pour l'en informer » et que la propagande lui vole avant de tenter de le détruire.


Sans esbroufe mais en y jetant toutes ses forces, de son pas bizarre qui le fait ressembler à « une mécanique détraquée, disloquée », ne faisant « rien comme les autres » au point d'avoir l'air de faire « n'importe quoi », l'Emile du récit n'en trace pas moins sa route, fort d'une liberté d'être lui-même que rien ni personne ne parvient jamais à lui enlever. Débarrassé de toute idéalisation héroïque, il devient une figure forte et symbolique que l'on accompagne conquis par le regard distancié et le ton délicieusement léger et ironique d'un texte qui boucle la boucle comme le coureur ses tours de piste et l'existence son tour de roue. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Voilà un petit bonheur offert par la littérature!

Avec Courir, Jean Echenoz nous dresse un portrait tout en subtilité du coureur multi-champion de course à pied, Emile Zatopek.
Le personnage est sympathique, étonnant, voire ahurissant dans ses records battus, et semble toujours repousser la limite de ses exploits, "l'air de rien", comme par hasard!...

Mais le "plus" magistral de cette biographie, c'est l'écriture! Si Zatopek a fourni une matière qui incite à l'empathie, c'est surtout la façon d'en parler d'Echenoz qui fait toute la différence avec une biographie ordinaire: sous la narration informative, il y a toute l'ironie subtile de l'auteur, la finesse de son analyse et la fluidité de ses phrases. Il a le talent de faire couler les mots en donnant l'impression qu'on aurait pu les écrire nous-mêmes... alors que non!!!
L'air de rien, comme s'il nous racontait l'histoire de vive voix et qu'il nous faisait alors un clin d'oeil, il donne à sourire sur les aberrations des dictatures staliniennes, les incohérences des anciens régimes du "bloc de l'est".

J'avais déjà beaucoup aimé Ravel, du même auteur. Je me suis régalée avec Courir. J'ai hâte de découvrir Des éclairs!...
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Il court, il court, Émile !
Émile court, court. Vite, très vite. Il accumule les titres et les records. Une vraie machine !
Son palmarès et son style de course lui valent le surnom de "locomotive tchèque".

Deuxième des trois courtes biographies écrites par Jean Echenoz, Courir reprend la recette gagnante de Ravel : un portrait brossé par petites touches, original et plein d'humour.
Émile − Emil en fait, puisqu'il s'agit d'Emil Zátopek − est une sorte d'athlète d'état : dans la Tchécoslovaquie communiste, il sert de modèle, on l'exhibe comme un animal de foire. On contrôle sa carrière. Ses victoires contribuent au prestige du régime en place.
De façon empirique, Émile met au point de nouvelles méthodes d'entraînement et de course. Il invente la technique du fractionné, utilisée aujourd'hui par les athlètes du monde entier et devient le spécialiste du sprint final.
À côté de sa carrière sportive, Émile est citoyen d'un pays communiste, ce qui entraîne des contraintes pas toujours simples à gérer : il est parfois interdit de déplacements à l'étranger, et à d'autres moments contraint de participer à certaines épreuves pour la gloire de la patrie.
Il est utilisé voire exploité et a finalement encore moins de droits qu'un simple citoyen. Il paiera très cher son soutien à Alexander Dubček lors du Printemps de Prague.

Sport et Histoire imbriqués dans un récit impeccablement construit et plein de fantaisie : Courir est une vraie réussite.
Le chapitre sept qui relate la participation d'Émile au championnat des forces alliées en 1946 est à lui seul un petit bijou d'humour.

Instructif, distrayant, original et très bien écrit : que demander de plus ?
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Si le nom de Zatopek m'était familier, si je savais vaguement qu'il désignait un coureur à pied fameux, j'ignorais tout de l'homme, de ses exploits.
C'est chose réparée grâce au texte de Echenoz qui reconstruit le parcours hors-norme de cet athlète en s'appuyant sur le contexte historique de sa Tchécoslovaquie natale de l'occupation allemande, à la mise en coupe réglée par l'Union soviétique et des conséquences sur la carrière d'Emile.
L'auteur dresse un portrait très attachant de Zatopek qui se met à pratiquer la course à pied un peu par hasard, qui enchaine les exploits en toute modestie, qui accueille les remarques concernant son style avec tranquillité, qui s'engage lors du printemps de Prague contre la reprise en main russe et le paiera d'emprisonnement…
Le ton simple teinté d'ironie d'Echenoz nous transmet la sympathie qu'il porte au personnage, à son personnage. Pour ma part, c'est réussi.

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Quelle lecture grisante que ce petit livre, biographie romancée d'Emile Zatopek qui a battu, en son temps, tous les records de la course à pied !

En lisant, je le revoyais courir, à la TV en noir et blanc, gesticulant dans tous les sens, grimaçant, à tel point qu'on avait mal pour lui mais époustouflant car il arrivait toujours devant, toujours et loin devant !

Légèreté et ironie composent les phrases de Jean Echenoz. Zatopek s'anime, existe, court et on oublie qu'il a vécu sous un régime totalitaire qui broyait les hommes à tours de bras !

A lire, pour le plaisir des mots, pour découvrir ou retrouver Emile autrement que dans un documentaire froid ; pour se rappeler aussi que la Tchécoslovaquie a eu des temps difficiles et qu'elle a fini pas disparaître en nous laissant intact le souvenir d'un immense coureur !

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Joli petit livre consacré au coureur de fond tchèque Emil Zatopek, certainement le plus grand coureur de son temps. Il a détenu tous les records mondiaux dans les années 50 sur les distances du 5000 mètres au 25 km, et a été le premier a courir plus de 20 kilomètres en une heure. Pourtant ce gars d'origine populaire n'avait pas d'appétence pour le sport, il a juste découvert petit à petit qu'il était doué pour… courir. Avec lui pas de conformisme dans l'entraînement, pas d'élégance durant la course ; l'effort se faisait visible, la tête brinquebalant dans tous les sens.
Jean Echenoz conte son histoire avec style, tout en collant à la simplicité du bonhomme. Au passage, il évoque l'immédiat après guerre en Tchécoslovaquie, la mainmise du parti communiste sur la société (et sur les déplacements limités et encadrés du héros national à l'Ouest, pour éviter qu'il ne fasse défection), le printemps de Prague (que Zatopek a soutenu), et son déclassement final une fois que les chars soviétiques auront remis l'ordre totalitaire en place à Prague.
Ce livre fort bien écrit peut plaire bien au-delà de ceux que la course à pied intéresse.
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«Ce nom de Zatopek qui n'était rien, qui n'était rien qu'un drôle de nom, se met à claquer universellement en trois syllabes mobiles et mécaniques, valse impitoyable à trois temps, bruit de galop, vrombissement de turbine, cliquetis de bielles ou de soupapes scandé par le k final, précédé par le z initial qui va déjà très vite : on fait zzz et ça va tout de suite vite, comme si cette consonne était un starter. Sans compter que cette machine est lubrifiée par un prénom fluide : la burette Emile est fournie avec le moteur Zatopek.»

Après "Ravel", j'ai enchaîné avec "Courir", et suis une fois de plus sous le charme de la plume de cet auteur, et d'ailleurs encore davantage qu'avec "Ravel". J'ai particulièrement aimé son rythme haletant - on avale les pages aussi vite qu' Emil Zatopek avale les kilomètres - ainsi que sa dimension historique, son intrusion dans l'histoire de l'époque avec l'arrivée des nazis au pouvoir, les régimes autoritaires en place, la tyrannie qui avait pris place en Tchécoslovaquie, l' armée soviétique qui dictait ses lois et le sport qui devient une affaire de politique - les grands athlètes utilisés comme instruments de propagande (Nadia Comaneci, Zatopek ...).

«Et par un beau dimanche d'automne, dans son bel uniforme tout neuf de capitaine, il épouse en effet la fille du colonel, future championne olympique du javelot. C'est donc sous une double haie d'armes que le cortège nuptial, provoquant d'énormes rassemblements, embouteille longuement les rues de Prague. Prague où, à part ça, tout le monde crève de peur.»

Emil a gravi les échelons dans l'armée au rythme de ses podiums. Mais son ultime grade de colonel ne l'empêchera pas d'être rattrapé par L Histoire ...
Très très agréable lecture, un très bel hommage à cet immense coureur, à ce grand monsieur ...
"la locomotive tchèque", une force incroyable de la nature, capable de repousser ses limites grâce à un mental d'acier, hors norme et qui réalisa des exploits immenses. Courir, courir, courir ... souffrir : la méthode gagnante de ce grand monsieur.
Dans ses trois bio-fictions, Jean Echenoz a choisi des génies, extrêmes dans leur choix, dans leur façon de vivre, et d'être; la plume élogieuse, minutieuse et si bien maîtrisée de Jean Echenoz a suscité chez moi un réel attachement envers ces trois personnages.
J'en redemande !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Il fallait bien une plume comme celle de Jean Echnoz pour me passionner pour le destin de cet extraordinaire athlète que fut Emile Zapateck.
Ce roman est un bel hommage à ce coureur qui a traversé l'Histoire à en devenir un emblème : occupation allemande, bloc soviétique, outil de propagande, Printemps de Prague, exil, autocritique. Et pendant ce temps, Emile court. Il court pour faire plaisir, pour se faire plaisir, parce qu'on lui demande, parce qu'il prend goût à la victoire.
J'ai découvert ce titre en livre audio, lu par l'auteur : un régal
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Quelque part dans la Moravie envahie par Hitler, Emile aime courir et progresse rapidement malgré sa démarche peu orthodoxe et la montée de la censure communiste en Tchécoslovaquie. Au défilé inaugurant les J.O. de Berlin, c'est une foule hilare qui salue l'entrée de l'unique représentant tchécoslovaque, en short et pull délavé, derrière un Jo, porteur de pancarte rouge de honte, mais ensuite triomphant de pouvoir escorter le médaillé d'or du 10000m! ...et ce n'était qu'un début!

J'ai bien aimé cet Emile Zatopek, gentil, ne se prenant pas très au sérieux mais extrêmement tenace.

Cinquième Echenoz que j'enchaîne et... pourquoi j'adore?

On sent de la recherche dans la biographie, un beau travail pour sortir des phrases agréables, dépouillées. Contrairement à un style 'gras', accrocheur, qui chercherait à jouer avec nos sentiments, j'y vois de la délicatesse, de la pureté et en tant que lecteur, je me sens respecté.
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