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3,65

sur 1072 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Oui, je sais, Bret Easton Ellis c'est comme la poutine (le « top » de la gastronomie québécoise, pas Vladimir version queer) ou un litron de mojito sous un soleil de plomb, on adore ou on déteste et on a du mal à s'en remettre de suite.
Pour ma part, étant un admirateur du monsieur, (excepté peut-être pour Suites Impériales), je ne suis pas loin de considérer Lunar Park comme son chef-d'oeuvre, la clé de voûte faisant tenir tout son univers tout en le dépassant.

D'Ellis on connait l'attrait pour les drogues, le sexe, les morts violentes, le cynisme et surtout pour un vide quasi existentiel contaminant l'Amérique.
La vacuité incommensurable des êtres disséquée dans Les lois de l'attraction ou American Psycho faisait froid dans le dos tout en réservant des moments d'humour très noir en assumant ce néant jusqu'à l'absurde. Name-dropping, litanies de marques et de poses sexuelles dénuées de tout désir, sentiments anesthésiés, victimes d'une glaciation émotionnelle… le style d'Ellis, totalement détaché, factuel, pragmatique et implicitement ironique, le tout charrié par les logorrhées incessantes et vaines des personnages (je n'ose dire les héros), faisait merveille jusqu'ici. Au risque de la redite évitée de justesse dans Glamorama.

Ici, Bret Easton Ellis devient son propre personnage. Il est assez réjouissant de lire le retour que fait l'auteur sur son passé, son style et son « fonds de commerce » ainsi que sur la célébrité trash et un peu hystérique qui en a résulté. Un peu d'autodérision nous le rendrait presque léger.
Bien vite, on voit qu'Ellis le personnage n'est pas à proprement parler l'auteur, des faits diffèrent rapidement de la réalité. Dans le livre, le voilà affublé d'une épouse-actrice et d'un gamin, presque à son corps défendant. Après des années d'excès en tous genres, le Sale gosse qu'il était se trouve plus ou moins prêt pour une vie rangée. Malheureusement, une flopée d'évènements étranges va mettre à mal ces bonnes résolutions et l'équilibre mental d'Ellis.

Le plus fascinant dans ce livre est cette mise en scène de l'auteur par l'auteur, comme une autofiction fantasmée. Voire une introspection complétement hantée, d'abord par un de ses personnages, le Patrick Bateman d'American Psycho, qui fait office de croquemitaine. Mais ce croquemitaine en cache un autre, beaucoup plus noir, plus réel bien que disparu: le propre père de l'auteur. Ellis en parle ainsi dès le début du roman :
« Il restait constamment enfermé dans une sorte de fureur démente, en dépit de l'apparente douceur des circonstances de sa vie. […] Mes soeurs et moi avons découvert un côté sombre de la vie à un âge exceptionnellement précoce. Nous avons appris de notre père que le monde manquait de cohérence et qu'au sein de ce chaos, les gens étaient condamnés à l'échec et ce fait projetait son ombre sur la moindre de nos ambitions. »
C'est là le coeur du roman, le sujet profond : la paternité ou comment ne pas répéter les mêmes erreurs, la filiation ou comment vivre avec elles. Après tous ces personnages vides, ces fantômes glacés, Ellis fait de lui-même un personnage avec des failles et capable d'émotions.

Au fur et à mesure, alors que des enfants disparaissent, la raison d'Ellis vacille (c'est le moins qu'on puisse dire). Entre autres visions infernales disséminées tout au long de l'intrigue, l'auteur nous sert un combat homérique contre une peluche maléfique qui ressemble à un pastiche de Stephen King, (rien que pour ça, le livre vaudrait le détour).

Et à la fin du livre, peut-être pour la première fois dans l'oeuvre de Bret Easton Ellis il y a quelque chose qui vous prend par suprise, juste quelques lignes qui donnent dans le sentiment sans fard et qui serrent le coeur.

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L'Oeuvre au blanc de Brett Easton Ellis

Dans "Lunar Park", Bret Easton Ellis a su mettre de côté les fioritures "branchées" qui, de mon point de vue, empesaient les opus précédents, pour nous livrer un récit poignant entre la distance d'un père et son fils qui sont, en somme, deux inconnus l'un pour l'autre.

Une oeuvre sur la paternité, également à travers les enfants du narrateur ; et le sens que chacun trouve ou donne à sa propre vie.

C'est aussi le récit du fantastique niché dans un quotidien que tout tend à banaliser.
Le vraisemblable y est tellement bien mêlé aux aspects fantastiques, qu'on finit par s'emmêler dans cet écheveau savamment construit.

Bret Easton Ellis, en guide facétieux, nous prend la main, nous la lâche dans le noir puis vient nous recueillir en cours de route pour nous conduire vers plus de lumière.

"Lunar Park" est un livre du recueillement, celui du narrateur et peut-être de chaque lecteur en particulier - puisque, comme le dit si admirablement Proust dans "Le Temps retrouvé" : « En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. »

"Lunar Park" est peut-être, de même qu'en alchimie, "l'Oeuvre au blanc" de Bret Easton Ellis.

© Thibault Marconnet
le 31 juillet 2013
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"Lunar Park" n'est pas à prendre à la légère, car ce livre peut probablement changer votre vie à jamais. En tous cas, c'est ce qui s'est passé pour moi. Si on commence par le début?
Bret Easton Ellis est un sacré bougre. Je l'avais découvert par pur hasard, un été, alors que toute forme de vie semblait mourir écrasée sous des dizaines de degré Celsius. C'était à Cultura, repère des dernières personnes ayant bravées la canicule, que j'ai vu, négligemment posé sur une table, "Zombies". Je ne te raconte pas le choc que ce fut. J'en ai déjà maintes et maintes fois parlé dans mes dernières critiques d'Ellis: cet auteur me bouleverse.
On le critique en disant qu'il parle toujours de la même chose: les jeunes qui se droguent, les jeunes qui se perdent, les jeunes qui baisent, les jeunes qui meurent, etc... Mais personne n'a jamais eu les tripes de décrire avec autant de précision et de poésie minimaliste (sic) cette génération complètement perdue, qui cherche son chemin au milieu des atmosphères ouateuses et anesthésiées du Valium.

"Lunar Park", c'est le point d'orgue de l'oeuvre de Bret. le bonhomme en a fini avec ses précédents livres, que ce soit ceux relevant de la vague de Camden (Les Lois de L'Attraction, Zombies, Moins que Zéro) ou de sa littérature plus métaphorique et fictionnelle (American Psycho, Glamorama...). Bret Easton Ellis s'envole ici: son écriture est décomplexée comme jamais, c'est la première fois que l'on voit ça. Il s'exprime richement, et l'on découvre une facette extraordinaire de cet écrivain: l'écrivain qui sait faire du lyrique, qui sait mener une histoire tambour battant, qui sait vous surprendre. C'est véritablement déstabilisant, puisqu'on a réellement JAMAIS lu Ellis comme ça.

L'histoire, c'est un vaste bordel formidable. Autofiction: mélange d'élément autobiographiques mélangés sans discernement avec de la fiction. Ellis ne nous a jamais vraiment aidé avec Lunar Park, et bien heureusement: les frontières du réel sont ici indiscernables. Ce qu'il y a de sûr, c'est que son livre est un chef-d'oeuvre, et croyez-moi, je pèse mes mots. Les thèmes abordés? Des dizaines et des dizaines, avec une intelligence et une profondeur rare. Ellis intègre des éléments fantastiques, policier, et emprunte à tous les genres pour nous livrer ce livre multifacette qui semble être une réponse iridescente à tout le reste de son oeuvre. La drogue, être un père, être un fils, être un écrivain, les relations à l'autre, la peur de ne pas être à la hauteur, la peur de se perdre, la peur d'écrire... Lunar Park ne cessera jamais de vous surprendre. C'est une déclaration d'amour à l'écriture, et accessoirement le chef-d'oeuvre d'un auteur au talent infini.

Alors oui, j'aurais voulu vous épargner cela, mais cela fait maintenant quelques années que je décris "Lunar Park" à mes amis comme "mon livre préféré". Parce quedepuis quelques années, c'est vrai. le pari littéraire d'Ellis est si vertigineux et d'une maestria telle que j'ai bien du mal à vous décrire tout ça.
Ce qu'il y a de certain, c'est que les dernières pages de Lunar Park sont les plus belles que j'ai jamais lues. Je ne peux trop en parler, de peur de gâcher leur effet. Mais elles sont si riches de signification, dans le fond comme dans la forme pour notre auteur, qu'elles m'ont littéralement coupé le souffle. Sans compter le fait que même en-dehors de toute signification, elles sont d'une poésie magnifique.
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Il va être difficile de surenchérir après ce qui a été dit sur ce roman, mais pour ma part j'ai été emporté, bluffé par ce projet littéraire ambitieux, mêlant fausse autobiographie, délires psychanalytiques et réflexions sur le métier d'écrivain à succès.
Toujours est-il que si le livre dévoile au fur et à mesure de la lecture les vastes dimensions de ses ambitions, il demeure un objet littéraire assez fascinant, parfois opaque, ambigüe, orchestré par une prose qui m'a mis sous hypnose, une parole vive, tranchante, qui ne s'accorde aucun repos : une fois le livre en main, impossible de le lâcher.
Ellis se décrit lui-même sans complaisance, ou plutôt, avec une telle complaisance qu'on ne sait s'il faut le mépriser pour ses travers ou l'admirer pour sa franchise. Il a su faire de sa propre trajectoire d'écrivain à succès une histoire à faire pâlir les plus coriaces des lecteurs. Qui pourrait sincèrement envier le sort de cet homme, dépendant au sexe, à la reconnaissance, à l'argent, aux stupéfiants ? Un homme incapable de donner, d'écouter et de se soucier de ceux qui partagent sa vie et semblent exister en dehors de ses préoccupations.
Disons-le tout net, Ellis écoeure, provoque l'incompréhension, et ne se gêne pas pour jouer des clichés à propos de l'image du créateur sombrant dans la mare nauséabonde de son immense égocentrisme.
Pourtant, l'écrivain nous invite à porter un regard sur son passé, à cheminer sur le terrain instable des traumatismes psychologiques de l'enfance traduits ici sous la forme de manifestations du fantastique. Ainsi le livre bascule, sans qu'on s'y attende, dans la dimension du cauchemar, un mauvais rêve dont l'auteur n'est pas le seul témoin. On oscille entre réalité et fantasme, entre rêve américain et décadence. Les traces se multiplient, ses proches sont frappés des mêmes peurs.
La force du livre réside dans le fait que malgré ce parti-pris qui pourrait sembler grotesque, j'ai pourtant adhéré à cette effusion de pensées cyniques et de visions malsaines. Ellis le personnage du roman, se débat, tente de sortir la tête de l'eau, s'ébroue dans la vase, éclabousse et heurte son entourage, il est nocif, corrosif, se détruit lui-même, gâche les dernières chances qu'on lui accorde. Il est imbuvable, et pourtant, quelque chose nous pousse à le prendre en pitié car l'écharde qu'il porte en son sein, qui peu à peu putréfie ses entrailles, cette écharde lui a été inoculée contre son gré, dans sa jeunesse, faisant naître cette matière vénéneuse qui nourrie son oeuvre.
Le roman est une tentative de réponse, une purge, un retour sur l'obscure passé de l'auteur, éclairé à la lumière vacillante d'une bougie dont le halo laisse entrevoir des formes monstrueuses tapie dans le noir alentour.
Fascinant.
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À deux pages de la fin du 1er chapitre, j'ai cru que ce livre ferait partie de ma longue série d'abandons, devenus habituels cette année. Mais c'est ce moment justement qu'Ellis choisit pour annoncer autre chose que son autobiographie d'auteur balancée sans la moindre affectivité.
Et c'est effectivement tout autre chose qui s'ouvre devant le lecteur dès le 2e chapitre. Si l'auteur reste bien au centre de l'histoire, il ne nous laisse plus assez d'indices pour savoir ce qui fait partie de sa vie, ce qu'il a inventé, ce qu'il a imaginé sous l'emprise d'alcool et médicaments, de sentiments contradictoires.
C'est une histoire qui semble bien ancrée dans le réel, avec la vie de cette famille de célébrités, Ellis, sa femme, un fils, une fille, un chien et une peluche... Et le fantastique (ou les hallucinations, ou les démons d'Ellis) entre en scène et perturbe leur vie déjà bancale.
J'ai énormément aimé cette lecture. J'y ai trouvé un petit goût de Stephen King et rapidement l'auteur semble le confirmer en y faisant référence.
Je viens juste de finir de le lire et, la dernière page terminée, j'ai ôté la jaquette pour jeter une oeil sur la 4e de couverture. J'y vois cette citation de l'auteur, qui me parle particulièrement : "Je ne veux pas avoir à clarifier ce qui est autobiographique et ce qui l'est moins. Mais c'est de loin le livre le plus "vrai" que j'aie écrit. Au lecteur de décider ce qui, dans Lunar Park, a bien eu lieu."
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« Mais c'est toujours ce que fait un écrivain : sa vie est un maelström de mensonges. L'embellissement est son point focal. C'est ce que nous faisons pour plaire aux autres. C'est ce que nous faisons pour nous fuir nous-mêmes. »

Récit halluciné où Easton Ellis se met en scène en père de famille. Bien évidemment, le vernis des banlieues opulentes de LA finit par se rayer et on glisse lentement de « Moins que zéro » vers « La part des ténèbres » de Stephen King.

De son écriture ciselée et distanciée, l'auteur nous emmène dans son délire métaphorique où il est question du rapport avec son propre père au travers de la construction émouvante de sa relation avec son fils fictif. le roman semble servir à l'écrivain d'exorcisme de son environnement créatif.
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Je me suis plongée avec avidité dans ce roman, l'écriture de B.Easton Ellis est toujours aussi palpitante. le vague autour de cette fiction apportée par le narrateur (qui n'est autre que l'auteur !) Est incroyable.
Les pages se tournent, tout devient haletant. Tout devient intéressant. Et là, malheureusement, tout retombe.
Le "fantastique" prenant le pas sur la tension qui régnait tout le long de l'ouvrage précipite la fin du livre. le style autobiographique qui a été donné depuis le début ne prend plus et devient presque grotesque.
Une bonne lecture dans son ensemble mais une fin en demi-teinte.
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Entre fiction et réalité, Bret Easton Ellis signe ici son meilleur roman avec folie, sexe, drogue, schizophrénie, voire un peu de fantastique, le tout dans un style unique et inégalable ! Lunar Park est le premier roman d'Ellis que j'ai lu. Et encore aujourd'hui, après avoir lu tous les romans de BEE, il reste mon préféré.
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Luna Park est un des romans de Bret Easton Ellis que je préfère avec American Psycho. Il démarre classiquement avec un écrivain (Ellis ?) qui a décidé de se ranger des voitures en se mariant avec une actrice et en s'installant en banlieue avec femme et enfant. Mais la maison est hantée par les personnages que l'écrivain a crée. Et là, on se retrouve en plein délire parano.

C'est un récit prenant et bien écrit que nous propose Ellis. Sous couvert de délires alcoolisés, il propose une réflexion (angoissante) sur la paternité. Il mêle habilement scènes surréalistes d'épouvante et autocritique sur ses capacités en tant que père, époux et écrivain.

Certains détesteront aussi bien le style que l'histoire, moi j'ai adoré.
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Bret Easton Ellis, écrivain à succès, universellement connu et reconnu, multimillionnaire, alcoolique et drogué, a fait un enfant à une actrice de cinéma. L'âge avançant et le corps se ressentant des abus de toutes sortes auquel il s'est adonné et après avoir longtemps fuit ses devoirs envers son fils Robby, notre auteur décide de se ranger et de vivre la vie douce et sans histoire, conformiste, du bon père de famille; mais à peine arrivé son existence bascule dans le paranormal et le franchement inquiétant.
Lunar park débute comme une autobiographie, mais à mesure, on est emporté dans tout autre chose, dans un récit où l'on n'est sûr d'aucune véracité, pour basculer complètement dans une histoire à la Stephen King. Bret Easton Ellis met en scène le quotidien un peu hystérique des classes aisées américaines où tout le monde et jusqu'aux animaux de compagnie se bourrent de cachetons, au sein d'une société aseptisée, concurrentielle, ultra sécuritaire et pourtant profondément inquiétante. L'oeuvre amène à s'interroger sur la responsabilité de l'écrivain quant à son oeuvre et illustre les difficultés inhérentes à la relation père/fils. Dès les premières page du récit on est immédiatement happé par l'histoire, on plonge totalement dans l'univers dans lequel nous précipite l'auteur. L'ensemble est fascinant, troublant, addictif. Un roman mené avec maestria; éprouvant et jubilatoire.
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