Le chant de l'assassin de J.R
Ellory est incontestablement un roman noir par bien des aspects. Noirceur de la réalité sociale : les années 50, dans le West Texas, plus précisément à Calgary "un de ces endroits que Dieu a oubliés, ou carrément jugé irrécupérables". Noirceur de l'univers carcéral que l'auteur évoque avec beaucoup de justesse et de réalisme, notamment au niveau de ses codes, ses rites, sa violence et des séquelles irréversibles qu'il laisse dans la psyché de ceux qui l'ont connu. Noirceur des destins aussi pour ceux qui cumulent la malchance d'être nés dans le West Texas et celle d'avoir été ou d'être incarcérés à la prison de Reeves.
C'est ce double handicap qui pèse sur les deux principaux héros de cette histoire : Evan Riggs et Henry Quinn, presque "deux frères de sang" tant sont forts les liens qui se sont tissés entre eux ; si forts d'ailleurs que Evan, condamné à perpet, va confier à Henry qui doit sortir de prison, une lettre pour sa fille Sarah qu'il ne connaît pas et dont il charge Henry de retrouver la trace.
Commence alors un long road-movie jusqu'à Calgary où Henry retrouve le frère de Evan, Carson Riggs, le "méchant" de l'histoire. Si je suis un peu ironique c'est parce que j'ai trouvé qu'en dépit de certaines qualités, ce roman pêchait parfois par manque de complexité, notamment au niveau des personnages. Si ceux de Evan et Henry sont fort présents et attachants, en raison de leur trajectoire tragique alors qu'à leur naissance "les bonnes fées" s'étaient penchées sur leur berceau et qu'ils avaient tout pour réussir, le personnage de Carson n'a rien - du moins à mes yeux - qui permette à la fois de le détester tout en se disant en son for intérieur qu'il n'est pas aussi salaud qu'il y paraît !
Même bémol pour les dialogues, nombreux dans le roman. Ils sont tantôt criants de vérité, tantôt surfaits ou déficients au niveau de l'intensité dramatique dont ils sont porteurs. Enfin si certaines scènes sont très riches en émotions fortes, notamment celle où Evan retrouve sa compagne du moment, suicidée dans sa baignoire, d'autres manquent de panache, comme celles où Evan et Carson s'affrontent à propos de la femme qu'ils aiment tous les deux, Rebecca ou à propos du devenir de la ferme de leurs parents.
Toutes ces remarques expliquent la sévérité de ma note par rapport à celles bien plus généreuses attribuées au roman et dont je ne conteste pas le bien-fondé.
Simplement je pense que j'avais mis la barre trop haut ou que j'attendais autre chose que ce livre ne m'a pas donné. J'ai sans doute trop souvent pensé en le lisant à un roman de Steinbeck : A l'est d'Eden et bien sûr je me suis sentie nostalgique en pensant aux émotions fortes que j'avais ressenties à la lecture de celui-ci...