Ils se sont donné rendez-vous…
Ils se sont donné rendez-vous
Pour te mettre à mort
Sans savoir
Que le travail était fait depuis longtemps
Tu t’en souviens bien
C’était en 1942
Il a suffi d’ouvrir le secrétaire en acajou
Pour comprendre
Sous l’abattant reposait
La condamnation en lettres rouges
Der Tod
Le sang coule toujours de tes doigts
Dans une langue étrangère
Der Tod
Ils se sont donné rendez-vous
En hurlant son nom
Qui résonne dans la nuit épaisse
Quel est donc cet homme dont
Tu te réclames
Petit garçon ?
Que faire de sa condamnation à mort
Qui ruisselle le long de tes doigts ?
Der Tod
Tu n’as pas su consoler
la jeune femme brune aux yeux bleus
Qui s’est déchiré le cœur
Aux fils de fer barbelés de sa douleur
Dans la nuit qui s’en va
Der Tod
Der Tod
On ne vous tuera pas…
On ne vous tuera pas
Je le sais
Il restera vos poèmes
Qui s’envoleront
Avec le vent d’automne
Pour se déposer
Sur le front des femmes libres
En pétales de sang
Tous chanteront la liberté
En hurlant les mots
Des poètes crucifiés
Vous n’aurez pas souffert en vain
Vous ne mourrez pas
Je vous prie de le croire
Vos poèmes se disperseront
Aux quatre vents du globe
Nous les apprendrons par cœur
Nos enfants sur les genoux
Les vieillards sortiront des hospices
En clignant des yeux
Avant de mordre la poussière
Nous atteindrons le ciel
En les portant à bout de bras
Nous le repeindrons
Aux couleurs de la terre
Même si les dieux détournent les yeux
Encore une fois
Sur la place déserte…
Sur la place déserte
Un couple enlacé
Se dresse contre la destruction du monde
Ils ont la beauté de l’innocence
Les chars sont partis
Mais ils reviendront
Ils sont très jeunes
Ils ont très froid
Leurs yeux interrogent les oiseaux dans le ciel
Ils savent peut-être qu’ils
Mourront bientôt
Ils s’étreignent encore
Pendant que le monde s’endort
Peu importe le nom de leur ville bien aimée
À leurs pieds
Le sang coule
Le flot monte
Sur la place abandonnée
À l’est de l’Europe
Peu importe
Pourvu que rien ne trouble
Le sommeil du monde
Qu’ils voudraient regarder en face
Ce soir…
Ce soir
Je voulais murmurer ton nom à la face du ciel
En ouvrant les yeux
Je me sentais démuni
Je me souvenais de ta main ouverte
Que je voulais presser encore une fois
Et de la beauté de tes yeux
Ce soir
J’aurais voulu marcher à ta rencontre
Comme si c’était la dernière fois
Comme si les mots désormais
Ne signifiaient plus rien
Ce soir
Je ne sais quoi dire
Pour empêcher la nuit
De tomber entre nous
Je voudrais garder ta voix
Tout contre moi
À jamais
Pour me réchauffer
Fanny Perrier-Rochas chante la "Place Széchenyi", poème de Denis Emorine.