Eh bien quelle curieuse expérience que de lire un roman après avoir vu le film éponyme ! Et quel film que celui du Scorsese , que je considère comme un pur chef-d'oeuvre .
D'entrée de lecture , toutes les images se superposent au texte , il faut un véritable effort pour mettre tout cela en synchronisation pour pouvoir rentrer dans le texte . Pas évident mais la force tragique de cette partie de l'histoire japonaise reliée à notre implication occidentale me bousculent , et presque en apnée j'ai plongé dans ce roman pour n'en ressortir qu'une fois tournée la dernière page .
D'aucuns le classeront dans le genre roman historique . Certes , puisque il s'attache à travers une histoire , à réveiller les blessures des hommes lors de la christianisation du Japon au XVIIème siècles .
D'autres l'aborderont sous son angle roman d'aventure ; en effet on voyage ,
Shûsaku Endo nous fait rêver avec ses descriptions d'un ailleurs , à une époque où le voyage sur les courriers à longs courts était synonyme de péripéties et dangers de toutes sortes , et où la confrontation à une autre culture que la sienne étaient tout aussi périlleuse .
Mais plus que cela , au delà de cette forme dynamique , vivante , c'est bien la racine souterraine dans ce qu'elle comporte de questionnements philosophiques et religieux qui surgit puissamment dans cette histoire , et force à s'impliquer dans ce roman , en tant qu'homme , en tant que chrétien ou pas , en tant qu'occidental ou pas et de là à réouvrir les blessures anciennes de l'humanité .
Si l'histoire de ces prêtres partis retrouver l'un des leurs, qui selon la rumeur aurait apostasier ,tout en continuant à porter le message du Christ tient le lecteur en haleine , sa densité dont s'est nourri SCORSESE pour faire son film se situe dans le prolongement des faits : il fait partie de ses ouvrages dont la véritable lecture se situe dans l'après , de ceux dont on dit maladroitement parce que les mots n'ont plus court " on n'en ressort pas indemme".
A travers des descriptions minutieuses et non édulcorées des tortures psychiques et physique , Endo ne ménage pas son lecteur , toute la cruauté des japonais pour lutter contre l'implantation de cette religion occidentale témoigne d'une perversité au delà du soutenable .
En double lecture , , c'est la trahison de Judas , c'est le doute , c'est le devoir de fidélité au message de Dieu apparaissant en contradiction avec le devoir d'amour de son prochain ,c'est la parole biblique et ses mystères dans un questionnement intérieur lancinant , c'est la solitude de l'homme de foi dans le
silence de Dieu , c'est la lutte pour trouver une cohérence , un sens à cette absurdité , et c'est bien le christ en croix , que l'on soit chrétien ou pas qui porte cette oeuvre dans sa douleur .
Mais plus prosaiquement , en dehors de cette lame de fond qui m'a submergée pour me laisser dans mes errances existentielles , philosophiques , théologiques , il me faut quand même apporter une franche réserve à la traduction , indubitablement préjudiciable à la qualité de l'ouvrage .
A part ça , voilà encore du grain à moudre sur mon chemin du devenir .