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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je dois avouer que cette lecture m'a été soufflé par Monsieur Scorsese. Lors d'une interview à la radio, il m'a donné envie de découvrir ce roman en attendant de pouvoir visionné le film. Je ne connaissais ni l'auteur, ni cette partie historique du Japon.
Les missionnaires catholiques n'ont pas seulement évangélisé les indiens d'Amérique, les africains et autres tribus oubliées. Ils sont allés jusqu'au Japon... et oui... il fallait oser mais ils l'ont fait. Mais contrairement à d'autres missions, celle ci ne fut en aucun cas couronné de succès et beaucoup de missionnaires, et de convertis, y ont laissé leur peau. La cruauté des japonnais face aux attaques n'est plus à démontrer mais ici nous découvrons les prémices des sévices qui seront utilisés lors de la seconde guerre mondiale.
Trois prêtres partent à la recherche de Ferreira, un missionnaire exceptionnel qui aurait apostasié (renié sa foi) afin de conserver la vie. Impossible aux yeux de ces missionnaires. Aucune torture ne justifie un tel acte. Alors... que s'est il réellement passé ? C'est ce qu'ils vont tentés de découvrir tout en diffusant la parole de Dieu. Mais le shogun n'a absolument pas cette vision pour son pays. Tout chrétien, qu'il soit japonnais ou missionnaire étranger est un ennemi et il doit absolument apostasié. Il doit fouler l'efumi (le visage du Christ) sinon c'est la mort qui l'attend mais pas une mort douce. Oh non... torture jusqu'au bout.
Cela fait froid dans le dos surtout lorsque l'on prend conscience que ces faits sont réels et qu'ils ont été relatés dans divers courriers. J'ai hâte de voir ce que Martin Scorsese a retiré de ce roman de 260 pages. le prêtre Rodrigues va être confronté au choix le plus difficile de son existence : conserver la vie humaine ou sa foi. Chaque page est souffrance : souffrance du prêtre qui voit tant d'hommes massacrés, souffrance des chrétiens qui doivent dissimulés leur foi, souffrance d'un pays sous le joug d'un shogun impitoyable, souffrance d'un clandestin. Mais chaque mot nous entraine au plus profond de nous même.
Que ferions nous si nous étions Ferreira ou Rodrigues ? Que ferions nous si nous devions choisir la foi ou la vie ? Mais cela pose aussi la question d'imposer à d'autre personnes, peuples notre façon de vivre, de croire, d'être...
Il n'y a qu'un mot : magnifique.
Lien : http://jelisquoi.blogspot.fr..
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Le sujet est vieux comme le monde et ça continue d'ailleurs ! D'un côté : évangélisation, persécutions, guerres de croyances, exactions, tortures et atrocités… et de l'autre la Foi, sa force et le don de soi pour sauver ses prochains et …se sauver.
Ce livre nous révèle un pan de l'histoire du Japon du XVII siècle, nous sommes en 1638 les chrétiens sont chassés et persécutés, une rumeur arrive à Rome, le père Ferreira grand missionnaire estimé aurait apostasié sous la torture. Deux Jésuites Portugais, Sébastien Rodrigues et François Garpe ayant eu Ferreira pour chef spirituel, décident de partir et d ‘enquêter sur ces rumeurs d'apostasie…
Le livre nous est conté sous forme de journal nous vivons les doutes, les souffrances et la révolte de Sébastien Rodrigues. le silence, c'est le silence de Dieu devant la souffrance, l'indifférence de tous et de tout devant la mort.
Shusâku Endô écrit merveilleusement, j'ai été touchée par la force et la beauté du récit. Son écriture est poétique, malgré la dureté du sujet. La nature tient sa place, le clair de lune et son éclairage énigmatique, la nuit noire et l'angoisse qu'elle engendre. Enfin comme en opposition au Silence de Dieu, son récit est aussi très sonore, par exemple, les cris de la cigale qui reviennent incessamment dans les moments tragiques, la pluie qui tambourine souvent, les enfants qui chantent …
J'ai aimé la chute qui donne toute sa dimension au récit, mais je reste toutefois mitigée, trop de parallèles « simplistes » entre certains évènements et la vie du Christ (enfin c'est mon opinion)
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Que l'on ne s'y trompe pas ce roman n'est surement pas écrit comme le furent certains récits d'aventures chrétiennes, à des fins d'édification. Non, il s'agirait plutôt d'une quête mystique, d'une vaste réflexion autour du Silence de Dieu ou de l'universalisme supposé de certaines croyances.

Alors que de nombreuses pratiques religieuses ne cherchent pas à s'imposer, d'autres ont gardé leur esprit conquérant des origines. Et, par la parole ou l'épée se sont ainsi répandus christianisme et Islam, précédant ou le plus souvent suivant des conquêtes militaires. Au gré des fluctuations politiques, ces religions furent acceptées ou violemment rejetées.

Ce livre nous retrace ce que furent les persécutions subies par les missionnaires chrétiens au Japon. Mais en Europe même, ces mêmes chrétiens persécutèrent eux des cathares, des juifs ou des musulmans… L'inquisition inventée par les dominicains tortura de nombreux « hérétiques », de pseudos sorcières et les fit périr par le feu au nom d'un Dieu d'amour qui avait eu pour commandement justement de ne pas tuer !
La croyance en une religion quelconque ne peut en aucun cas justifier la mort d'un homme mais l'aliénation mentale des hommes ne le sait toujours pas.
Il est probable que le christianisme ne se serait jamais implanté en occident sans une volonté politique et que la force de ses martyrs n'y aurait rien changé. C'est cela que tente de comprendre le roman de Shūsaku Endō à l'échelle du Japon et au travers des tourments d'un prêtre pour qui la sainteté de la vie va finalement s'imposer devant la projection idéalisée d'un Dieu éternellement silencieux.
Ce roman prenant, pour qui s'interroge sur tout cela, a la force d'un Graham Green dans « La puissance et la Gloire » et marquera son lecteur.
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En 1614, le shogun Tokugawa ordonne l'expulsion des missionnaires catholiques du Japon. Quelques années plus tard, on apprend à Rome que le Père Ferreira, un missionnaire Jésuite respecté, aurait renié sa foi après avoir passé trente-trois ans dans l'empire du soleil levant. Trois jeunes prêtres portugais de la Compagnie de Jésus, anciens disciples de Ferreira, partent au Japon pour enquêter et poursuivre la mission évangélisatrice. Lorsque le Père Rodrigues est capturé par les autorités nippones, des chrétiens sont arrêtés et torturés pour le forcer à abjurer. Mais le jeune prêtre refuse d'apostasier…

Le roman mêle lettres (pour l'essentiel celles de Rodrigues) et récit à la troisième personne sans numération de chapitres. Ce changement intervient abruptement au cours du roman lorsque Rodrigues est capturé suite à la trahison du chrétien Kichijiro, un des personnages les plus intéressants du roman, souvent comparé à Judas, comme si l'auteur avait voulu marquer par ce procédé narratif le déchirement dans l'âme du jeune prêtre. (p. 122)

Silence est structuré autour de la mission clandestine du Père Rodrigues et de sa quête de Ferreira au Japon. le jeune prêtre, qui s'identifie au Christ, se demandant comment Jésus aurait agi à sa place, marche dans les traces de son ancien professeur et mentor Ferreira, refusant de croire que ce dernier ait pu abjurer sa foi.

Dans ses lettres, Rodrigues parle des villageois qui offrent leur protection aux prêtres catholiques, le plus souvent au péril de leur vie, mais il a alors une très haute opinion de sa mission d'évangélisation menée clandestinement. À ses yeux, c'est lui qui incarne l'héroïsme. Malgré l'humilité de sa condition de missionnaire, sa vision du monde n'est pas exempte d'orgueil.

« Comme l'eau coulait sur son front, le petit se mit à hurler. Il avait des yeux bridés et une tête menue, celle déjà d'un paysan qui, en temps voulu, ressemblerait à celles de Mokichi et d'Ichizo. À son tour, cet enfant, comme ses parents et ses grands-parents, arracherait à la terre son existence de misère face à la mère noire dans cette région désolée et surpeuplée ; à son tour, il vivrait comme une bête et mourrait de même. Mais le Christ n'est pas mort pour la vertu et la beauté. L'héroïsme, je venais d'en prendre la conscience aiguë en cet instant, c'est de mourir pour les déshérités et les pervers. » (page 62)

Cependant, lorsque Mokichi et Ichizo, deux villageois, sont arrêtés puis torturés à mort après avoir refusé de cracher sur un crucifix et de déclarer que la Vierge était une putain, le jeune prêtre va peu à peu apprendre à vivre avec les affres du doute.

« Aujourd'hui, interrompant parfois cette lettre, je sors de notre hutte pour regarder la mer, tombe de ces deux paysans japonais qui ont cru à notre parole. Seul, l'océan indéfiniment s'étend, mélancolique et sombre, et sous les nuages gris ne se dessine même pas une île.

Rien de nouveau. Je sais ce que vous me diriez : ‘'Leur mort n'est pas vide de sens. C'est une pierre qui servira, en temps voulu, aux fondations de l'Eglise, Dieu ne vous envoie jamais une épreuve au-dessus de nos forces, Mokichi et Ichizo sont auprès du Seigneur. Comme les nombreux martyrs japonais qui les ont précédés, ils connaissent à présent une joie éternelle.'' Moi aussi, bien sûr, j'en suis convaincu. Pourquoi alors la douleur tenaille-t-elle encore mon coeur ? » (pp. 95-96)

Rodrigues ne trouvera nulle consolation dans la prière. « Comme il n'avait plus de rosaire, il entreprit de réciter ses Ave et ses Pater sur les doigts de la main mais, comme l'eau ne passe pas des lèvres scellées par la maladie, la prière demeurait vide et creuse sur les siennes. » (p. 133)

Quels sens peuvent encore avoir les prières si personne n'y répond ?

« Que veux-je dire ? Je ne le comprends pas bien moi-même, je sais seulement qu'aujourd'hui, tandis que pour la gloire de Dieu, Mokichi et Ichizo ont gémi, souffert et rendu l'âme, je ne puis supporter le bruit monotone de la mer obscure rongeant le rivage. Derrière le silence oppressant de la mer, le silence de Dieu… le sentiment qu'alors que les hommes crient d'angoisse, Dieu, les bras croisés, se tait. » (p. 96)

La mer devient le tombeau de ces deux hommes. Liés à des arbres disposés en forme de croix au bord de l'eau, parodiant ainsi sinistrement la crucifixion, les corps de Mokichi et Ichizo sont submergés par les flots à marée haute chaque nuit. Leur supplice dure trois jours. Leurs cendres sont ensuite répandues à la surface des eaux où le souffle de Dieu a cessé de souffler depuis le Commencement.

Et si le paradis perdu était un enfer retrouvé ?

« Et soudain résonna en moi le mugissement de la mer tel que nous l'entendions, Garrpe et moi, dans notre cachette solitaire. le bruit de ces vagues, roulant dans l'ombre, comme un tambour voilé, le bruit de ces vagues, déferlant sans raison, la nuit durant, refluant et brisant à nouveau au rivage. La mer implacable qui avait baigné les corps de Mokichi et d'Ichizo, la mer qui les avait engloutis, la mer qui, après leur mort, se déroulait à l'infini, pareille à elle-même. Tel le silence de la mer, le silence de Dieu. Silence sans démenti. » (p. 107)

Le cheminement du doute gagne l'esprit du prêtre en proie à une souffrance inhumaine face à cette barbarie à visage divin. Mokichi et Ichizo, deux simples villageois illettrés, pour qui les mystères de la messe demeuraient impénétrables, ont préféré sacrifier leur vie au nom de leur foi en l'Eglise de Rome. Leur martyre héroïque ébranle Rodrigues au plus profond de lui-même jusqu'au blasphème ultime. Et si Dieu n'existait pas ?

« Si Dieu n'existe pas, comment l'homme pourrait-il supporter la monotonie de la mer et sa cruelle indifférence ? (Mais en supposant… je dis bien en supposant.) Au plus profond de mon être, une autre voix murmurait pourtant. En supposant que Dieu n'existe pas…

Terrifiante idée ! S'il n'existe pas, tout est absurde. […] le plus grand crime contre l'Esprit, c'est le désespoir, mais du silence de Dieu je ne pouvais sonder le mystère. » (p. 108)

Quelques pages plus loin, Rodrigues écrase un coquillage entre ses mains : « En portant un à son oreille, il écouta le faible mugissement étouffé sortant des profondeurs. Un noir frisson d'horreur secoua alors tout son être et il pulvérisa dans sa paume la coquille et son sourd écho de vagues. » (p. 145) le prêtre éprouve un frisson d'horreur parce qu'il comprend qu'il est lui-même comme cette coquille vide sans la grâce de Dieu. Dans la solitude de son être, replié sur le néant, les prières, virant parfois en imprécations, tournent au soliloque existentialiste, accompagnant l'homme d'église dans cette chute, comme le héros de la Chute de Camus, soliloquant sans fin, dans le huis clos de sa condition de mortel, conscient de sa finitude et de l'absurdité de sa mission, jusqu'à la nausée.

« Pourquoi nous avez-vous si totalement abandonnés ? pria-t-il d'une voix éteinte. Pourquoi avez-vous laissé à ses cendres une ville bâtie à votre intention ? Alors même que ces malheureux étaient jetés hors de leurs foyers, ne leur avez-vous pas donné du courage ? Avez-vous simplement gardé un silence pareil à celui des ténèbres qui m'entourent ? Pourquoi ? Donnez m'en au moins la raison. Nous ne sommes pas des hommes comme Job, mis à l'épreuve par des ulcères. Il y a une limite à notre endurance. Ne nous imposez plus d'autre souffrance. » (p. 148)

Il est un ordre religieux (ne me demandez pas lequel, j'ai oublié) pour lequel à l'occasion des voeux prononcés par le novice, celui-ci répond après leur longue énumération (pauvreté, chasteté, etc.), « non par mes propres forces », indiquant par là que, sans la grâce de Dieu, il n'est qu'une pauvre et faible créature. Rodrigues fait l'apprentissage de ce monde privé de la grâce de Dieu, dans lequel l'homme ne peut compter que sur lui-même et porter seul sa croix.

« ‘'Ainsi on en est venu là…''

Il frissonna en étreignant les barreaux.

‘'Ainsi on en est venu là…''

Son désarroi, pourtant, n'était pas provoqué par l'événement, mais par la tranquillité de la cour, le chant de la cigale, les ailes palpitantes des mouches. Un homme était mort. Et le monde demeurait immuable, comme si rien ne s'était passé. Quoi de plus démentiel ? Etait-ce là le martyre ? Pourquoi gardez-vous le silence ? » (p. 183)

Contrairement à son mentor qui a choisi d'apostasier pour sauver des vies, Rodrigues tente jusqu'au bout de rester fidèle à sa foi. le roman tire l'essentiel de sa force de cette lutte permanente qui se livre dans l'âme torturée du jeune prêtre jusqu'aux confins du doute et de la déréliction.

« N'allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix mais bien le glaive [….] », annonce Jésus (Matthieu 10, 34), ce glaive qui ne représente pas l'arme d'une guerre d'irréligion que livrent les autorités nippones aux chrétiens qu'elles persécutent impitoyablement, faisant des milliers de victimes (dommages collatéraux de la mission d'évangélisation en terre païenne ?), mais symbolise le combat intérieur que livre l'homme au plus profond de son être, chaque jour de sa vie, pour lui donner un sens, et ce, jusqu'à sa mort.

Que vous soyez croyant, athée ou agnostique, Silence vous donnera à réfléchir au sens d'une existence lestée par le poids du doute et de la souffrance.

Le triste lot de l'humanité.
Lien : https://chroniquesdesimposte..
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Le film de Martin Scorcese inspiré par ce livre sort le 8 février prochain et la lecture de ce roman est donc d'une grande actualité. Un sujet rarement évoqué, celui de la persécution des Chrétiens dans le Japon féodal du début du 17ème siècle, un sujet qui résonne douloureusement avec notre actualité, où la situation des Chrétiens au Moyen-Orient est souvent très difficile.
Le livre de Shûsaku Endô est sorti en 1966 et a été traduit en français en 1992 seulement.
"Silence" (en japonais 沈黙 ou Chinmoku) est un roman historique, on y voit plusieurs prêtres portugais, dont Sébastien Rodrigues qui va avoir un rôle important, partir au Japon à la recherche de Christophe Ferreira, un prêtre missionnaire au Japon qui aurait apostasié quelque temps plus tôt.
La découverte d'un pays aux moeurs rudes et d'une société particulièrement répressive et féodale va être un moyen d'éprouver leur foi.
Sébastien Rodrigues et son compagnon, le père François Garpe arrivent au Japon en 1638. La population chrétienne y vit dans la clandestinité. Pour dénicher les chrétiens cachés, les policiers forcent ceux qu'ils soupçonnent de l'être à piétiner une image du Christ (l'épreuve du fumi-e). Ceux qui refusent sont emprisonnés et torturés à mort.
La question de garder la foi ou d'y renoncer va se poser pour le prêtre Rodrigues, en des termes particulièrement cruels dès lors qu'il sera question aussi de la vie de paysans chrétiens.
Ce livre est considéré comme le chef d'oeuvre de Shûsaku Endô.
L'auteur a reçu le prix littéraire japonais Tanizaki pour cet ouvrage. Une adaptation cinématographique (avant celle de Scorcese qui sort bientôt) a déjà été réalisée en 1971. le compositeur Matsumara en a fait un opéra en 2000 et le musicien écossais James McMillan une symphonie en 2002.
Un livre à découvrir et à méditer.. le silence, ce serait aussi celui de Dieu? ou de ce que ressentent ces croyants dans ces douloureux moments de crise de conscience..
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La misère des pauvres au japon, tel que le récit nous la raconte, puanteur des bouches édentées, effluves nauséabondes, précarité de la vie, était-elle différente de la misère des pauvres en Europe ? Avons-nous besoin des dogmes d'une église, de ses sacerdoces, et même de la foi, pour prendre soin des autres êtres humains ?
Endo Shusaku, avec l'écriture de « Silence », s'est confronté à une interrogation corrosive. Une réflexion qui dépasse le cadre de la chrétienté. Avoir des valeurs et agir en accord avec ses valeurs, c'est une forme de vie. Mais, prosélytisme et martyre, n'est-ce pas provoquer le pouvoir et l'affronter ? Les plus faibles et les plus démunis ne sont-ils pas ceux qui sont massacrés en premier ? le prêtre doit-il renoncer à la dimension politique de son engagement ? Et si la divinité catholique n'était qu'un dieu de plus pour les fidèles japonais ? Et si dieu n'existe pas ?
Les personnages du livre ont conscience de la valeur de la vie, et ce n'est pas tant la souffrance qu'ils craignent. L'anéantissement est un possible qu'ils ne peuvent évacuer. Pour le gouvernement japonais de l'époque, se fermer aux européens, c'était préserver sa souveraineté et repousser l'éventualité d'une implantation occidentale. La croyance en dieu est-elle la seule foi qui puisse fonder des valeurs humaines ?
Dialogue interrompu entre des sociétés qui ont une conscience aiguisée de la pratique du pouvoir. Un roman sobre et radical, aux limites de la pensée religieuse. Et, quel silence… (Pierre)
Lien : http://www.bnfa.fr/livre?bib..
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Très beau roman de Sushaku Endô qui évoque une période historique peu connue, alors que les Chrétiens se voient interdire leur culte au Japon à partir de 1614.
S'ensuivent des persécutions contre les chrétiens et contre les missionnaires étrangers.
Tout part d'un missionnaire, Ferreira, dont on dit qu'il a apostasié. Deux missionnaires se rendent ainsi sur l'archipel pour tenter de découvrir la vérité.
Un parcours incroyable qui décrit sans concession les conditions de vie et la répression qu'ils rencontrent.
Des passages particulièrement tristes et durs, mais au fond, un très beau roman.
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Tout un pan de l'histoire du Japon nous est ici raconté ainsi qu'une partie de ses relations difficiles qu'il a pu entretenir avec l'Occident...C'est l'histoire de prêtres portugais venus au Japon témoigner des persécutions que les chrétiens subissaient...Un livre intense sur le caractère universel des religions et sur les difficultés nés de leur expansion dans des sphères culturelles différentes....
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Japon, début de la période Tokugawa, le pays se referme comme une huitre, expulse les Espagnols et les Portugais, chasse et persécute les chrétiens. Trois jeunes prêtres partent au Japon pour enquêter sur la rumeur prétendant que leur mentor a renié sa foi et poursuivre son oeuvre évangélisatrice.

En me procurant ce livre je m'attendais à apprécier une oeuvre d'aventures me permettant de découvrir de l'intérieur (j'entends de la part d'un japonais) les coutumes, les codes, les décors du Japon du XVIIème siècle. Il s'est révélé beaucoup plus âpre, dur, difficile à soutenir, non pas parce qu'il est mauvais, mais au contraire parce qu'il est cruellement efficace dans les images qu'il veut nous faire partager.

Car le livre est surtout consacré à la résistance du prêtre catholique Sébastien Rodrigues face aux autorités japonaises qui veulent le pousser à apostasier. Rien n'est épargné à Sébastien, ni au lecteur. On voit se mettre en marche une machine bien huilée de déstructuration de la personnalité, enchainant interrogatoires contradictoires, supplices surtout subis par ses brebis chrétiennes et que seul sa renonciation pourra stopper, mépris affichés par ses geôliers suivis de démonstrations d'amitié (pour provoquer une empathie envers ses bourreaux). C'est peu de dire que Sébastien est déstabilisé. Ce n'est pas un martyr des premiers temps, fier, droit et inflexible. Il doute et nous le fait partager, longuement, par vagues de dépressions et de résolutions. Et le plus dur pour lui, c'est ce silence que Dieu maintient devant les cris de ses croyants suppliciés, devant le calvaire de son ministre, devant la perte pour la foi de tout un pays.

Le style d'écriture est changeant. Il commence de manière épistolaire à travers les lettres de Sébastien et se poursuit par un texte écrit à la troisième personne mais maintenant le point de vue du prêtre. C'est donc par les yeux d'un catholique que le Japon et les japonais nous sont présentés, un catholique en proie à des attaques violentes, intérieures et extérieures, sur sa foi et sa raison. Il a autre chose à faire que de nous faire partager le point de vue japonais. Ses interlocuteurs sont vus de manière superficielle. C'est ce que j'ai trouvé de plus frustrant, comme visiter ce pays exotique et rester à l'hôtel 4 étoiles sans possibilité de véritable immersion.

Mais à travers les interrogatoires contradictoires l'auteur, japonais et catholique, nous fait saisir les points de vue théologiques dissonants : Sébastien croit à l'universalité de sa foi, les japonais croient qu'une religion est transformée lorsqu'elle est implantée dans un nouveau sol, jusqu'à devenir méconnaissable. C'est la lutte de l'Un contre le Multiple, l'unité contre la diversité, une forme particulière de dualité Yin-Yang.

Un livre exigeant, mais superbe. Ne l'emportez pas à la plage pour vous détendre. Prenez le temps ; supportez les longueurs, vous serez récompensés.
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j'ai longtemps changé d'avis au sujet du nombre d'étoiles que j'attribuerais à ce roman.
Tout d'abord, un petit résumé: en 1614, le shogun formule un édit d'expulsion de tous les missionnaires catholiques, et lance une campagne de persécution contre tous les japonais convertis au christianisme. C'est dans ce contexte qu'arrive au Japon un prêtre d'origine portugaise, venu vérifier l'exactitude d'une rumeur disant qu'un missionnaire tenu en haute estime, aurait renié sa foi.
Dès le début, on sent qu'il n'est question nullement de suspens -on devine tout de suite que malgré toutes ses précautions, le prêtre se fera prendre- et que le récit tournera principalement autour de l'état d'âme, voire des états d'âme du prêtre qui tout le long de son aventure (plutôt atroce) se posera bien malgré lui des questions sur Dieu, sur la foi en Dieu, et surtout sur SA foi en Dieu, avec tous les tourments qu'implique ce genre de questionnement. En gros, pas de surprises, surtout devant des discours tenant souvent du lieu commun, mais de temps en temps (assez souvent même), un mot ou une courte phrase fusent comme ça, jaillissant de l'esprit du prêtre et disparaissant aussi tôt, et qui donnent du relief à sa souffrance et à ses interrogations.
En plus, on est loin du missionnaire illuminé, attaché à sa foi tout du long, que rien ne vient perturber. Non, il a peur et il le dit, il a faim et soif et il le dit, il est en colère contre certains faibles de caractères et il le dit alors qu'il est sensé comprendre leur faiblesse sans la juger, et les aimer sans faille tout comme l'a fait le Christ avec Judas. Et c'est ce côté "humain", faible selon lui qui le tourmentera sans doute plus que les épreuves infligées par les autorités japonaises.
Autre chose, le style de Endo, encore une fois surprenant, passant du récit épistolaire qui au moment où il devient un peu lassant, est laissé de côté pour une narration classique neutre, et enfin un journal de bord, rendant l'ambiance très réaliste. Les descriptions sont courtes, nettes et très efficaces.
Pour résumer, un excellent livre, assez éprouvant parfois, surtout avec cette façon de décrire les scènes de tortures, qui mérite largement d'être lu.
Verdict: quatre étoiles
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