AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,68

sur 902 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est un livre tout petit, tout modeste et que j'ai apprécié et dévoré très rapidement, trop sans doute car je pense reprendre cette lecture en réfléchissant à tout ce qui y est dit. La honte, c'est ce sentiment que beaucoup d'entre nous ( génération 50/60) connaissent, quand on a été élevé par des parents très moralistes, et dans des institutions où le "péché" occupe la plus grande place: Honte de son corps, honte de la modestie de ses parents, honte des faits dont on est témoin et qui ne nous sont pas expliqués au moment où cela devrait être. Cette "honte" a fait très rapidement place à la culpabilité... Annie Ernaux s'en fait le porte parole. un très beau livre.
Commenter  J’apprécie          740
Qu'est-ce que le Moi? le Moi passé, celui dont on croit se souvenir, mais qui définivement n'est plus. Un événement précis du passé a-t-il vraiment eu lieu? Existe-t-il des preuves? Annie Ernaux a concervé deux photographies d'elle avant et après que son père ne veuille tuer sa mère, mais ces images se contredisent, se complémentent bien sûr; mais n'est-on pas trompé par ces vagues reflets d'une réalité si ancienne? Elle n'a parlé de cette scène à personne. Enfin non à y bien réfléchir elle en a parlé à un ou deux amants, mais l'écriture a ceci de bon que le papier ne peut répudier celui qui rédige un texte sur lui. La honte de vivre, de se souvenir, d'écrire une phrase qui relate cette tentative de meurtre est le sujet de ce très court livre. Cette vélléité d'assassinat est une madeleine, ce texte par son style décharné est à la fois une injure et un hommage à Proust. Je n'ai pas assez lu pour savoir s'il y a d'autres exemples en littérature de recherche aussi profonde de soi...
Commenter  J’apprécie          190
La Honte
Annie Ernaux, son enfance, l'épicerie de ses parents.
La honte c'est le récit d'un évènement particulier: une dispute entre ses parents qui tourne mal, la violence du père contre la mère, qui la choque de façon brutale, la peur qui s'insinue et la marque pour toujours... Mais la honte c'est aussi la mère en chemise de nuit qui lui ouvre la porte, un soir, de retour d'une sortie chez des amies... C'est le regard des autres, de la société, la honte de ses origines... Cette honte , qui lui colle à la peau, la hante et la poursuit de l'enfance à l'âge adulte. Écriture superbe, profonde, touchante, sans lyrisme,sans épanchement, simple, pure, qui nous parle directement, un auteur à découvrir!
A lire avec "La place" et "Une femme
Commenter  J’apprécie          180
Un incipit percutant qui m'a embarquée : "Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l'après-midi". J'ai lu la suite d'une traite. Certes, c'est un texte court, mais j'ai plongé dans les souvenirs de cette petite fille de 12 ans, sans pouvoir m'arrêter.

"C'était le 15 juin 52. La première date précise et sûre de mon enfance".

Comme le texte est écrit en 1995, soit plus de 40 ans après cet épisode, le récit n'est pas linéaire. Il décrit des faits, des lieux, des tenues, rassemble des bribes de souvenirs et surtout, dresse la peinture d'une époque, d'un choix éducatif (école privé, religion catholique), d'un milieu social avec précision.

Au fil des pages, on comprend que cet évènement marquant est un agrégateur d'autres faits, d'autres ressentis, d'autres craintes. Une toile se dessine et se resserre, pour pointer le noeud central qui semble expliquer ce sentiment intrinsèque qui tenaille Annie Ernaux : la honte.

Cette honte profonde n'est-elle pas le fil directeur de l'ensemble de son oeuvre, de son choix de se raconter de manière brute et frontale ?

« J'ai toujours eu envie d'écrire des livres dont il me soit ensuite impossible de parler, qui rendent le regard d'autrui insoutenable. »
Comment définir la honte mieux que ça.
Commenter  J’apprécie          161
« Ici rien ne se pense, tout s'accomplit ». Un lieu, la mémoire. Ce que l'on vit, ce que l'on montre, ce que l'on cache, ce que l'on tait, ce que l'on crie. Et puis soudain, écrire. Un livre d'images. Ni pieuses, ni insupportables. Dire l'usage du monde. Instant d' une facture. L'instant d'une bascule. A douze ans, on est encore l'enfant, mais l'enfant qui déjà se sent, se désir adulte. La honte, cet instant qui échappe, qui vous échappe, qui s'échappe. Ne pas ressentir la honte eut été l'acceptation, l'allégeance, la fusion. La honte c'est une émotion de rupture. Qui provoque un sentiment de distanciation. La honte est toujours le signe d'une appartenance, d'une reconnaissance, d'un lien. Cela me fait honte, parce que cela me fait monde. On n'a jamais honte de ce qui nous est extérieur, de ce qui nous est indifférent. La honte : la fissure, un déchirement. Dire sa honte, c'est peut être ce qu'il y a de plus intime, de plus intérieur à soi. On partage ses souvenirs, mais peut-on partager sa honte ? Montrer sa défigure ? Alors on remonte les images. Ni archives, ni classement. Même pas une mise en lumière, ni même projection. On remonte la vie, de la source jusqu'au fleuve. Là où le particulier touche à l'universel opère la littérature.
Il faut que les vies s'inscrivent pour que les mots soient mis en commun.

Astrid Shriqui Garain
Commenter  J’apprécie          160
Cela faisait longtemps que je voulais la lire. Au-delà de son prix Nobel, je l'ai beaucoup croisé en littérature et en sociologie, mais de plus j'habite juste à côté d'Yvetot où elle a vécu durant toute son enfance.

Donc premier livre que je lis d'elle et une grande claque. Je comprends l'intitulé de son prix Nobel, la façon qu'elle a à mettre des mots sur des faits sociologiques avec une touche littéraire bien à elle est remarquable. J'aime la façon dont elle cerne petit à petit ce sentiment de honte qu'elle a et que toute personne venant de milieux sociaux défavorisés ont en voyant des personnes au-dessus socialement.
Commenter  J’apprécie          90
Cela commence un dimanche de juin 1952, le 15 exactement, à midi : « Mon père a voulu tuer ma mère. » C'est l'année du renouvellement de sa communion. Elle a 12 ans et s'en souvient encore. Les photos, peu nombreuses, alimentent ses souvenirs comme la liste des objets datant de cette année. Des cartes postales, un album, une petite trousse, la partition d'une chanson Voyage à Cuba, un missel… et son père qui disait : « tu vas me faire gagner malheur ». Elle se rend aux Archives de Rouen pour consulter Paris-Normandie de 1952, le journal de ses parents et redécouvre ce qui faisait l'actualité « Je connaissais la plupart des événements évoqués, la guerre d'Indochine, de Corée, les émeutes d'Orléansville, le plan Pinay mais je ne les aurais pas situés spécialement en 52… »
Elle passe ensuite à sa ville d'Y., une ville qu'elle ne peut nommer « le lieu d'origine sans nom où, quand j'y retourne, je suis aussitôt saisie par une torpeur qui m'ôte toute pensée, presque tout souvenir précis, comme s'il allait m'engloutir de nouveau. » Cela ne l'empêche pas de détailler la topographie de cette ville : rues, quartiers pour arriver « chez nous », l'épicerie-mercerie-café. Elle recense les expressions et les gestes du quotidien, se souvient « Tous les soirs de la semaine, à 7 h 20, La famille Duraton » et ajoute « Ici, rien ne se pense, tout s'accomplit. »
Elle nous livre un tableau détaillé, très complet de la société qui l'a vue grandir, décrit la politesse et la conduite à tenir pour une fille de commerçants, n'oubliant pas de confier ses sentiments. L'école privée catholique tient une grande place avec cette religion omniprésente, le mot laïc étant synonyme vague de mauvais. Sa mère est très assidue alors que son père fait le minimum.
Mêlée aux filles de l'école privée, petit à petit, elle a de plus en plus honte du métier de ses parents : « comme d'une conséquence inscrite dans le métier de mes parents, leurs difficultés d'argent, leur passé d'ouvriers, notre façon d'être. Dans la scène du dimanche de juin. La honte est devenue un mode de vie pour moi. »
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          90
Je poursuis inlassablement et agréablement mon exploration de l'univers d'Annie Ernaux qui parvient à chacun de ses ouvrages à combiner dans un même allant les métiers d'auteure, d'ethnologue du soi, d'historienne contemporaine et de sociologue en employant une langue sobre et précise.

Dit comme ça ça ne donne peut-être pas très envie et pourtant... Peu de livres m'ont autant émus ces derniers mois que ceux d'Annie Ernaux tant, en parlant fidèlement de sa vie, de sa région et de son temps, elle me renvoie aux miens et à ces ressentis qui ont fait mes conforts et mes inconforts.

Lire Annie Ernaux quand on est un baby-boomer issu d'un milieu modeste, c'est comme embarquer dans une machine à remonter le temps, c'est comme un voyage à la rencontre de soi, c'est reparcourir son histoire pour mieux en comprendre les tenants et les aboutissants.

Je reste fan
Commenter  J’apprécie          80
les exhibitionnistes actuelles devraient prendre des leçons chez cette auteure lumineuse, humble et intègre. le récit est court et va à l'essentiel : l'injuste traitement (inconscient) que s'inflige l'innocent des crimes collectifs. Très émouvant.
Commenter  J’apprécie          80
Il est frappant de voir comment une vie peut se diviser en deux pour n'être que le reflet d'une scène de quelques minutes.
L'Avant est plein de conformité, le Pendant est brutal et l'Après est inévitable. le déterminisme effrayant de cette journée démontre la volatilité de notre tranquillité.
Mon seul petit reproche concerne la répétition de certains aspects de sa vie dans plusieurs de ses livres, cela donne l'impression de relire les mêmes passages.
Néanmoins, Annie Ernaux sait parfaitement poser les bon mots au bon endroit.
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (2665) Voir plus



Quiz Voir plus

La honte (Annie Ernaux)

Quand a lieu la dispute entre le père et la mère de la narratrice ?

Le 15 mars 1952
Le 15 avril 1952
Le 15 mai 1952
Le 15 juin 1952

8 questions
10 lecteurs ont répondu
Thème : La Honte de Annie ErnauxCréer un quiz sur ce livre

{* *}