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sur 719 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'autre fille, est un récit autobiographique sur la soeur d. A Ernaux décédée prématurément à l'âge de 6 ans, avant que cette dernière n'advienne au monde.
C'est par un "bel après-midi d'été", qu' A. Ernaux l' apprend indirectement, au cours d'une discussion entre sa mère et une voisine.
Elle découvre alors le chagrin de ses parents et entend sa mère dire à son interlocutrice que la fillette décédée" était plus gentille que celle-là." ! La vivante !
Ce secret de famille ainsi que les paroles proférées par sa mère, ne cessent alors d'interroger la narratrice sur la signification de ce mot « Gentille » évoqué ce jour-là, mettant ainsi les deux fillettes côte à côte, perturbant un certain équilibre chez la narratrice.
A partir de l'âge de 10 ans, celle-ci prend conscience qu'elle n'est pas fille unique, la morte de dresse entre ses parents et elle.
Cette éternelle petite fille est désormais érigée en sainte tandis qu'elle est le démon.
Pour la narratrice, il fallait que cette soeur meure pour qu'elle vive.
De cette morte, il n'en sera pas parlé en famille, le sujet reste douloureusement tabou et instaure chez la narratrice une sensation d'irréalité, un fantôme errant dans la famille, un cadavre dans un placard qu'on ne peut rouvrir. A Ernaux dira d'elle qu'elle est « l'anti-langage ». Cette absence de parole enfermée dans le chagrin marque le récit.
Le livre en forme de lettre dans lequel elle s'adresse à la morte se centre sur l'impossibilité pour la narratrice de se représenter cette soeur et du coup de la reconnaître en tant que telle, on est dans l'indicible. Si elle vit un tant soit, peu c'est uniquement de manière fantasmée chez la narratrice qui reste finalement unique. elle la fait finalement revivre dans l'écriture mais le questionnement demeure ainsi qu'une sorte de culpabilité de vivre à la place d'une autre sans jamais pouvoir la rejoindre.
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Lecture ancienne faite en juillet 2011...

Un bref récit poignant de l'auteure qui se remémore la violence d'une nouvelle entendue par inadvertance, l'été de ses 10 ans. se croyant fille unique... elle découvre qu'une petite soeur a existé avant elle, décédée toute petite...
Annie Ernaux relate avec finesse le poids des secrets, des non-dits sur l'avenir des individus...l'influence ultérieure sur la construction de son existence, en précisant qu'en plus, dans les années 50, il était interdit implicitement d'interroger ses parents...

Une phrase m'a profondément frappée: "Je n'écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j'écrive, ça fait une grande différence." (p.35)


"D'après l'état civil tu es ma soeur. Tu portes le même patronyme que le mien, mon nom de "jeune fille", Duchesne. Dans le livret de famille des parents presque en lambeaux, à la rubrique Naissance et Décès des Enfants issus du Mariage, nous figurons l'une au-dessous de l'autre.
Toi en haut avec deux tampons de la mairie de lillebonne (Seine-Inférieure), moi avec un seul- c'est dans un autre livret officiel que sera remplie pour moi la case décès, celui qui atteste de ma reproduction d'une famille, avec un autre nom.
Mais tu n'es pas ma soeur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc. Je n'ai pas de mémoire de toi. Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l'enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les conversations. le secret. " (p.13)

Un récit qui prend "aux tripes", car il parle du deuil, du manque indéfinissable provoqué par des non-dits familiaux, de la séparation... d'une des multiples nécessités de l'écriture... là en l'occurence, une sorte de "réparation", rendre "la vie" à un être de sa fratrie...

"Evidemment ,cette lettre ne t'est pas destinée et tu ne la liras pas. Ce sont les autres, des lecteurs, aussi invisibles que toi quand j'écris, qui la recevront. Pourtant, un fond de pensée magique en moi voudrait que , de façon inconcevable, analogique, elle te parvienne comme m'est parvenue jadis, un dimanche d'été, peut-être celui où Pavese se suicidait dans une chambre de Turin, la nouvelle de ton existence par un récit dont je n'étais pas non plus la destinataire. Octobre 2010" (p.78)
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‘'Elle raconte qu'ils ont eu une autre fille que moi et qu'elle est morte de la diphtérie à six ans, avant la guerre, à Lillebonne.''
‘'A la fin, elle dit de toi elle était plus gentille que celle-là
Celle-là, c'est moi.''
C'est par des mots échangés avec une cliente devant l'épicerie familiale, un jour de l'été 1950, que la petite Annie apprend, de la bouche de sa mère, qu'elle a eu une soeur. Une soeur morte avant sa naissance. Une sainte. Une fille parfaite et gentille.
D'elle, il ne sera plus jamais question. Ses parents n'en parlèrent jamais, croyant la préserver, l'enfermant dans un secret de famille et une concurrence déloyale. L'autre est la gentille, elle est la turbulente. L'autre est une sainte, elle est un démon. L'autre est morte pour qu'elle puisse vivre.

Présenté sous forme de lettre pour la collection ‘'Les Affranchis'', L'autre fille est un récit autobiographique où Annie Ernaux évoque ses dix ans, la révélation fortuite de l'existence d'une soeur, sa mise à distance et les réflexions que cela a engendré.
‘'Mais tu n'es pas ma soeur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc. Je n'ai pas de mémoire de toi. Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l'enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les conversations. le secret.''
Annie comprend qu'elle vit parce que sa soeur est morte, qu'elle n'est qu'une remplaçante, un second choix.
A travers sa lettre à l'absente, elle analyse le deuil impossible de ses parents et dissèque l'impact du secret sur son enfance, sa place dans le monde, sa légitimité.
Si l'écriture d'Annie Ernaux peut paraître froide et distanciée, on sent la douleur insidieuse, l'impossibilité de questionner ses parents qui partiront sans jamais avoir ouvert leur coeur à leur fille. Autres temps, autres moeurs…L'autrice évoque une époque où les parents ne s'épanchaient pas, où les enfants devaient rester ‘'à leur place''…
Un texte troublant et fort, une belle entrée en matière dans l'oeuvre de la française nobélisée.
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L'autre fille.
« Elle était plus gentille que celle-là ».

C'est par ce livre-là, par cette phrase-là, qu'il faudrait commencer à lire Annie Ernaux. Evidemment, tentation immédiate de faire de la psy de café du Commerce. Comment une petite fille grandit-elle quand, à dix ans, elle entend, par inadvertance, sa mère raconter à une cliente, qu'il y a eu une autre enfant avant elle, qu'elle est morte et qu'« elle était plus gentille que celle-là » ?

Ce sera la seule fois où elle entendra sa mère évoquer l'enfant disparue. de son père, aucune allusion. Et elle ne leur posera jamais de question. « Je ne pouvais pas ou je ne voulais pas – les deux fusionnent quand il s'agit du soi passé - entrer dans leur douleur. Elle m'était antérieure, étrangère. Elle m'excluait. »

Soixante-dix pages saisissantes qui appartiennent sans doute aux bibliothèques de tous les thérapeutes en psy. le non-dit, le secret, le disparu tu et presqu'effacé, et à 60 ans, le constat que le silence n'était pas absence ou néant.
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Comme à son habitude, Annie Ernaux s'empare du registre de l'intime.
Il s'agit là d'une lettre à une grande soeur, jamais connue, morte à six ans.
Un tabou, ne jamais parler de ce drame, cette douleur, ce vide aussi.
De cette plume simple, sans fioriture, allant à l'essentiel, la romancière a attendu la disparition de ses parents pour aborder ce non-dit, cette perte qui lui a permis de naître.
Un témoignage à l'image des autres textes de l'auteure.
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Un dimanche en fin d'après-midi, Annie Ernaux, alors qu'elle n'a que dix ans, surprend une conversation entre sa mère et une voisine. « Ces phrases ont traversé les années et se sont propagées en un instant sur sa vie d'enfant comme une flamme muette et sans chaleur. »

La mère raconte qu'ils ont eu une autre fille morte de la diphtérie à six ans, avant la guerre, à Lillebonne, « morte comme une petite sainte ». En désignant discrètement Annie elle précise : « elle ne sait rien, on n'a pas voulu l'attrister » A la fin elle dit de la soeur défunte « Elle était plus gentille que celle-là ».
« Celle-là, c'est moi ! » ajoute l'autrice qui se sent flouée, dupée mais pas triste par cette révélation soudaine. Les qualificatifs quotidiens dont l'affublaient ses parents, selon ses comportements, étaient plutôt « intrépide, coquette, sale, goulue, Mademoiselle je sais tout, déplaisante, … ». Néanmoins elle reconnaît après coup avoir été choyée telle une enfant unique.

Dans ce livre autobiographique très court, écrit sous la forme d'une lettre à sa soeur, Annie Ernaux rassemble ses souvenirs et intellectualise ce secret de famille. Elle mesure le poids des non-dits, la difficulté de se réaliser et l'absence de dialogue avec ses parents, qui jusqu'à la fin de leurs vies n'évoqueront jamais avec elle l'existence de cette soeur ainée morte prématurément, celle que l'autrice a l'impression d'avoir remplacée.

Tout au long de son oeuvre littéraire, Annie Ernaux revient sur son enfance, sa jeunesse, sa famille, son origine populaire dont elle se sent en complet décalage. Dans ces différents romans ou essais autobiographiques, on a le sentiment qu'elle "règle ses comptes" avec ses parents et qu'elle méprise leur rigidité et leur milieu peu évolué. Je remarque amèrement que lorsque l'autrice parle de son père ou de sa mère, elle ne prononce jamais ces mots et encore moins papa ou maman, non elle écrit brutalement "lui" ou "elle" comme si elle crachait son ressentiment.

Néanmoins, j'ai apprécié ce livre, sincère et bien écrit, comme un nouveau morceau du puzzle constituant l'oeuvre et la vie d'Annie Ernaux.




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Ce récit est une lettre qu'Annie Ernaux adresse à sa soeur.
Soeur qu'elle n'a pas connue puisqu'elle est décédée avant sa naissance.
Ses parents ne lui parleront jamais d'elle, mais un jour d'été elle entendra des bribes de conversation de sa mère et découvrira ce secret.

J'ai été très émue par le récit d'Annie Ernaux, cette soeur qu'elle ne connaîtra jamais qu'en photos, qui restera à jamais pour elle une étrangère. Malgré la découverte de l'existence de cette soeur, elle n'a jamais posé de question à ses parents. Il faut dire qu'à l'époque on n'interrogeait pas les adultes sur ce dont ils ne voulaient pas parler. Elle restera exclue de la douleur de ses parents.

J'avais des appréhensions à aller à la découverte de cette auteure et j'en ressort totalement conquise.
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Une lettre à sa soeur décédée avant sa naissance.
Le thème de ce court récit est donc le deuil mais aussi l'évocation de la difficulté d'être "l'enfant de remplacement " ,celle sur qui reposent tous les espoirs de ses parents.
C'est aussi l'occasion d'évoquer la toxicité des rapports familiaux ,enlisés dans des non-dits, faussés par des jugements altérés par la souffrance :
"...elle était plus gentille que celle-là. "
"Celle-là ,c'est moi . "

Les écrits d'Annie Ernaux ont-ils une visée thérapeutique ? sans doute.
Et ,on peut parfois lui reprocher un certain nombrilisme .
Mais, au travers de toutes les émotions qu'elle jette en pâture au lecteur, on perçoit rapidement la profondeur d'investigations des sujets abordés.
En effet, le milieu social et surtout familial, théâtre de son oeuvre, se révèle être un excellent observatoire des rapports humains propres à une époque, les années 50 pour cet ouvrage.
Au travers des fresques choisies, le lecteur peut revivre ou découvrir toute une époque, toute une éducation aussi.
Un simple témoignage parfois qui, par ces regards sur le passé suscite bien des interrogations sur l'avenir.

Annie Ernaux, outre le fait d'être l'une des plus belles plumes contemporaines, apparaît souvent comme étant une suffragette, une éternelle rebelle, une de ces femmes qui n'aura jamais cessé de lutter,à sa manière, en partageant ses expériences, pour plus de justice et de liberté.
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Ce récit fait partie de la collection des affranchis qui est dédiée aux auteurs afin qu'ils écrivent une lettre. Ici l'auteur écrit cette lettre pour parler de cette soeur fantôme. A l'âge de 10 ans, elle apprend par inadvertance qu'elle a eu une autre soeur décédée à l'âge de six ans. Ses parents ne lui en ont jamais parlé et de son côté elle a continué à garder ce secret. L'auteur aborde avec finesse le poids des secrets de famille, la difficulté à être l'autre, à remplacer une soeur décédée. Les non-dits, les comparaisons en sourdine... tout cela est tellement lourd à porter quand on a 10 ans.
Au final, cette soeur inconnue occupe un espace interdit, une ombre omniprésente.
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C'est tout le poids du secret de famille que raconte ici Annie Ernaux. le sujet tabou avec ses parents, au point qu'elle ne leur demandera jamais rien au sujet de cette soeur qui est morte avant sa naissance.
j'ai le sentiment à cette écoute qu'il y a fallut toute une vie pour digérer ce secret.
C'est un beau texte. Elle ne juge pas, elle expose ce qu'il s'est passé, ce qu'elle a appris, comment elle l'a appris.
Voilà c'est une tranche d'histoire familiale comme il y en a tant. Mais j'ai trouvé son approche très intéressante.
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