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sur 724 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"Tu es l'enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les conversations. le secret."

Ce secret, Annie Ernaux ne le découvre qu'à ses 10 ans quand elle entend sa mère parler à une autre personne de ce secret.
Ce secret, c'est une soeur, décédée à l'âge de 6 ans de la diphtérie et dont elle n'avait aucune connaissance. Elle qui se pensait la seule, l'unique, va devoir composer avec cette soeur dont on ne parle jamais et va devoir se construire avec cette absence.
Elle a grandi dans l'ombre de celle-ci sans rien connaître d'elle. Ses parents n'ont jamais parlé d'elle, ni évoqué aucun souvenir.

"Je ne vivais pas dans leur douleur, je vivais dans ton absence".

Outre l'absence, il y a aussi ce silence. le silence de ce secret. le silence comme une protection. Une protection pour ses parents, pour se protéger de ce deuil difficile, d'une curiosité malsaine, mais aussi pour la protéger elle d'une comparaison.

Comment faire un deuil d'une personne qu'on ne connaît pas et dont on ne parle pas? Pour Annie Ernaux, l'écriture a été salvatrice.

"Je n'écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j'écrive, ça fait une grande différence".

Bref, une lettre douce et émouvante adressée à cette soeur qu'elle n'a jamais connu.
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L'autre fille
Annie Ernaux
Récit
Edition Noël, 2011, 75p

La narratrice apprend, au détour d'une conversation, que ses parents ont eu une fille avant elle, et surtout qu'elle était plus gentille, elle qui est un garçon manqué mais qui marche très bien à l'école. Elle ne leur pose pas de questions, elle devine que le sujet est tabou, même si ses parents ont dû s'apercevoir qu'elle savait.
Adulte, elle a besoin d'en connaître plus sur celle qui est sa soeur, mais qu'elle ne ressent pas comme une soeur ; elle ne l'a jamais vue en vrai, elle n'a que quelques photos d'elle, elle interroge des gens susceptibles de l'avoir connue, elle qui est morte de la diphtérie à l'âge de six ans avec des bondieuseries du genre : Je vais retrouver la Sainte Vierge ; elle comprend mieux que ses parents se rendaient hebdomadairement sur sa tombe une fois l'un une fois l'autre, que leur chagrin fut énorme quand elle a été emportée par la maladie.
Ses parents sont commerçants-épiciers ; ils gagnent leur vie modestement. Si la narratrice existe, c'est parce que sa soeur est morte. Ses parents n'ont pas suffisamment d'argent pour élever deux enfants.
C'est un très court récit autobiographique, rendu nécessaire pour Annie Ernaux qui a besoin d'en finir avec ce secret et qui, puisqu'elle existe de par la mort de sa soeur, la gentille, doit écrire son histoire.
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Lettre adressée à quelqu'un qui ne la lira jamais, une morte : sa soeur, Annie Ernaux nous confie tout de même l'espoir qu'elle puisse lui parvenir, au détour d'une conversation pareille à celle qu'elle surpris un dimanche d'été 1950, lui apprenant qu'elle avait eu une grande soeur.
Morte avant sa naissance, elle nous livre les tourments que lui infligent le fantôme de la jeune Ginette, morte vers six ans, une dizaine d'année avant la naissance d'Annie.
Elle ne nommera sa soeur qu'une seule fois dans la lettre, illustrant le rapport compliqué à cette jeune fillette qui portait le même sang qu'elle et qui pourtant lui paraît bien étrangère.

"Est-ce que je t'écris pour te ressusciter et te tuer à nouveau ?"

Au fil de la lecture, l'auteur laisse en suspens quelques questions entre crochet, qui ne recevront jamais de réponses puisqu'elles sont adressées à sa défunte soeur. Cependant, elle invite aussi le lecteur à y réfléchir, peut-être trouverons-nous chacun une réponse au fond de nous.
Les adresses directes à sa soeur, l'utilisation perpétuelle de "toi" et "tu", nous plongent dans l'intimité d'Annie Ernaux, et nous donne l'étrange sensation de plonger dans des profondeurs qui devraient nous être interdites, comme si par hasard on ouvrait le courrier de quelqu'un d'autre.
Elle n'accuse personne, ni ses parents qui ont du beaucoup souffrir de la perte d'un enfant, ni sa famille. Elle se demande juste comment vivre avec ce poids qui n'est pas le sien et qui pèse pourtant sur ses épaules à chaque étapes de sa vie.
Se sentant coupable de grandir, de vivre à la place de quelqu'un, elle trouve tout de même son chemin grâce au langage, dans l'écriture. Elle revient sur plusieurs de ses autres livres tels que "La Place" et revient sur son questionnement : comment trouver sa place alors que quelqu'un d'autre devrait l'occuper ?
Comment mettre les mots sur cette absence présente ou sur cette présente absente ?

"Tu es hors du langage des sentiments et des émotions. Tu es l'anti-langage."

Elle revient également sur ce tabou entourant le secret familial, des parents qui n'ont jamais su lui dire qu'elle avait eu une soeur, les miettes qu'elle avait eu, peut-être quelques regret de ne pas avoir chercher à en savoir plus sur cette disparue, mais aussi l'incertitude de vouloir en savoir plus.
Cette quête d'identité, facilité par l'utilisation de la première personne du singulier, l'adresse à cette soeur mythifiée dans la mort et l'ignorance, rendent cette lettre bouleversante et nous invite à réfléchir notre rapport aux autres.
Les auteurs ont plutôt l'habitude d'aborder la question de l'enfant perdu du point de vue des parents, l'intérêt de ce livre est d'aborder tout en douceur (car c'est une lettre qui ne porte pas d'étiquette à proprement parler, qui est libre dans l'écriture) la question de la culpabilité de vivre à la place d'une autre, d'être une éternelle remplaçante à qui la vie n'appartient pas vraiment.
Ainsi, au travers d'une association libre de récit de son enfance, Annie mêle vivante et morte, cherchant désespérément un moyen d'échapper et d'accepter ce fantôme.
Un moyen qu'elle trouvera peut-être dans l'écriture.
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Comment juger ce livre sans que ma critique ne soit plus longue que lui ni trop courte pour Babelio ? Tout dépend si ce premier roman lu de cette prix Nobel va rejoindre l'extraordinaire José Saramago ou bien la décevante Herta Müller....

Finalement, c'est un entre-deux !
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L'autre fille et le troisième roman d'Annie Ernaux que je lis et, bien que ses textes soient courts, bien que l'écriture ait quelque chose du quotidien, du parler commun, il s'en dégage toujours quelque chose de fort.
Dans L'autre fille, l'écrivaine (qui a d'ailleurs récemment obtenu le prix Nobel de littérature) nous parle de sa soeur qui n'a jamais été sa soeur ; elle nous parle de cette soeur qui a vécu avant sa naissance. Comment vit-on dans l'ombre de cette petite fille si parfaite quand, soi-même, on est considérée comme une enfant turbulente, comme un petit diable ? Comme vit-on en sachant ce que ses parents cachent ? Et comment vit-on en sachant que ces derniers voulaient un seul enfant ; que l'on doit sa vie à la mort du précédent ? Ces questionnements sont difficiles. Pourtant, L'autre fille est emprunt d'une certaine retenue, presque d'une douceur. Ce texte m'a happée et, s'il est vrai qu'il est court, s'il m'avait déplu, je ne l'aurais certainement pas lu aussi vite. Or, là, il ne m'a fallu qu'un après-midi pour lire ce roman – je n'arrivais pas à le lâcher, pourtant il a bien fallu, parfois. Mais me voilà, à commencer cette lecture un peu sceptique (j'ai aimé La place et L'événement, rien ne me disait que j'aimerais aussi celui-ci, d'autant plus que le sujet m'attirait mois) et, finalement, à l'aimer.
Si j'avais lu Annie Ernaux au lycée, je ne sais pas si j'aurais aimé, du moins autant. Je lis ses livres et je les apprécie mais je sais que, adolescente, mon ressenti aurait été différent. Probablement parce que c'est très ancré dans le réel, dans le quotidien de la famille, dans le quotidien des femmes. Il n'y a pas de fioritures, elle ne cherche pas à enrober les événements de jolis mots, encore moins les mauvais moments : ils nous sont présentés comme le reste, presque bruts, factuels mais, pourtant, avec une certaine force, avec une certaine beauté qui révèle les sentiments.

En commençant L'autre fille, je me disais que ce serait une lecture sympathique et rapide. Finalement, j'en suis ressortie assez émue ; ce roman m'a plu plus que ce à quoi je m'attendais. Je ne conseillerai peut-être pas de commencer par ce roman si vous voulez découvrir Annie Ernaux, mais c'est clairement un roman que je recommande.
Bonne lecture à vous.
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Cette commande éditoriale prend des airs de confession à la rancoeur corrosive mais suffisamment distancée pour souligner avec subtilité le poids d'une absence intrusive, camouflée par le théâtre familial. L'auteure s'adresse à ce dolent invisible et manifeste, à travers une plume sèche, ses sensations d'instrumentalisation et de substitut chromosomique. C'est une missive capiteuse et déstabilisante !
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Bouleversée par ce récit de vie qui aborde le sujet de la mort d'un enfant, si tabou qu'il n'y a pas de mots pour désigner ceux qui survivent, ni veuf ni veuve ni orphelin ni orpheline. On ne va pas "rouvrir la tombe" rentrons dans l'oubli et le secret imposé de notre mystérieuse douleur.
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Dans ce court récit qui prend la forme d'une lettre, Annie Ernaux évoque l'histoire de sa soeur Ginette, morte avant sa naissance et dont ses parents lui ont caché l'existence. Elle s'interroge sur sa place à elle, née pour remplacer cet enfant disparu et entrevoit soudain l'improbabilité de sa propre existence. Elle qui très tôt a adopté une posture non conformiste, qui s'est éloignée des valeurs de son milieu, qui a rejeté la culture familiale, qui a grandi dans la honte de ses parent, elle la mauvaise fille, pourquoi a-t-elle vécu? La tentation d'y voir le signe d'une mission à accomplir effleure l'écrivaine. Et pourtant, tout cela n'a que le sens qu'elle y donne.

Ce texte est très touchant. On y retrouve toutes les obsessions d'Annie Ernaux, reformulées une fois de plus pour avancer vers l'élucidation incertaine où elle nous conduit depuis 40 ans.
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Elle a une dizaine d'années quand, incidemment, la petite Annie comprend à mi-mot que ses parents ont eu un enfant avant elle, une petite fille morte à 6 ans, de diphtérie.

La révélation est violente parce que dans la famille, on ne parle pas. Elle l'apprend par une conversation interceptée entre sa maman et une cliente de l'épicerie ... La maman dit d'Annie: elle ne sait rien, on n'a pas voulu l'attrister ... puis elle dit de la morte: elle était plus gentille que celle-là.

Et voilà qu'en quelques mots l'insouciance d'une gamine va disparaître à jamais.

Du statut d'enfant unique, elle devient la remplaçante, la survivante, la pas gentille.

C'est au fil des années et avec le recul d'une vie qu'elle arrive à analyser ses sentiments, ses questionnements auxquels elle n'aura jamais de réponse, ses parents sont morts sans qu'elle n'ose leur en parler et sans qu'ils n'abordent le sujet.

Comme systématiquement chez Annie Ernaux, je découvre une plume sensible, un sujet introspectif qui me propose de m'interroger sur le poids des secrets, quelle est notre place dans la famille, comment parler, poser les questions ? Une petite lecture simple qui donne à penser et à réfléchir.
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L'autre fille, c'est la réflexion de l'écrivain, soixante ans après, sur une soeur morte avant sa naissance dont elle apprend l'existence par accident de la bouche de sa mère, un jour d'été 1952. Des mots qui lui arrivent sans qu'ils lui soient destinés et qui créent une faille, silencieuse et d'autant plus terrible, dans sa vie. Elle qui se croyait unique, qui voyait tout l'amour qu'on lui destinait comme un dû et son existence comme une évidence, voit peu à peu ses représentations se transformer : l'image de « l'autre fille », plus gentille, parfaitement « petite sainte » quand la diphtérie l'emporte vient se placer entre ses parents et elle.

Le sujet aurait pu porter au drame, dans le mauvais sens du terme. On peut très bien imaginer cela : plaintes, larmoiements, apitoiement sur soi-même. Annie Ernaux évite brillamment cet écueil. Ses mots posent les choses telles qu'elles ont été vécues et ressenties. L'émotion, tremblante, trouve place dans les silences, dans ce qui n'est pas dit.

Le texte reproduit les hésitations, les louvoiements ; ce qui semble caché se dévoile plus tard, les souvenirs affleurent. Au final, on entre dans le texte avec l'idée d'une fêlure a priori sans importance ; on en sort avec le sentiment sinon d'avoir résolu l'histoire — certaines questions ne trouveront jamais de réponses, l'écrivain ayant trop tardé à les chercher — d'avoir au moins apaisé quelque chose. L'absence assourdissante devient un des éléments fondateurs de la vocation de l'écrivain ; et si ce type de récit originel est légion dans les lettres, ici, il sonne vrai.
Lien : https://gnossiennes.wordpres..
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