C'est bien humblement que je confesse mon inculture, n'ayant jamais entendu parler de cette auteure avant la promotion de cette nouvelle à la grande librairie et sur cette page. Je n'ai rien lu d'
Annie Ernaux avant «
le jeune homme », un texte court qui raconte la relation qu'elle a vécue avec un garçon de trente ans de moins qu'elle.
« Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu'à leur terme, elles ont été seulement vécues. »
Cette accroche en prologue est-elle la clé de compréhension de ce texte étrange, très court, écrit sans émotion ni affect, presque dur ? Certains parlent d'une écriture « à l'os », dépourvue de fioritures. Je l'ai même trouvé aride. Mais je l'ai lu d'une traite étrangement accrochée et ai apprécié cette parenthèse littéraire originale, un peu provocante, militante et border line.
J'ai eu comme d'autres lecteurs dont j'ai parcouru les commentaires le sentiment que
le jeune homme était utilisé, chosifié, et la relation amoureuse entretenue dans le dessein de devenir un objet littéraire.
« J'avais conscience qu'envers ce jeune homme, qui était dans la première fois des choses, cela impliquait une forme de cruauté. »
De nombreux passages traduisent une forme d'égotisme qui ne nous rend pas l'aventurière ménopausée forcément très sympathique.
J'ai même souvent ressenti une forme de malaise à la lecture de certains passages.
Devant le couple que nous formions visiblement, les regards se faisaient impudents, frôlaient la sidération […] Ce n'était pas nous qu'ils voyaient, c'était, confusément, l'inceste. […] A. m'a fait remarquer que nous étions plus inacceptables qu'un couple homosexuel.
Mais est-ce que ce n'est finalement pas le but de l'auteure : créer un malaise qui pose la question de la symétrie? Une forme de militantisme et de contravention aux conventions sociales ?
Quoiqu'il en soit ces quarante pages sont tout sauf superficielles. Elles sont le reflet d'un regard lucide et acéré sur notre temps.