J'ai envie de dire tout de suite, à ne pas mettre entre toutes les mains.
Annie Ernaux raconte par le menu son expérience d'un avortement.
C'est tellement difficile qu'elle a appelé ce texte
L'événement, car oui c'est un événement ce qu'elle a vécu (tiens ça me rappele le mot pendant la guerre d'Algérie : les événements...).
Deux aspects du livre me viennent en premier ; la difficulté en 1963 de se faire avorter, aucun médecin n'a voulu effectuer cette petite mort". (J'ai choisi ces mots exprès, parce que l'avortement a été décidé après un acte sexuel avec, je l'espère pour elle du plaisir, mais également concernant cet acte qui, que l'on soit pour ou contre, signe l'arrêt d'une vie, car si l'on n'avorte pas, 9 mois plus tard naît un petit être, donc une vie nouvelle), et le tatouage impossible à oublier.
Merci d'ailleurs par avance de ne pas polémiquer sur le bien-fondé de cet acte, qui pour Ernaux, est un événement. D'où le titre.
Oui, ça me paraît important de ne pas juger et condamner tout de suite, mais lire ce livre comme un acte, donc acté, donc digéré. Et puis cela ne représente rien de dire si l'on est pour ou contre, ce n'est pas le sujet du livre.
Ce fut une révélation pour moi, née en 1968, cet état des choses que je ne connaissais pas, l'avortement illégal à l'époque, et l'horreur de chercher sans trouver. Et de cela, l'auteure le fait bien transparaître, cette angoisse de ne pas trouver.
Elle a vu un médecin qui lui prescrira des antibiotiques contre la probable infection.
C'était véritablement la croix et la bannière de se faire avorter.
Elle trouvera une "faiseuse d'anges", bien glauque, mais efficace. Et chère en plus.
Rien ne nous est épargné. Rien.
De ces pages atroces, je garderai toujours une trace.
Annie Ernaux a une particularité dans son style ; elle met une distanciation dans l' écriture, et en même temps, un réel brutal et très présent. C'est sa marque de fabrique j'ai envie de dire.
Et je l'aime pour ça, comme pour
Duras.
Le foetus de trois mois partira dans les toilettes, comme un étron malfaisant.
Et puis des suites opératoires catastrophiques, avec des médecins épouvantables, une horreur sans nom.
J'ai failli arrêter ma lecture et puis non, j'ai continué à boire mon calice jusqu'à la lie.
Pourquoi ? J'avais commencé je voulais terminer. Ne serait-ce que par respect pour l'auteure.
Elle a mis des mots pour que l'on puisse lire cet événement, l'appréhender, et peut-être comprendre. J'ai été bouleversée quand elle a dit qu'elle tuait sa mère en avortant.
Annie Ernaux est retournée plus tard sur les lieux pour revoir l'immeuble.
Elle a mis des mots, elle a expliqué, raconté, encore et encore, comme pour se défaire de l'indicible qu'elle a pourtant mise en mots.
Ce que j'ai ressenti après ma lecture ? le courage d'
une femme libre, la tragédie d'un avortement dans ces conditions, l'angoisse de ne pas trouver, et puis surtout, surtout un acte dont on se souvient toute sa vie durant, acte tatoué, acte dit, écrit mais pas oublié.
Acte morcelé et imprimé au-dedans.
Toute sa vie.