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Impressionnant.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un livre d'Annie Ernaux. Mais après avoir vu L'événement, d'après son roman, j'ai eu envie de lire ce livre que je ne connaissais pas.
J'ai rettouvé aussitôt la force de cette autrice dont le Nouvel Obs disait récemment qu'elle était notre plus grande écrivain. Une écriture très puissante décrivant la quête d'une solution pour avorter (je ne sais pourquoi le livre m'a fait penser à Modiano par la quête de sa narratrice, par la précision de ses noms de lieux, par le contexte des années 1960 et surtout par cette écriture sobre, puissante, dénuée d'humour, sans concession...). C'est vraiment la grandeur de la littérature de pouvoir nous placer, lecteurs hommes, dans la peau, dans les pensées d'une femmes des années 1960, et de pouvoir réfléchir aux drames qu'elles ont vécues...Ceux qui pensent que tout était mieux avant en seront pour leurs frais, et en tout cas je recommande ce livre remarquable, si essentiel dans notre période troublée.
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C'est la mort d'Henri Morgentaler, en mai dernier, qui m'a ramenée plusieurs années en arrière, à la lecture de « L'événement ». Ce médecin était le porte-étendard de la lutte des femmes pour l'avortement. Polonais d'origine et ancien rescapé de Dachau, il a consacré sa vie à la pratique clandestine de l'IVG (interruption volontaire de grossesse), soutenant que sa philosophie de l'acte n'était rien de moins qu'une lutte pour la justice et la dignité des femmes. Peu d'hommes, aussi idéalistes soient-ils, ont pris autant de risques pour le droit des femmes. S'il a évidemment été extrêmement contesté par les forces réactionnaires, Morgentaler a fait preuve d'un courage sans nom dans la défense de ses convictions, jusqu'à sacrifier 10 mois de sa vie dans une prison de Montréal pour avoir usé de cette pratique clandestinement…

Si Annie Ernaux, dans « L'événement », s'est affranchie par les mots d'un lourd fardeau, elle a aussi eu la force de s'élever au-delà des préjugés pour s'affirmer, non seulement dans ses croyances, mais aussi dans la lutte d'un sujet fort controversé. Elle nous raconte dignement ici son avortement, à l'âge de 23 ans et en plein coeur des années 60 alors que l'IVG est à cette époque en France sévèrement punie par la loi. Il s'agit ainsi d'une autobiographie sur cet épisode marquant de sa vie, pour lequel elle se donne le droit imprescriptible d'écrire, l'ayant vécu et jugeant qu'il n'y a aucune vérité inférieure.

Annie Ernaux est une authentique. Elle s'approche de la réalité avec tant de finesse et de naturel que nous nous sentons submergées par son vécu. En plus de briser les chaînes de la culpabilité, par les mots, elle a fait de la violence vécue une victoire individuelle. Avec courage, elle affirmera : «ce qui poussait en moi c'était, d'une certaine manière, l'échec social.» Je dirais, pour ma part, que l'échec social est également la part d'aveuglement d'une société incapable d'envisager de manière réaliste la condition reproductive des femmes. Malgré la culpabilité et la crainte, elle a vécu son avortement comme une libération extraordinaire. de cette expérience simultanée de la vie et de la mort, elle s'est sentie naître et mourir à la fois d'une mère trop présente. Elle exprimera de manière assez touchante : « Je sais aujourd'hui qu'il me fallait cette épreuve et ce sacrifice pour désirer avoir des enfants. Pour accepter cette violence de la reproduction dans mon corps et devenir à mon tour lieu de passage des générations ». Ces quelques mots en disent long sur l'acceptation de son geste…

Ce court récit a aussi éveillé en moi un certain nombre de réflexions. Il eut été difficile pour l'auteure de partager un vécu aussi intime sans qu'en résultent maints questionnements sur la condition féminine de l'époque. Elle ne manque pas de rappeler que sa pensée s'affilie au dogme proférant que les différences entre les sexes sont socialement construites. Et rappelons-le, cette philosophie de base est née chez Simone de Beauvoir qui affirmait qu'« on ne naît pas femme, on le devient ». S'ajoute à ses réflexions le pouvoir de vie et de mort qu'ont les femmes, et qui ont paradoxalement fait d'elles l'objet d'une domination masculine à plusieurs niveaux. En allant au bout de son avortement, elle dit avoir ainsi marqué la seule différence indiscutable entre les sexes. Elle rappelle également que si le sexe se passe de reproduction, l'inverse n'en demeure pas moins assez exceptionnel. Les tests de dépistage du sida s'ajoutent au processus pour en accentuer la peur. Car si certaines femmes ont non seulement eu à subir un avortement, elles vivent également dans la crainte d'être contaminées.

Finalement, je vous laisserai sur ses mots : « Il était impossible de déterminer si l'avortement était interdit parce que c'était mal, ou si c'était mal parce que c'était interdit. On jugeait par rapport à la loi, on ne jugeait pas la loi. » Quant à moi, qui peut juger de l'honorabilité d'un acte qu'il n'a pas eu lui-même à affronter? Au nom de quoi certaines personnes se donnent-elles le droit de disposer du corps d'autrui? En prônant haut et fort que l'IVG est un crime, on contribue à mon sens à souiller la blessure déjà existante et à exercer un droit sur la plus intime des valeurs : la dignité. C'est ce qu'Annie Ernaux s'est à mon sens efforcée de transmettre…
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Annie Ernaux a reçu le Prix Nobel de littérature il y a quelques jours. Une récompense qui me ravit et qui m'a donné envie de me replonger dans l'oeuvre de cette grande dame ! Il se trouve qu'après avoir lu « le jeune homme », au printemps, je m'étais procuré « L'Evénement » dans la foulée. Je l'avais laissé de côté, et j'ai été ravie de pouvoir m'y plonger ces jours- ci.

« Si beaucoup de romans évoquaient un avortement, ils ne fournissaient pas de détails sur la façon dont cela s'était exactement passé. Entre le moment où la fille se découvrait enceinte et celui où elle ne l'était plus, il y avait une ellipse. » Nous sommes en 1963. L'avortement est interdit, tabou, secret. C'est une honte pour les femmes qui y ont recours. Annie Ernaux est estimée du fait de son statut d'étudiante en Lettres. Elle se détache du milieu prolétaire de ses parents. Mais son état de jeune fille enceinte va la ramener directement, aux yeux des gens, dans la condition sociale de ses parents

« Il y a une semaine que j'ai commencé ce récit, sans aucune certitude de le poursuivre. Je voulais seulement vérifier mon désir d'écrire là- dessus. Un désir qui me traversait continuellement à chaque fois que j'étais en train d'écrire le livre auquel je travaille depuis deux ans. Je résistais sans pouvoir m'empêcher d'y penser. M'y abandonner me semblait effrayant. Mais je me disais aussi que je pourrais mourir sans avoir rien fait de cet événement. » Ce récit autobiographique a la particularité d'avoir été rédigé en deux temps : les notes prises dans un journal intime en 1963, et une espèce de « retour sur expérience » daté de 1999. Une prise de recul intelligente qui permet au lecteur de mesurer la profondeur de la réflexion menée par Annie Ernaux sur son projet d'écrire sur la Vie.

« J'ai fini de mettre en mots ce qui m'apparaît comme une expérience humaine totale, de la vie et de la mort, du temps, de la morale et de l'interdit, de la loi, une expérience vécue d'un bout à l'autre au travers du corps. » La loi, parfois immorale, souvent remise en question, a beau avoir évolué en France, il est toujours aussi mal vu d'avorter. Et parce que ce droit est de plus en plus en danger dans le monde, il est salutaire que des romans tels que « L'Evénement » soient publiés et lus, encore et encore.

Au final, un récit touchant qui suscite nombre de réflexions, sur le corps des femmes, les valeurs, parfois (souvent) contradictoires, véhiculées par notre société, et la nécessité – toujours – de l'écriture. Un livre qui confirme le bien- fondé de la récompense du Nobel. Indubitablement.
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La force de ce témoignage écrit en 1999 tient à la fois au contexte actuel, par la nouvelle remise en cause par les gouvernements ultraconservateurs du droit à l'avortement et à la qualité de l'écriture de son auteure.
Replacé dans la violence engendrée par le décalage entre conservatisme ordinaire des années 60 et changement radical des moeurs chez les plus jeunes, entre bourgeoisie dominante et classe ouvrière, ce récit du vécu intime d'un avortement, de la décision jusqu'aux suites psychologiques, est une forme de coup de poing.
La lecture de ce petit livre demande de prendre un peu de temps, pour accuser le choc de chaque événement, des sensations, des émotions de l'auteure.
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L'occasion d'un banal examen, Annie Ernaux replonge plus de trente ans en arrière. Si le souvenir apparaît lointain, l'événement n'en est pas indélébile.

1963, elle a vingt-trois ans et elle est étudiante.
Quand elle découvre qu'elle est enceinte, ce n'est pas une bonne nouvelle et encore moins le bon moment. Elle est issue d'un milieu modeste et rêve d'écrire en revanche, elle ne veut pas se retrouver mère au foyer aux dépens de ses études et de sa vie de femme
.
L'événement est un court roman d'Annie Ernaux dans lequel elle raconte son avortement clandestin en janvier 1964 puisque la loi Veil entre en vigueur en 1975.

L'autrice nous narre un récit intime de ses semaines de solitude où elle cherche une solution pour avorter en nous livrant également de manière sociologique cette époque où l'avortement était illégal.
Annie Ernaux nous livre un témoignage bouleversant, brutal et saisissant.

Autant, je n'avais pas aimé son roman La place néanmoins celui-ci, je l'ai adoré.

Cette oeuvre intimiste est inspirée de ses souvenirs et de ses notes personnelles où elle nous livre ces questionnements et ses réflexions dans un langage parfois cru. Annie énonce les différentes techniques utilisées ce qui rend ce récit marquant et brutal. le lecteur s'interroge sur les conditions de la femme à cette époque ainsi que cette violence et douleur qu'il fallait subir pour avorter clandestinement.

Quant à la plume, elle est limpide, tranchante et saisissante. Une lecture que je ne suis pas prête d'oublier.

Ce récit intemporel est puissant, horrifiant et glacial !
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J'ai terminé ce livre en étant plutôt contrariée.
Je trouve que l'auteure est trop détachée. Peut-être une sorte de protection ?
Les médecins et la faiseuse d'anges, je ne les ai vraiment pas apprécié. Je trouve que la société de cette époque était trop tranchante, trop moralisatrice.
Heureusement que nous avons avancé depuis, même si certains pays veulent régresser sur le sujet.

La plume était quand même intéressante.

Je ne sais pas si je retenterai un écrit de cette auteure. Pas de suite.
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Déjà dans son premier roman autobiographique "Les armoires vides" Annie Ernaux décrivait une scène d'avortement qu'elle considère comme "une épreuve humaine totale".
"L'évènement" publié vingt-six ans plus tard, en 2000, est un livre d'autofiction indispensable pour comprendre qu'un avortement n'est pas une partie de plaisir et que cette décision bouleverse la vie d'une femme. Quand il n'y a pas de moyen de contraception, les femmes se retrouvent seules face aux conséquences d'une nuit d'amour.

Trente-cinq ans après son avortement lorsqu'elle était étudiante, Annie Ernaux repasse passage Cardinet à Paris où logeait la faiseuse d'ange. Dans les années 60 c'est comme cela qu'on appelait les femmes qui aidaient d'autres femmes à avorter puisque cela était interdit par la loi à cette époque.
Elle se remémore "L'évènement" resté gravé dans sa tête et dans son corps.

Si elle détaille la façon dont se passe un avortement clandestin, elle n'est pas que dans le factuel. le comportement des médecins ou d'autres étudiants montrent la solitude dans laquelle elle se trouve et le poids de la culpabilité qu'ils lui font porter. Elle est pourtant certaine de sa décision. Heureusement, la sororité est son recours pour l'aider à vivre cette épreuve, indépendamment des croyances. Un témoignage essentiel.


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Annie se rappelait trente ans avant, environ, cette angoisse qui l'avait tenaillée. Elle soupçonnait qu'elle était peut-être enceinte, après une courte relation de vacances. Elle sentait que son corps changeait. Ce fut une attente insoutenable de chaque jour. Après plus d'un mois d'attente, elle se décida à prendre un rends-vous avec un gynécologue. Entre temps, elle eut des vomissements et des nausées. Quand vint le jour de son rendez-vous, le verdict fut sans appel. Elle était enceinte. Elle avait 23 ans et était étudiante en littérature. Pour elle, il était impossible de garder ce bébé. Elle devait avorter coûte que coûte.
Elle appela, le père du futur bébé pour lui annoncer qu'elle allait se faire avorter. Il était étudiant, comme elle. Elle espérait qu'il éprouverait toutes les angoisses qu'elle avait vécues. Sans réaction de sa part, elle ne voulut plus le revoir.
Désormais, et bien après, lorsqu'elle voyait le mot grossesse, elle l'associa au mot : Violence, angoisse, grotesque. Il était aussi remplacé par ‘'ça'' ou ‘'cette chose-là''.
Vivre normalement n'était pas facile. Elle n'arrêtait pas de penser qu'elle était différente des autres filles. Son ventre contenait un acte illicite. Elle vivait la transformation de son corps comme un échec.
Avorter ne l'angoissait nullement, ce serait facile. Elle ferait comme les autres. Elle se confia à un médecin N qui lui prescrivit des piqûres pour en quelque sorte déclencher le cycle menstruel. Pour le médecin N, il lui était interdit de pratiquer un avortement sous peine d'une interdiction d'exercer à vie et d'une peine de prison. Donc l'avortement était interdit parce que c'était mal, ou si cela était mal parce c'était interdit. « On jugeait par rapport à la loi, on ne jugeait pas la loi ».
Elle ne trouva aucun réconfort envers ses amis et amies et n'osa pas en parler à sa famille. Elle devait donc se débrouiller seule, en secret, dans la clandestinité.
Les piqûres n'eurent aucun effet, elle devait fait appel à une ‘'faiseuse d'anges'', le plus rapidement possible, car le temps jouait contre elle. Un amie lui en conseilla une sur Paris. Peu importe le prix cette ‘'faiseuse d'anges'', celle-ci la soulagerait de ce qui encombrait sa vie.
Quand elle alla au premier rendez-vous de cette ‘'faiseuse d'anges'', elle se sentit mieux. Enfin, elle avait une solution. Avant d'y retourner, elle recontacta le médecin N pour lui dire. Mais celui-ci ne voulait pas la revoir. Il lui prescrivit de la Pénicilline, qu'elle ne put avoir sans ordonnance. Quelques jours après, elle était de nouveau chez cette ‘'faiseuse d'anges''. Avait-elle peur ? Oui, un peu, mais elle aura été jusqu'au bout de son projet. Souffrira-telle ? Elle ne le savait pas, mais sa tête sera libérée. Celle-ci lui posa une sonde. Mais trois jours plus tard, Annie dut y retourner car le foetus n'avait toujours pas été expulsé de son corps. Au deuxième acte de la ‘'faiseuse d'anges'', elle connut la douleur, les contractions, l'expulsion brutale, l'hémorragie … Ce fut une scène sans nom, la vie et la mort en même temps. Elle eut peur de mourir. Annie se retrouva à l'hôpital, alors qu'elle avait fait tout dans la clandestinité et le secret. Tout s'effondrait. Elle vécut l'humiliation des médecins et la culpabilisation. Ils avaient des mots durs qui la faisaient passer pour une fille sans cervelle. C'était en Janvier 1964.
Elle se devait d'écrire ce livre sur tout ce qu'elle avait ressenti et vécu sur son avortement, pour libérer, enfin, son esprit. Elle reprendra son agenda sur lequel tous ses sentiments, sa colère et ses peurs, étaient inscrits chaque jour, durant de longs mois. Elle gardera à jamais en elle, le visage de cette''faiseuse d'anges''et de ses instruments.

C'est un roman très dur avec une description des sentiments, des angoisses, de la douleur, de l'humiliation, de la culpabilité très crus qui reflètent la réalité des avortements illicites trente ans avant la loi de Simone Veil.


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Ce livre d'un réalisme poignant commence à l'hôpital Lariboisière où l'auteure qui s'exprime toujours à la première personne du singulier, se rend pour connaître le résultat d'un dépistage du Sida. le sourire de la docteure qui l'accueille, la rassure aussitôt mais ce qu'elle vient de vivre lui remet en mémoire « l'attente du verdict du docteur N., en 1963, dans la même horreur et la même incrédulité. Ma vie se situe donc entre la méthode Ogino et le préservatif à un franc dans les distributeurs. »
Commence alors le récit de son avortement déjà évoqué dans Les Armoires vides : les règles qui n'arrivent pas, le docteur N. qui lui annonce qu'elle est enceinte et sa décision de ne pas garder l'enfant ce dont elle informe le géniteur. Elle rappelle la loi en vigueur à l'époque, cette clandestinité obligatoire et son désir immense d'écrire ce qu'elle a vécu : « ce qui poussait en moi c'était, d'une certaine manière, l'échec social. »
Elle cherche, se renseigne, parle de la chanson de Soeur Sourire et de sa fin tragique, de ces médecins qui ont trop peur de se mouiller. Elle continue ses études mais « avec mon corps embourbé dans la nausée », elle n'arrive plus à travailler. À chaque étape, elle note ses commentaires entre parenthèses, disant ses difficultés à écrire, à raconter cela.
Malgré tout, avec son habituelle précision, elle décrit tout son cheminement, le voyage de Rouen à Paris, le mercredi 15 janvier, en train, chez Mme P.-R., la faiseuse d'anges, comme on nommait ces femmes obligées d'accomplir leur tâche dans des conditions précaires : « Il y eut une douleur atroce. Elle disait : « arrêtez de crier, mon petit » et « il faut bien que je fasse mon travail »… L'avorteuse la raccompagne jusqu'à la gare la plus proche, sollicitude ou précaution ? Annie Ernaux n'occulte rien et fait partager ses doutes, ses souffrances, ses douleurs insupportables et l'expulsion du foetus : « la vie et la mort en même temps. Une scène de sacrifice » Un amie l'aide heureusement mais il faut partir à l'hôpital : « J'avais un sexe exhibé, écartelé, un ventre raclé, ouvert à l'extérieur. Un corps semblable à celui de ma mère. »
Finalement fière d'être allée jusqu'au bout, elle se repose à Y. sans rien dire à ses parents puis reprend à Rouen son mémoire sur La femme dans le surréalisme : « J'étais ivre d'une intelligence sans mots. » Un peu plus tard, elle entre dans une église « pour dire à un prêtre que j'avais avorté. Je me suis rendu compte de mon erreur. Je me sentais dans la lumière et pour lui j'étais dans le crime. En sortant, j'ai su que le temps de la religion était fini pour moi. »
Enfin, elle conclut L'Événement en écrivant : « les choses me sont arrivées pour que j'en rende compte. Et le véritable but de ma vie est peut-être seulement celui-ci : que mon corps, mes sensations et mes pensées deviennent de l'écriture, c'est-à-dire quelque chose d'intelligible et de général, mon existence complètement dissoute dans la tête et la vie des autres. »
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Par curiosité, j'ai lu "L'Événement" d'Annie Ernaux. Et j'en sors bouleversée. C'est un exemple parfait d'une force de l'écriture, d'une transmission par l'écriture d'une réalité et d'insupportables émotions! Et comment elle réussi à faire ça! En gardant cette distance, avec ce recul qu'elle sait très bien prendre, ses mots prennent toute leur valeur. Sans doute, "L'Événement" est le récit que j'ai le plus apprécié. Pendant quelques heures, j'étais elle à la recherche de cette "faiseuse d'ange", puis avec une sonde dans l'utérus, puis avec un gamin entre les jambes, puis avec un souvenir insoutenable. C'est, pour tout dire, une des rares fois qu'un livre me laisse comme ça, aussi "abasourdie" que la fille qui en 1964 venait de donner naissance à un mort dans la plus totale illégalité, déconsidérée, seule parce qu'une pauvre loi condamnait la femme à materner, qu'elle le veuille ou non. Malgré l'horreur, jamais elle ne pleure sur son sort, elle constate, c'est tout, et réfléchit, à ce qui lui est arrivé, aux réactions de ceux qu'elle a croisé durant cette période, à la société, et à l'oeuvre qu'elle est entrain d'écrire.
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