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Voilà un livre qui ne peut laisser indifférent à mon avis ceux qui liront ce récit à deux voix.
Parler de sexe à partir de photos de vêtements jetés dans l'excitation de l'acte, photographiés après les ébats. On pourrait dire, voilà un speech pour intellos tordus. Oui mais voilà, si le sexe est ainsi mis en scène, c'est parce que leurs auteurs sont dans un moment difficile de leur existence, Annie Ernaux se bat contre un cancer du sein, Marc Marie fait le deuil de sa mère. Deux êtres bousculés dans leurs chairs et leurs coeurs, le sexe comme une sorte d'exutoire face à la mort envisagée. N'y voyez aucun voyeurisme là dedans, le propos tient dans la réflexion de nos brèves et fragiles existences. Et la photo est réussit.
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L'Usage de la photo, récit écrit à deux voix par Annie Ernaux et Marc Marie, est de ces livres qui ont pu choquer au moment de leur parution, et qui demeurent encore peu explorés par la critique, sans doute parce que quelque chose a été « blessé », comme a pu le penser en son temps Roland Barthes face à d'autres ouvrages connaissant le même sort. le tabou relevait certainement, comme a pu me le suggérer Annie Ernaux elle-même, de l'utilisation dans son texte de photographies qui ne représentent pas des personnes, mais des vêtements, des vêtements épars et emmêlés, qui demeurent la seule trace matérielle de la jouissance éprouvée lors de l'acte amoureux. Car s'il est un thème qui dirige ce livre, c'est bien celui, controversé, de la consommation de l'amour, cet amour né entre Annie Ernaux et Marc Marie à une période où aucun des deux ne l'attendait, chacun se trouvant subitement confronté à la mort, la première parce qu'elle se voit annoncer son cancer du sein, le second parce qu'il vient de perdre sa mère. Jamais la citation de Georges Bataille placée en exergue du propos, qui veut que « l'érotisme [soit] l'approbation de la vie jusque dans la mort », n'aura alors eu autant de sens. de fait, s'il est ici question d'acte sexuel, c'est certainement d'abord parce qu'il peut être considéré comme une preuve de vie, d'autant plus essentielle alors que tout autour d'eux disait la maladie et devenait des « présages de mort », en commençant par le corps de la femme qui se trouvait profondément marqué par les stigmates de la maladie, que l'on songe à l'absence de cheveux et de poils, au cathéter placé sous la clavicule, ou encore à la poche de chimiothérapie parfois portée sur le ventre. Dire le plaisir pris dans l'ébat, c'est alors d'une certaine façon témoigner de ce que le cancer ne doit pas le prix que peut revêtir cette vie qui nous est si précieuse, et à laquelle il faut continuer de croire. Ainsi, Annie Ernaux pourra dire de cette relation avec Marc Marie, dans laquelle « la maladie n'est non seulement pas exclue mais, d'emblée, intégrée » sans toutefois qu'elle ne puisse jamais « atteindre [leur] amour », qu'elle « [la] fai[sai]t vivre au-dessus du cancer ».

Pour autant, la menace de la mort demeure, nul ne peut l'ignorer, et l'écriture à partir de photographies devient également une façon de la dire, peut-être même la seule possible : « Un jour, il m'a dit : « Tu n'as eu un cancer que pour l'écrire ». J'ai senti que, en un sens, il avait raison, mais jusqu'ici, je ne pouvais pas m'y résoudre. C'est seulement en commençant d'écrire sur ces photos que j'ai pu le faire. Comme si l'écriture des photos autorisait celle du cancer. Qu'il y ait un lien entre les deux. ». Si ce lien est de fait si puissant, c'est parce que la photographie induit, par son essence même, une dialectique absence/présence à même de figurer ce qui s'y joue pour l'individu. Parce qu'elle fige une scène selon un angle de vue particulier, elle ne peut prétendre saisir l'intégralité du monde qui nous entoure, et cache finalement autant qu'elle montre. Les auteurs insistent à de multiples reprises sur ce point fondamental, eux qui font régulièrement appel à leur mémoire pour restituer l'ambiance, les odeurs, les sensations qui ont pu accompagner la scène dont ne demeurent que quelques vestiges froids. Ainsi, de la « cuisine matinale, 16 mars », il ne demeure dans la photo « rien des odeurs de la cuisine le matin, mélange de café et de toasts, de nourriture pour chat, d'air de mars. Rien des bruits, le déclenchement régulier du frigo, peut-être la tondeuse des voisins, un avion vers Roissy. Juste de la lumière qui tombe pour toujours sur le carrelage, les oranges de la poubelle, le bouchon vert de la bouteille d'eau de Javel. Toutes les photos sont muettes, celles prises dans le soleil du matin plus que d'autres ». de là le pas est mince qui consiste à dire que la photographie « déréalise », à tel point même qu'Annie Ernaux pourra décrire plus loin son « impression que M. a photographié une toile abstraite dans une galerie de peinture [tant] tout est transfiguré et désincarné ». Désincarné, comme un corps sans vie: face à une photographie qui « n'éveille » plus « rien en elle », Annie Ernaux ne peut plus que se résoudre à faire le constat de la vie qui échappe: « Il n'y a plus ici ni la vie ni le temps. Ici je suis morte. ». Décrire des photographies comme le font ici les deux auteurs, devient alors nettement une façon de se confronter directement à cette disparition du corps, disparition qui la menaçait alors, et qui nous menace en réalité tous.

Dès lors, tout cet ouvrage peut être lu comme une belle tentative d'Annie Ernaux et de Marc Marie de poser un regard intime sur eux-mêmes, dans leur fragile condition d'êtres humains.


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Voilà bien un livre qui m'a laissée mitigée.

Je voulais lire un livre d'Annie Ernaux. Faisant de la photo, j'ai été attirée par le titre, ai mal lu le quatrième de couverture et me voici embarquée dans une aventure improbable : les commentaires de deux amants sur leurs affaires laissées éparses après leurs ébats. Bon, on a tous connu cela, mais de là à livrer cet exhibitionnisme. Moi ces vêtements, cela veut dire cela pour moi et me rappelle ceci. Mais non ou mais oui, qu'importe, pour moi, je me souviens de la même chose. Ou pas.

Je ne suis pas voyeuse et cela m'a vite profondément ennuyée. Pas que je ne peux pas comprendre que ce genre de scène ne puisse laisser les auteurs se remémorer l'urgence ou la douceur d'un geste… mais de là à le partager et, qui de plus est, en faire un livre….

Bref ...
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📸 « Tout homme avec qui j'ai eu une histoire me semble avoir été le moyen d'une révélation,différente à chaque fois. La difficulté que j'ai à me passer d'un homme vient moins d'une nécessité purement sexuelle que d'un désir de savoir. Quoi, c'est ce que je ne peux pas dire. Je ne sais pas encore pour quelle raison j'ai rencontré M. »
(P.88)

📸 Par terre, des tas de vêtements. Des dessous, des châles, un pantalon, une jupe et des bas, des escarpins et des bottes. le tout est jeté au sol, abandonné, entortillé. Les photos saisissent les vêtements retournés, emmêlés, restes d'une passion dévorante et sauvage vécue par les narrateurs, A. et M. qui, pendant des mois, ont pris les photos de leurs vêtements jetés au sol, et ont ensuite écrit, séparément, leurs pensées, leur ressenti, pour en saisir le sens, pour évoquer les nuits d'amour, les instants de passion, ou alors leur propre solitude, une introspection, parfois la recherche de l'autre, une explication, une raison à cela. Ce désordre, ce hasard, cet amour.

📸 Que saisir dans le désordre des dessous ? Dans une lumière tamisée ou brûlante, une chambre ou une cuisine, un hôtel ou une maison de campagne ? Là photo ne dit rien, elle n'évoque rien pour le spectateur, mais elle révèle tant de choses à celui qui en fut acteur, qui y a laissé sa trace, comme un costume qu'on enlève après une représentation, le théâtre de la vie et ses coulisses, après le feu de la rampe que reste-t-il ? On aura beau mélanger les vêtements, il n'en reste pas moins que l'on est seul après, avec des souvenirs, des sensations propres, une certaine fatalité qu'aucun feu ne saurait éteindre. Il faudrait ajouter aux photos les textes et les chansons, pour que s'étende autant que possible la vibration de l'instant qui s'est enfui, pour que le lecteur la ressente et la saisisse.

📸 Aussi intime soit-il, cet ouvrage saisit l'universalité de la finitude de l'être humain, sa déréliction, la vanité des souvenirs que l'on essaie de garder et dont le sens disparaît à mesure que la valse de la vie fait entrer et sortir de nos vies ceux qui l'ont partagée, un instant, des années, jamais ou une éternité.
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A. et M. sont amants. Au matin, après leurs nuits d'amour, ils photographient les tas de vêtements qui traînent dans les appartements, hôtels et lieux de leurs rencontres et ils écrivent de manière croisée sur ce que leur évoque la photo...

Pris par hasard à la bibliothèque, ce petit roman a été un véritable coup de foudre pour moi. La démarche artistique qui sous-tend ce texte me plaît beaucoup car je suis une "visuelle" et les textes qui accompagnent les photos (choisies parmi toutes celles prises pendant leur liaison) racontent leur histoire d'amour, celle que chacun·e a vécu de son côté, à la fois semblable et différente. le cancer de A. (l'auteure) rôde, il est un personnage à part de ce duo qui parvient à lui faire prendre vie à travers les tas de vêtements répandus au sol.
Une réflexion sur la vie, l'amour, la mort, j'ai beaucoup aimé ce texte.
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J' ai dévoré presque tous les livres d' Annie Ernaux - je me suis forcée à lire celui-ci. Je n' ai pas du tout aimé. Sans intrigue, nombriliste. J' ai du rater quelquechose...
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Très beaux textes, fascination pour le lien qu'arrivent à tisser une femme mûre atteinte d'un cancer du sein et son amant (qu'on imagine plus jeune, mais ?). Photos noir et blanc très peu lisibles (édition poche) mais on s'en fout.
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Curieux livre que j'ai dévoré un quatre mains basé sur des photos de vêtements vestiges de nuit d'amour et porteurs de souvenirs en lien avec le cancer du sein pour lequel Annie Ernaux a été soignée durant le début de leur relation et l'écriture du livre. On y retourne la finesse, le féminisme, la langue de cette immense dame de la littérature... quel plaisir et quel courage
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Il s'agit d'une construction littéraire courageuse tant par l'originalité de sa forme que par son sujet. Mais je n'ai pas aimé.
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Je continue ma progression dans l'oeuvre d'Annie Ernaux. A partir de photos du matin où l'on voit des vêtements dispersés, racontez la journée d'avant, la saison, les sentiments, l'état d'esprit, les doutes, les certitudes, les peurs, l'envie, l'amour, la vie,la mort.... la force d'Annie Ernaux est de nous faire vivre des choses humaines en partant de la description d'objets. Ecrit à deux voix, car son amant de l'époque écrit avec elle en parallèle.
Je me suis laissée embarquée, j'ai aimé !
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