Mon choix de l'édition de la "Bibliothèque de Gallimard" a eu une influence dominante sur ma
lecture d'"
Une femme" d'
Annie Ernaux. La grande thèse de Gallimard est que l'roman d'Ernaux est un "projet hybride" très innovateur qui réunit brillamment les éléments du roman, de la biographie et de l'autobiographie.
Le texte d'Ernaux est constitué de trois parties de 24 à 30 pages d'Ernaux qui. Immédiatement après la fin de chaque partie, Gallimard place un dossier qui signale et analyse l'emploi de l'intertextualité, l'antinomie, l'itératif, le paratexte, et cætera qui se trouvent dans la partie précédente. Cette manière de procéder de la part de Gallimard est possiblement utile pour l'étudiant mais le lecteur de mon âge, elle est complètement clownesque. Ceci dit, le choix de cette édition m'a peut-être beaucoup éclairé sur la manière dont on enseigne la littérature française de nos jours.
Je trouve aussi qu'Ernaux manque drôlement d'humilité. Elle se compare à Camus (la première phrase d'"
Une femme" est presque identique à celle de'"L'étranger"). Quelques paragraphes plus tard Ernaux emploie une phrase qui est similaire à une phrase des "Confessions" de
Jean-Jacques Rousseau. Gallimard renforce cette tendance. le dossier souligne des points en commun qu'a "
Une femme" avec "La vie d'Henry Brulard"
De Stendhal, "
Les Confessions" de
Saint Augustin, et "L'
enfance" de
Nathalie Sarraute. Ernaux et Gallimard insistent vraiment sur l'idée qu'Ernaux appartient au panthéon des très grands écrivains.
Mon opinion est qu'""
Une femme" est comme roman expérimental comme "
Les faux-monnayeurs" d'
André Gide. C'est-à-dire, c'est un échec comme un roman expérimental mais qui réussit très bien comme un roman conventionnel. La protagoniste qui est basée sur la mère d'Ernaux est un personnage fascinant et Ernaux raconte avec brio le parcours de son héroïne. À notre époque post-marxiste, les écrivains ont tendance à oublier l'importance des origines sociales dans les gestes et les attitudes de leur personnages, Ernaux décrit brillamment comment sa mère qui avait des origines très modestes luttait pendant toute sa vie dans de but de se hisser d'un rang dans l'échelle sociale et pour les mêmes raisons a tout fait pour pousser sa fille vers un succès dans le monde universitaire. Aussi, Ernaux nous donne un portrait sympathique mais complexe de sa mère pendant ses années de retraite et sa lutte finale avec la maladie d'Alzheimer. La quantité et la qualité des détails sont d'autant plus remarquables que son texte est vraiment bref.
Chapeau aussi à Gallimard qui exagère certainement les qualités de ce romain mais qui le présente avec beaucoup de panache.