Citations sur Samouraï (114)
Ma vie n'a toujours été constituée que de débuts avortés, de faux départs, de pétards mouillés, toute ma vie j'ai semé des inachevés.
A l'instar des enfants qui se targuent d'avoir des chaussures qui courent vite, il me semble que cette terrasse pourrait écrire quelque chose de qualité.
Des années durant, on s'invite à des apéros et puis un jour, on n'a rien vu venir : soirée raclette. À quel moment de la vie bascule-t-on au stade soirée raclette ? Rien ne marque mieux et de manière plus déprimante le passage à l'âge adulte. Lisa adorait les soirées raclette, voilà, ça ne pouvait pas coller entre nous, nous étions trop différents, je n'ai qu'à me dire ça.
Nous retrouvons Chloé installée à une table haute, elle est avec un fille qu'elle nous présente comme une amis, Mélanie et au moment où nous arrivons il est question du Bangladesh. Mélanie raconte que chaque fois que son ado, veut acheter un vêtement, elle tient, pour lui prouver toute l'absurdité de la surconsommation et du libéralisme, à lui montrer une vidéo d'enfants au Bangladesh fabriquant des jeans occidentaux dans des conditions déplorables pour des salaires de misère. Il a le droit d'acheter le vêtement à condition qu'il regarde la vidéo jusqu'à la fin, et je trouve le concept très curieux. OK d'accord, tu peux assassiner qui tu veux à condition que je te montre des vidéos d'enterrements afin de te sensibiliser au concept de décès.
Après quoi nous échangeons quelques nouvelles comme si de rien n'était, elle me parle de ses tomates, de la sécheresse qui va pas arranger les agriculteurs, de sa voisine qui a Alzheimer, et elle conclut avant de raccrocher par son désormais habituel Et n'oublie jamais que je t'aime.
Je lui précise que je m'apprêtais à faire un chlore choc, il me dit Hors de question, ne touchez à rien pour l'instant, puis il ajoute Et si vous avez besoin d'un soutien psychologique, n'hésitez surtout pas à nous le signaler, et je n'ose pas lui répondre que ça fait des années que j'ai besoin d'un soutien psychologique mais qu'il est un peu tard, à moins que le soutien n'ait un effet rétroactif et radical, un effet chlore choc, parce que chez moi c'est vert depuis bien longtemps, on nage dans les baobabs.
On écrit toujours pour quelqu'un, réel, imaginaire, de substitution, l'archer sans cible perd toute raison d'être.
Tout dans cette photo transpire le bonheur sans aspérités, rien qu'en la regardant je peux sentir l'odeur des herbes coupées, de l'eau du canal, la douceur de septembre, le parfum de l'insouciance et du temps suspendu, et que deviennent nos John Steel une fois congédiés, espèrent-ils silencieux dans un coin de nos ventres reprendre un jour du service?
Pendant qu'il parle, je cherche des yeux un verre de menthe, des vestiges de caresses, l'ombre de baisers perdus, mais le flot opaque de ses mots recouvre tout sur son passage. Je suis venu retrouver mon adolescence et mon adolescence est ensevelie sous un amas de murs porteurs, de charpente et de double vitrage, un vrai séisme tropical.
Voilà ce qui nous a toujours rapprochés, Florent et moi: le gène de la catastrophe auto-immune, une aptitude à se rendre la vie plus pénible encore sans la moindre aide extérieure. Un vrai don de Dieu.