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EAN : 9782072907210
208 pages
Gallimard (20/08/2020)
3.59/5   1483 notes
Résumé :
"Du paddle à Biarritz. Si je devais établir une liste de mes vacances idéales, le paddle à Biarritz avec un couple d'amis n'apparaîtrait pas sur la feuille, ni au dos, ni dans le cahier tout entier. Le soir où il avait lancé cette idée, tout le monde était emballé, c'était l'idée du siècle, du paddle à Biarritz, youhou, champagne. Moi-même j'arborais un sourire franc pour ne pas détonner dans l'effervescence ambiante, un sourire de photo de mariage, sans même savoir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (275) Voir plus Ajouter une critique
3,59

sur 1483 notes
Broadway, ce spectacle pas trop réussi de l'école de danse de Jade, sa fille, sert de titre à Axel, père de famille, le narrateur. Il semble tout avoir pour être heureux : une épouse, Anna, deux enfants, Jade et Tristan, et un emploi apparemment stable… Ah oui, il ne faut pas oublier la maison dans un lotissement avec un voisin un peu maniaque et envahissant !

Fabrice Caro que j'ai d'abord connu grâce aux bandes dessinées qu'il signe Fabcaro, m'avait très agréablement surpris avec le discours. Il remet donc ça et confirme son talent pour raconter des séquences de vie apparemment ordinaires, les tracas d'un bon père de famille mais aussi ses rêves d'échappée du côté de Buenos Aires.
Tout part de ce fameux courrier de l'Assurance maladie pour le dépistage du cancer colorectal. Ce type de prévention, hasard de ma lecture, je viens d'en bénéficier ce jour-même, grâce à mon âge avancé… Normalement, ce n'est qu'à partir de cinquante ans que ce dépistage débute. Or, Axel n'a que quarante-six ans et le voilà à se morfondre, à se poser quantité de questions quand le proviseur du lycée de son fils le convoque pour lui soumettre un dessin pornographique réalisé par Tristan et montrant deux de ses profs en train de copuler en levrette !
Que faire ? Désemparé, le pauvre père tente bien de rencontrer la prof d'anglais concernée par le croquis. Il en pince même pour elle mais celle-ci ne lui parle que de rendez-vous chez un psychologue, pour une blague de potache.
Fabrice Caro, tout au long du roman, excelle à démontrer tout ce qui se passe dans notre tête lors de situations embarrassantes. Qui n'a pas échafaudé des réponses toutes prêtes, très bien formulées mais se retrouve à n'exprimer que des banalités ?
Je n'oublie pas Jade, sa fille aînée, qui va passer le bac et donc bientôt quitter le cocon familial. Son petit ami l'a larguée. Elle est désespérée et demande de l'aide à son père. Là, l'auteur s'égare dans une histoire de cierge à l'église à la demande de Jade. C'est amusant une fois mais Fabrice Caro y revient un peu trop à cette Notre-Dame d'Espérance… désespérante.
Soucis avec le voisin, projet de paddle l'été avec un couple d'amis, cette fameuse lettre de la CPAM, Axel se débat dans un entrelacs de soucis qu'il tente de conclure en apothéose.

C'est conté avec humour, décrit avec justesse, un bon moment de lecture permis grâce à Babelio (Masse Critique) et à Gallimard (Sygne) que je remercie.

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2018, Axel vient de recevoir une lettre dans une enveloppe au bas de laquelle est inscrit : Programme national de dépistage du cancer colorectal, "une formalité administrative, rien que de bien normal, toute personne ayant cinquante ans révolus la reçoit automatiquement. À ceci près que j'ai quarante-six ans." Un véritable traumatisme pour Axel qui vient de prendre quatre ans en quelques jours.
Voilà que quelques jours plus tard, il est convoqué par le proviseur. Celui-ci lui met sous les yeux un dessin scabreux de son fils, Tristan, mettant en scène ses professeurs mademoiselle Guiraud et monsieur Charlier, respectivement profs d'anglais et de SVT. Sa femme Anna lui demande de gérer.
Il y a aussi Denis et Béatrice, des amis de sa femme et donc aussi les siens qui n'ont qu'une idée en tête, les emmener avec eux en vacances à Biarritz faire du paddle, sans compter le voisin et ses apéritifs en alternance. À un moment d'ailleurs, il verra en eux le couple qu'ils vont devenir avec Anna, une fois les enfants ayant quitté le nid...
C'est la vie et les réflexions d'un homme ordinaire qui n'ose pas faire de la peine aux gens. Il décide une chose ou prépare une répartie, mais le moment venu, ne peut être brutal et acquiesce contre sa volonté. Il est la plupart du temps déphasé par rapport à la réalité, les choses vont un peu trop vite pour lui. C'est le constat un peu amer que fait cet homme pourtant heureux avec sa famille, déçu cependant par des espérances non réalisées.
En fait, depuis la réception de cette enveloppe, il est souvent en proie à la désillusion, tout l'ennuie et ce courrier devient une véritable obsession. Ne préconise-t-il pas d'ailleurs des cours où l'on enseignerait à dompter la déception ?
Cette lettre sera en quelque sorte le fil rouge du roman, car Fabrice Caro reviendra à elle de façon récurrente.
Je me suis régalée à la lecture de ce roman et j'ai beaucoup apprécié l'humour de l'auteur, un humour particulier qui flirte avec la mélancolie, de même que sa tendresse vis-à-vis des choses qui ne fonctionnent pas.
C'est un livre facile à lire, tout en finesse, dans lequel j'ai pu parfois me reconnaître, une vraie gourmandise.
Un excellent moment de lecture pour lequel Je remercie pour cela Masse critique de Babelio et les éditions Sygne de Gallimard !
J'avais beaucoup apprécié le discours et Broadway est venu confirmer le plaisir de lire les ouvrages de cet écrivain.

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Depuis longtemps inconditionnelle de l'humour de Fabrice Caro, autant pour son oeuvre dessinée que pour ses écrits, je retrouve avec un immense plaisir sa plume désabusée et si drôle ! J'avais adoré le discours, et si Adrien laisse la place à Axel, on a quand même l'impression de le retrouver, quelques années plus tard, plus âgé, mais tout aussi immature.

Et quand on est pas tout à fait fini soi-même, c'est un calvaire de jouer ces rôles que le reste de l'humanité semble endosser sans difficulté majeures : être père d'ados énigmatiques, recevoir quatre années trop tôt une invitation pour un dépistage de cancer colo-rectal, dans une enveloppe d'un bleu sinistre, rencontrer et fantasmer sur le prof de français du fils qui a commis une lourde bévue, prévoir une activité paddle pour les vacances …rien d'insurmontable, sauf pour Axel qui se noie dans une verre d'eau, fait d'une taupinière une montagne, et surtout prend toujours la pire décision, volontairement ou non.

C'est aussi comique que tragique, et même s'il nous fait rire, on est mal pour lui, cet anti-héros des temps modernes, plein de tics et de tocs et incapable de faire face aux vicissitudes ordinaires de la vie quotidienne, dépourvu de toute spontanéité relationnelle avec des conséquences en boule de neige.


Par conséquent, je ne dérogerai pas à la règle : j'adore ce nouvel opus et attendrai avec impatience le suivant.

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Lorsque Axel reçoit une enveloppe plastifiée bleue sur laquelle est inscrit Programme national de dépistage du cancer colorectal, son monde, tout à coup, semble s'effondrer. Parce que recevoir cette enveloppe à 50 ans est tout à fait normal, Axel, lui, s'en étonne d'autant qu'il n'a que 46 ans. Serait-ce une erreur de la CPAM ? Une mise en garde ? Un mauvais pressentiment ? Ne s'occuperait-il pas assez de sa prostate ? Comme si cela ne suffisait pas, Axel est convoqué chez le proviseur du collège de son fils, Tristan. Ce dernier a, en effet, dessiné, dans une posture pour le moins suggestive, sa professeure d'anglais et son professeur de SVT. Et puisqu'il s'agit de son fils, Anna somme Axel d'en parler avec leur fils. Anna qui, pour finir de lui plomber le moral, lui annonce qu'un dîner est prévu chez leurs amis, Denis et Béatrice. Des amis qui n'ont plus qu'une idée en tête : aller faire du paddle à Biarritz ensemble...

Axel, une femme, deux enfants, un pavillon en banlieue, un boulot... Axel, un homme moyen que des petits problèmes vont chambouler quelque peu. Entre l'enveloppe bleue, le dîner avec les amis, le dessin de son fils, le chagrin d'amour de sa fille, les voisins stricts, le collègue un peu lourd... Axel se débat comme il peut dans sa vie, avec ses moyens, ramant parfois, se laissant vite submerger par des détails, s'interrogeant souvent, remettant tout en question. À partir de l'enveloppe bleue, Fabcaro tisse tout autour des scènes de la vie quotidienne, toutes aussi absurdes, jouissives ou délirantes. Il s'amuse et se joue cocassement des absurdités de la vie. Aussi comique que tragique, drôle que mélancolique, farfelu qu'intelligent, un roman qui tisse, en de courts chapitres, le canevas d'un presque cinquantenaire déboussolé et dépassé...
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En cette fin d'année un peu anxiogène, j'avais besoin de me détendre un peu les zygomatiques. Quoi de mieux que de me plonger dans Broadway, ce roman jubilatoire écrit par Fabrice Caro !
Axel, le narrateur, est un père de famille comme tant d'autres. Il a tout pour être heureux. Une femme attentionnée Anna, deux adolescents Tristan et Jade qui ont quatorze et dix-huit ans. Il adore lorsqu'on lui demande : quel âge ont vos enfants ? 14-18 ! Drôle non ? Déjà vous voyez, le ton est donné ! Ils ont des amis qui ne veulent que le bonheur du couple. Sans compter leur voisin ! Il n'en finit pas de ramasser les feuilles mortes sur sa pelouse à longueur d'année. Mais où est-ce qu'il les trouve toutes ces feuilles mortes ? Ce n'est pas possible, il doit se les faire livrer ! Ah ! Ces chers voisins... Comme c'est beau, comme c'est sympa les voisins... Nous sommes tous d'ailleurs des voisins...
Tout va à peu près bien jusqu'au jour où le monde commence à se dérégler dans la vie d'Axel. C'est un peu ce qu'on appelle l'effet papillon. Dans le cadre du programme national de dépistage du cancer colorectal, Axel vient de recevoir de son Assurance-maladie une invitation à y participer. Chouette ! Youpi ! Rien d'anormal, à ceci près que ce programme s'adresse aux personnes de cinquante ans et plus et qu'Axel n'en a que quarante-six... Pourquoi ?! Pourquoi ?! Alors, si vous lisez cette chronique à haute voix,- et je n'en doute pas que vous lisiez mes chroniques à haute voix peut-être en famille ou en cercle d'amis, je vous supplie de prononcer à ce moment-là ces mots avec le même trémolo qu'utilisa ce fameux commentateur sportif ému lorsqu'en finale de la Coupe du Monde de 2006 Zidane assena un coup de tête dans la poitrine de Materazzi... Pourquoi ?!
Il n'en faut pas plus pour que le sol commence à se fissurer sous les pieds d'Axel. Pourquoi ?! C'est aussitôt l'affolement, le désarroi, une sorte de peur panique et dans ces cas-là, vous savez, certaines de nos attitudes ne font qu'empirer la situation : on veut s'accrocher à la nappe et tout vient avec, les verres, les assiettes, ce qu'il y a autour, ce qu'il y a dedans, ce qui manquait peut-être aussi...
Le monde d'Axel, c'est un peu Buster Keaton au pays de Kafka.
Ici, brusquement, à travers cette lettre de l'Assurance maladie, c'est une suite de déconvenues qui se révèlent aux yeux d'Axel, un enchaînement de faits et le pauvre Axel se croit maudit des dieux ou plutôt de ce courrier du programme national de dépistage du cancer colorectal, car toutes les autres catastrophes qui s'ensuivent découlent de là forcément : la convocation au lycée parce que le fils d'Axel, Tristan, a dessiné deux de ses professeurs dans une scène de fornication, le voisin qui inévitablement va lui rappeler que ça y est nous sommes arrivés à l'échéance des trois mois et que le moment est venu pour eux de se plier au rituel de l'apéritif chez Axel cette fois, sa fille Jade amoureuse éconduite qui demande à son père de mettre un cierge à Notre-Dame d'Espérance pour jeter un sort à sa rivale et, cerise sur le gâteau, les amis, ces chers amis, qui proposent d'initier Anna et Axel au paddle l'été prochain sur la plage de Biarritz.
Pourquoi ?! Warum ?! Alors, oui, cette fois-ci, bien sûr toujours si vous lisez mes chroniques à haute voix, vous pouvez le faire un peu plus ténébreux pour casser le rythme, façon plus sobre dans le tragique, à la manière de Louis Jouvet ou d'Alain Cluny, vous savez cet acteur un peu sinistre dans Notre-Dame-de-Paris qui joue le rôle d'un prêtre et qui se fait jeter par Quasimodo par-dessus les gargouilles de la cathédrale et qui, peut-être lui-même a crié un dernier et ultime Pourquoi.
Alors dans ces cas-là, tous les yeux se tournent vers Axel : il faut prendre une décision. Mais, pourquoi, et là c'est plutôt « pourquoi moi ?».
La vie lui échappe, au pauvre Axel... C'est terrible, j'ai l'impression qu'Axel me ressemble... Et c'est sans doute ce que ce diable de Fabrice Caro espérait que je dise, l'ingrat! alors que je fais des efforts désespérés pour lui concocter une chronique aux petits oignons...
Moi, je dis que cela ne serait pas arrivé en d'autres temps. En d'autres temps anciens, les courriers hautement importants n'étaient même pas confiés par la malle postale, transport trop risqué à cause des bandits des grands chemins. Non, les militaires avaient tout pensé depuis belle lurette (alors ici, belle lurette n'est pas le nom de la compagne de Gai-Luron personnage créé par ce cher Gotlib, c'est juste ici une expression un peu désuète pour mettre un petit cachet rétro à ma chronique).
Ces courriers importants, hautement confidentiels, étaient confiés à des pigeons voyageurs. Alors, voilà j'ai alors imaginé Fabrice Caro transposant son histoire au XVIIIème siècle et peut-être que tout ceci ne se serait pas passé comme cela. À l'époque, chaque courrier de ce style était vu et revu avant son départ. Pas question que le pigeon voyageur parte avec un destinataire qui n'était pas le bon, vous imaginez ce que cela aurait pu être en tant de guerre ! Les risques ? Alors, imaginons un programme de dépistage national du cancer colorectal au hasard en 1715 envoyé par des pigeons voyageurs. Génial, non ? Ne me demandez surtout pas : pourquoi en 1715 ?! Alors peut-être qu'alors, l'âge ne serait pas le même à cause de l'espérance de vie, peut-être qu'on lancerait l'opération à partir de quarante ans et qu'un certain Axel recevrait une missive alors qu'il n'aurait que trente-six ans, neuf mois et vingt-deux jours. Oui, ça vous paraît précis, mais j'ai fait bêtement une règle de trois. Et alors, j'ai imaginé dans la tête de Fabrice Caro, un délire fou. Imaginons le fameux pigeon chargé de la missive hautement délicate, s'arrêtant en chemin sur des arbres où figurent des baies rouges, de bien belles baies rouges délicieuses et parfumées,- chouette! les jolies baies rouges!, mais hautement laxatives, vous voyez venir le scénario, un pigeon qui amène une information hautement stratégique sur un programme de dépistage du cancer colorectal et qui arrive avec sa missive dans une situation des plus délicates et des plus gênantes pour le volatile et surtout pour les personnes en-dessous auxquelles s'adresse la missive, quelle magnifique publicité pour le programme en question ! Et là, Axel aurait pris cela comme un message de bonne augure, un geste portant le bonheur...
Tandis qu'en 2020...
Quelque chose de lourd, de pesant, d'oppressant est là dans le présent. Axel prend conscience de cette impression de subir en permanence le présent, sans ne rien savoir maîtriser, n'avoir jamais prise sur rien, cette sensation de ne rien décider, de passer à côté de soi. Peut-être que nous ressentons la même chose et si nous en rions, c'est que cela nous touche aussi.
Il y a ce côté autruche, si facile, s'enfouir la tête dans le sable lorsqu'il faut être présent, décider. Mais pourquoi faut-il encore décider dans nos existences où tout semble régulé d'avance... ?
Je découvre qu'Axel me ressemble et c'est terrible. Je soulève le rideau de la fenêtre et j'entrevois la maison du voisin. Ouf ! Je me sens plus heureux qu'Axel...
Mais pourquoi dans nos vies compliquées, faudrait-il toujours savoir prendre des décisions ? Vaste sujet. Qu'en pensez-vous ?
Autant vous dire que Broadway fut une lecture jouissive, elle m'a fait un bien fou en cette période particulière. Mais par-delà l'autodérision, il y autre chose aussi, il y a la saveur des premières fois, de la tristesse infinie, des rendez-vous manqués, une mélancolie douce-amère... Une envie de continuer de croquer la vie.
Et si la seule manière de survivre à un quotidien où l'on perd pied, n'était pas de se tenir droit debout en équilibre sur un paddle, les bras ouverts face à la plage de Biarritz ?
Broadway, j'ai aimé.
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critiques presse (5)
Liberation
10 mai 2022
Le thème de la crise existentielle de milieu de vie n’est pas nouveau. Mais ici, tout le récit se déroule sur le mode du monologue intérieur, plein d’humour, d’autodérision et de mélancolie. De rêve aussi.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeJournaldeQuebec
21 décembre 2020
Après Le discours, qui a réussi l'an dernier à nous faire rire de bon coeur, Fabrice Caro récidive avec Broadway, qui est tout aussi désopilant.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeFigaro
20 octobre 2020
Un courrier de l'Assurance-maladie plonge un homme sans histoires dans une anxiété folle. Drôle et touchant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LesInrocks
22 septembre 2020
Après Le Discours, Fabrice Caro se joue à nouveau des absurdités de la vie moderne pour composer une nouvelle comédie tragiquement tordante.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Lexpress
16 septembre 2020
En cette rentrée littéraire un peu sérieuse, Fabrice Caro incarne résolument le versant "comédie", un genre littéraire très peu répandu sous nos latitudes. Et, comme toujours, son sens de la situation comique fait mouche.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (165) Voir plus Ajouter une citation
Ces derniers temps, je me réveille toutes les nuits à 3 h 15 du matin pour aller uriner, et je suis chaque fois bluffé par la constance de cet horaire, toutes les nuits, invariablement, 3 h 15 pile, comme si ma prostate était pourvue d'une horloge interne, comme si j'étais affublé d'une sorte de super-pouvoir, mais un super-pouvoir qui ne servirait pas à grand-chose, on imagine assez mal les studios Marvel en faire une adaptation. La journée, il est Axel, un employé discret et sans histoires, mais dès qu'arrive la nuit, il devient...Urinor ! Le super-héros qui se lève pour faire pipi à 3 h 15 pile, le monde du crime n'en sortira pas indemne.
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Mets-la-moi. Comment en est-on arrivé là ? Je ne peux pas croire que c'est mon Tristan à moi qui ait commis une horreur pareille. Le même Tristan qui, tous les ans à Noël, criait de joie en découvrant sa boîte Playmobil, moi assis par terre en tailleur dans sa chambre tentant laborieusement d'assembler les pièces et lui, sautant tout autour des morceaux éparpillés sur le sol, entamant ses scénarios alors même que je n'en étais qu'aux fondations, des scénarios faits de pirates, de trésors enfouis et d'îles mystérieuses, quand tout à coup : mets-la-moi. Comment est-on passé des pirates à mets-la-moi ? Par quel mystérieux processus hormonal, subitement, passe-t-on de l'envie de carte aux trésors à celle de dessiner deux masses informes en train de copuler ? Playmobil, en avant les histoires.
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Mon regard se perd sur le décolleté de Béatrice, je me demande chaque fois si ses seins sont refaits ou pas (Anna est persuadée que non, moi que oui). Que se passerait-il si, subitement, au milieu du repas, au beau milieu de la discussion, je tendais le bras et touchais le haut décolleté de son sein du bout de mon index pour en vérifier la fermeté? Comme ça, de manière totalement anecdotique? Quelle serait leur réaction? Denis se lèverait-il pour me mettre son poing dans la figure ou bien le repas se poursuivrait-il comme si de rien n’était? Pourquoi nous évertuons-nous à n’effectuer que des actes pourvus de sens? Pourquoi une existence qui n’en a aucun devrait-elle être constituée d’une suite ordonnée de faits rationnels, et pourquoi ne nous mettrions-nous pas subitement à courir dans la rue sur Modern Love comme chez Leos Carax ou Noah Baumbach? Pourquoi tout doit-il être cohérent quand la vie elle-même ne l’est pas pour deux sous et qu’on peut très bien se réveiller un matin avec un courrier destiné à un type de cinquante ans alors qu‘on n’en a que quarante-six? Pourquoi l’utile, pourquoi l’approprié? p. 125
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INCIPIT
Le 20 juillet 1988, quand était arrivée la lettre de Sandrine Cazes alors en vacances à Juan-les-Pins et que j’avais rencontrée une semaine auparavant dans un bal de village, je l’avais saisie d’une main tremblante (en réalité, elle était d’abord passée par les mains de ma mère, c’est elle qui allait au courrier, C’est pour toi, avait-elle déclaré d’un ton solennel, suscitant chez moi un sentiment mêlé de honte et d’excitation), je m’étais réfugié dans ma chambre pour l’ouvrir en toute tranquillité et j’avais découvert une carte postale d’une vue de Juan-les-Pins accompagnée d’une longue lettre d’une écriture tout en rondeur, à l’encre bleue sur du papier parfumé. Sandrine Cazes évoquait notre rencontre, parlait de ses vacances, de son petit frère insupportable, puis soudainement, au milieu d’une phrase sur la température de l’eau, entre parenthèses, surgissait un (pile là à la radio, « … fermer les volets et ne plus changer l’eau des fleurs… », qui me fait douloureusement penser à toi). Au bas de la lettre, une trace de baiser au rouge à lèvres barrait en diagonale les trois dernières lignes, et cette bouche m’avait littéralement fait fondre. Ce devait être la toute première lettre m’étant adressée personnellement et j’avais cru alors que le courrier serait toujours synonyme de cœur qui bat, de ventre qui vibre, de fragments d’extases et de ciels sans fin.
Trente ans plus tard, ellipse, je tiens dans ma main une enveloppe plastifiée bleue au bas de laquelle est inscrit : Programme national de dépistage du cancer colorectal.
Que s’est-il passé entre ces deux instants ? À quel moment le bleu du ciel de la carte postale de Juan-les-Pins s’est-il délavé pour atteindre ce bleu grisâtre ? Les Inuits possèdent un nombre incroyable de mots pour désigner la neige, dont chacun exprime une nuance bien précise (ils ont aussi le même mot pour désigner berceau et tombeau, dans le genre ellipse temporelle), dans notre culture ce sont les nuances de bleus qui sont incroyablement riches, avec un spectre qui s’étend du bleu Juan-les-Pins au bleu colorectal (Je cherche une écharpe dans les tons bleu colorectal, vous auriez ça ?). Je regarde cette enveloppe, sans même une trace de baiser rouge à lèvres pour en atténuer la violence, et je me dis que tout courrier administratif devrait avoir la douceur d’une lettre de Sandrine Cazes. Nous vous invitons à régulariser dans les meilleurs délais votre situation, à défaut (pile là à la radio, « … j’aimerais quand même te dire, tout ce que j’ai pu écrire, je l’ai puisé à l’encre de tes yeux… », qui nous fait douloureusement penser à vous) nous poursuivrons la procédure visant à obtenir le paiement – barré d’un baiser rouge à lèvres.
Elle est arrivée ce matin, comme elle arrive un matin dans des milliers de foyers, au milieu de factures, de magazines et de promotions de grandes surfaces, parmi d’autres enveloppes, humble et effacée, une formalité administrative, rien que de bien normal, toute personne ayant cinquante ans révolus la reçoit automatiquement.
À ceci près que j’ai quarante-six ans.

Au-dessus de sa tête, au mur, se trouvent une reproduction d’un tableau de Paul Klee et une photo de chalet de Haute-Savoie et je trouve la juxtaposition de ces deux tableaux pour le moins hasardeuse, un peu comme une table de restaurant où se côtoieraient un pavé de veau sauce cardamome et du céleri-rave dans une assiette en carton. Le proviseur me tend une feuille, une feuille de cahier un peu froissée, accompagnant son geste d’un sec et lapidaire Voilà le chef-d’œuvre de votre fils. Je prends la feuille, fébrile, et découvre l’œuvre en question : un dessin assez laid, fait au Bic noir, de deux silhouettes informes qui semblent s’accoupler, celle de devant à quatre pattes, l’autre à genoux derrière, du moins de ce que je peux en discerner, et des bulles sortent de leurs têtes, le personnage à genoux dit Aaaah Guiraud tu es bonne ! Et l’autre, celle à quatre pattes, lui répond Oh oui Charlier mets-la-moi ! Le proviseur croit bon de préciser Pour le cas où vous l’ignoreriez, mademoiselle Guiraud et monsieur Charlier sont respectivement ses professeurs d’anglais et de SVT – évidemment je l’ignorais. Je suis tétanisé. Je tiens la feuille dans ma main, figé, le regard fixé sur le dessin, je sens le proviseur face à moi, de toute évidence il attend que je fasse un commentaire, que j’émette un avis, que j’aie une réaction que je suppose indignée, mais je ne peux rien faire d’autre que de rester les yeux rivés sur la feuille, mutique, comme si c’était moi qui venais de dessiner cette horreur. À cet instant précis, je suis soulagé qu’Anna n’ait pas pu venir avec moi au rendez-vous, prise par son travail, je crois que sa présence aurait décuplé mon malaise. Je donnerais n’importe quoi pour éviter de croiser le regard du proviseur, et ce temps me semble incroyablement long, et plus le temps passe moins il me semble envisageable de lever la tête, peut-être espéré-je jouer la montre, peut-être ai-je espoir que la sonnerie de fin de journée retentisse, qu’il se lève sans bruit, prenne son cartable en cuir et rentre tranquillement chez lui.
Point positif dans ce dessin : il n’y a aucune faute d’orthographe, je pourrais en faire la remarque au proviseur, mais je doute que ce soit ce qu’il attend de moi. Il m’apparaît même, de manière un peu paradoxale, que l’orthographe impeccable renforce la vulgarité du propos. Des textes truffés de fautes auraient constitué une sorte de redondance dans la médiocrité, la vulgarité du texte et celle du dessin se seraient annulées, alors que l’absence de faute imprime au dessin un aspect pertinent, il lui donne une sorte de crédibilité, sans faute d’orthographe l’artiste nous apparaît soudain légitime et l’on se prend à croire que Guiraud est réellement bonne et que Charlier la lui met vraiment, et ça fait froid dans le dos.
Mets-la-moi. Comment en est-on arrivé là ? Je ne peux pas croire que c’est mon Tristan à moi qui ait commis une horreur pareille. Le même Tristan qui, tous les ans à Noël, criait de joie en découvrant sa boîte Playmobil, moi assis par terre en tailleur dans sa chambre tentant laborieusement d’assembler les pièces et lui, sautant tout autour des morceaux éparpillés sur le sol, entamant ses scénarios alors même que je n’en étais qu’aux fondations, des scénarios faits de pirates, de trésors enfouis et d’îles mystérieuses, quand tout à coup : mets-la-moi. Comment est-on passé des pirates à mets-la-moi ? Par quel mystérieux processus hormonal, subitement, passe-t-on de l’envie de carte aux trésors à celle de dessiner deux masses informes en train de copuler ? Playmobil, en avant les histoires.
Le proviseur guette toujours ma réaction, et au terme d’un temps qui me semble infini je finis par lever les yeux vers lui et déclare : Je suis profondément choqué. Je suis profondément choqué. C’est tout ce que je trouve à dire. Je m’entends prononcer ces mots et jamais je n’ai entendu une phrase sonner si faux, c’est non seulement surjoué mais j’ai complètement loupé mon intonation, avec une intonation pareille j’aurais pu dire tout autre chose, Mmmh un délice ce poulet élevé en liberté ou bien Vous connaissez les quais du Douro à Porto ? On dirait un acteur de sitcom AB Productions, intérieur jour, cafète du lycée, Eh Cricri tu as su que Tristan avait dessiné deux professeurs en train de hum hum ? – Je suis profondément choqué. Rires enregistrés.
Il m’annonce dans la foulée que mademoiselle Guiraud aimerait prendre rendez-vous avec nous, les parents. Il ne mentionne pas l’autre professeur, Charlier, visiblement lui n’en voit pas la nécessité, peut-être s’est-il contenté de sermonner vertement Tristan, ou peut-être le dessin lui a-t-il plu, peut-être Tristan a-t-il concrétisé à travers son œuvre un de ses fantasmes et peut-être lui en est-il secrètement reconnaissant. Nous nous levons, je lui rends le dessin, il me dit Oh vous pouvez le garder, et je lâche un Oh merci complètement déplacé comme s’il m’offrait un cadeau inestimable.
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Peu à peu on était de moins en moins déçus car on avait de moins en moins d'attente et c'est peut-être la meilleure école de la vie, apprendre à dompter la déception, l'apprivoiser, puisque de toute façon elle jalonnera notre vie, plutôt la maîtriser que de tenter de l'éviter, instaurer une matière dès le collège, Tu as quoi là ? - Maths puis deux heures de déception, cours pendant lequel on ouvrirait des Kinder Surprise à la chaîne, et il n'y aurait que des voitures rouges avec les roues noires à accrocher et on oraliserait Pouaah comment c'est nuuuuul!, intégrant ainsi progressivement la notion de désillusion.
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