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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai ressenti le même sentiment d'universalisme que j'avais ressenti en lisant le livre « les veines ouvertes de l'Amérique latine ». Un sentiment que rien n'est fait par hasard, tout à été la conséquence d'une décision qui a été prise par des peuples colonisateurs qui avait tout intérêt à laisser les peuples colonisés dans une tiède dépendance.

Du génie, il a fallu du génie pour penser un système globalisé aussi systématique et performant, pour organiser les économies des colonies en fournisseur de matière première, (cacao, bois, or…), de sorte que même après l'indépendance ils ne soient pas capable de se suffire a eux même.
Frantz fannon systématise les manipulations occidentales sur les colonies en synthétisant de manière pragmatique leur praxis. Tout les aspects sont abordés méticuleusement et de manière tout à fait compréhensible et cohérente. L'idée de suprématie blanche ou plutôt d'infériorité indigène que les colonisateurs ont implanté jusque l'esprit même des colonisés , mais aussi les dynamique qui vont mener jusqu'aux indépendances.

Et après l'indépendance, qu'est ce qui fait que même en ayant perdu leur souveraineté les puissances coloniales restent encore gagnantes dans les rapport de force. Qu'est ce qui a changé vraiment après l'indépendance si un pays qui vendait du bois vend toujours du bois aux même européen? l'intermédiaire n'est plus un colon avec un fouet mais un nègre avec un chapeau de velours. Fannon nous explique pourquoi parmis toute les forces en présence, c'est spécifiquement un indigène qui refuse la violence libératrice sans compromis, plus apte à négocier avec ses anciens propriétaires, qui prédominera sur les autres.

c'est un excellent panorama qui se base sur les expériences des républiques d'Amérique latine, qui étudie scrupuleusement les rapports des différents groupes sociaux, prolétaire, agriculteur bourgeoisie en mettant en évidence leur ressemblance et leur différence avec les modèles occidentaux. Et au delà de ces relations intra-nationale, on comprends comment l'ancienne puissance coloniale se permet de faire preuve d'ingérence, en opposant les différentes autorité traditionnel, ethnique ou religieuses, au nationaliste qui souhaitent distribuer les fruits de l'indépendance au plus grand nombre. Toutes ces effusions ont pour effet de laisser le pays dans un état difficilement rattrapable par les futures présidents inexpérimentés qui se mettent alors en place.
Loin de faire un constat pessimiste, « tout est de leur fautes » Fannon, parle aux colonisés, pour leur expliquer comment procède le colonisateur, et surtout comment le colonisé doit agir pour se libérer de son carcan.
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Les "damnés de la Terre", ce sont ces peuples dominés du Tiers-Monde (terme polémique qui renvoie à la notion de tiers-état dans l'essai de Sieyès, partie majoritaire qui ne veut plus être rien ; remplacé aujourd'hui par l'appellation très courageuse de "Pays Moins Avancés"), peuples condamnés à un enfer sur Terre, peuples esclavagisés puis/ou colonisés, infériorisés, dépossédés de l'usage de leur terre, démentis dans leur culture, maintenus sous la dépendance, astreints à la charité, fouettés de bonnes valeurs et de bons sentiments progressistes... Fanon est trop souvent caricaturé en apôtre de la violence, d'une vengeance exagérée contre des colonisateurs certes fautifs mais pas si mal intentionnés, enragé traître à la France engagé au F.L.N. et demi converti au barbarisme. J.-P. Sartre explique dans sa préface que l'essai s'adresse directement aux damnés, et non aux occidentaux, néglige donc toute précaution oratoire. Non. Fanon propose tant aux uns qu'aux autres une vision zéro concession du colonialisme, sans rôle positif aucun, vision inconcevable alors, toujours difficile à accepter malgré le poids des recherches historiques s'accumulant. La culture du pays colonisateur, avec son image ethnocentrique de progrès, implicitement présentée comme supérieure à une autre négligeable, sert de cache-canines, de voile d'innocence à une propagande fasciste défendant le droit à dominer humainement et à jouir de privilèges d'exploitation...

Référence des mouvements tiers-mondistes comme les non-alignés ou la Tricontinentale de Mehdi Ben Barka, Fanon se méfie de toute simplification et de tout manichéisme : nord-sud, blanc-noir, musulmans-chrétiens, éduqués et incultes, les gentils les méchants... Paradigme piège qui est justement celui promu par le pouvoir colonial ou impérialiste. Il ne s'agit pas d'expulser le colon, d'opposer l'arabe et le français, mais d'anéantir une machine administrative de domination et d'exploitation, qu'elle soit tenue par des originaires du pays colonisateur ou par des locaux. À l'instar d'Étienne de la Boétie dans son Discours sur la servitude volontaire - talents précoces et destinées d'ailleurs très comparables - Fanon dénonce la collaboration de l'intérieur, l'importance de la classe administrative, les petites mains exécutantes, serviteurs modèles qui par leur travail décomposé, déresponsabilisés assurent la bonne marche du système colonial, contre avantages (privilège d'être moins exploité ; position moins basse dans la hiérarchie sociale ; miettes d'exploitation...). Important également de se méfier des élites intellectuelles colonisées (ce qu'il est lui-même), hommes politiques et écrivains, assimilés ou révolutionnaires, bons élèves du maître, parlant la langue du négoce, moralistes moins dans l'urgence de voir changer un système où ils réussissent plutôt bien, tergiverseurs ayant peur de perdre leur titre de révoltés en phrases (cf. l'analyse de Baudrillard sur le parti socialiste qui, élu sur le mécontentement du système, n'a pas d'intérêt à trop le changer...). Une caste qui, passée l'indépendance, sera tentée de reprendre les rênes du pouvoir, clamant que tout a changé grâce à elle sans rien modifier un système injuste reposant sur l'exploitation des uns par les autres.

Manuel du parfait révolutionnaire décolonisateur donc, mais pas que, Fanon anticipe clairement le "néocolonialisme", domination pilotage à distance de gouvernements dans une dépendance aux mêmes circuits économiques de l'ancien maître (comme dans La Ferme des animaux d'Orwell)... Sous le racisme et la violence coloniale, se dissimule la prédation économique (La raison économique apparaissait déjà chez Montesquieu dans de l'esclavage des nègres, comme la raison profonde et atrocement simple de la traite). Ethnographie psychiatrique d'une terre en guerre de décolonisation. Langue claire, vibrante et incisive ; prose philosophique et poétique à la fois, déjà allégée du maniérisme complexé des poètes de la négritude qui cherchaient encore à briller ; langue du corps douloureux, du corps qui s'auto-mutile, s'auto-opère, se saigne, pour se séparer du corps étranger, de cellules cancéreuses comme autant de balles de fusil qui gangrènent et aliènent jusqu'à l'intimité, jusqu'à l'inconscient. Langue exhibant ses blessures comme le dos de "Peter le fouetté" mais déterminée et fière. On entre dans le corps de l'oppressé, derrière ce regard où se mêlent peur et défi, et où la lutte ne commence qu'après renoncement total à soi, homme trois fois mort se dressant encore parmi les manifestants gisant comme dans le Cadavre encerclé de Kateb Yacine (cet autre mis au ban du panthéon littéraire français). Parce que, comme l'exprime Albert Camus dans L'Homme révolté, l'esclave fait front contre son maître armé lorsque la défense de sa vie, tant et tant dévalorisée, devient anecdotique en comparaison de celle d'une valeur qui le dépasse en tant qu'individu. Dans cette perspective, Fanon donne un vrai rôle, noble et quasi féerique, aux rejetés, aux marginaux, criminels, prostituées, mendiants... qui n'ont rien à perdre mais une chance dans l'action révolutionnaire de se racheter à leurs yeux et à ceux de leurs pairs, de passer du statut de moins que rien à celui de héros. Leur aptitude à sacrifier totalement leur personne pour une révolution, constitue sans doute la lame de fond de celle-ci.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Partie prenante pendant la guerre d'Algérie, Frantz Fanon livre ici un testament politique d'une grande importance. Daté mais intemporel, spécifique mais universel, parfois rébarbatif mais toujours fascinant, cet ouvrage n'est pas destiné aux européens pourtant tous les européens devraient l'avoir lu au moins une fois dans leur vie... Histoire de savoir d'où ce "développement", dont chacun profite, est issu.
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Au moment où il écrit cet ouvrage, en 1961, le monde colonial est en plein éclatement. 1956 a vu en Angola la naissance du mouvement populaire de libération, Madagascar a retrouvé son indépendance en 1960 après une lutte nationaliste incessante contre la France, la révolte des Mau Mau qui permettra au Kenya d'y accéder en 1963 bat son plein... Et, surtout, en Algérie, la guerre a débuté, depuis 1954.

Frantz Fanon, qui a exercé sa profession de psychiatre à l'hôpital de Blida, où il a été amené, là aussi, à traiter les nombreux troubles occasionnés par la situation coloniale mais aussi par les exactions commises pendant la guerre d'indépendance (tortures, massacres), prend fait et cause dès 1956 pour la libération du peuple algérien : il remet sa démission de son poste à l'hôpital et rejoint le Front de Libération Nationale (FLN).

Ce qui frappe en premier lieu, lorsque l'on débute la lecture des "damnés de la terre", c'est sa limpidité. L'auteur pose un raisonnement lucide et visionnaire, mais surtout accessible à tous. Il est d'ailleurs important de noter, ainsi que le fait Sartre dans la préface qu'il a rédigé à cet ouvrage lors de sa parution, que ce dernier à été écrit à l'intention des peuples colonisés, et non de leur oppresseur.

Dans un premier temps, Fanon pose le principe de l'inéluctabilité de la violence dans le processus de libération, qui ne peut passer que par la destruction totale de la structure mise en place par le régime colonial. "L'intuition qu'ont les masses colonisées que leur libération doit se faire et ne peut se faire que par la force", après des décennies d'exploitation et d'asservissement, est le départ d'un élan populaire que rien ne doit pouvoir arrêter.
Aucune compromission à cet éveil des opprimés n'est acceptable : les partis politiques nationalistes raisonnables qui cherchent à négocier avec les colons ne peuvent que permettre à ces derniers de maintenir une partie de leur emprise sur les colonies. Cette violence semble par ailleurs logique, puisqu'elle vient en réponse à celle qu'a fait subir l'européen des années durant aux indigènes, auxquels il a toujours été dit qu'ils ne comprenaient que le langage de la force !

La volonté de combat fait naître chez le peuple la notion de conscience et de destin national, et là où "Les damnés de la terre" est très intéressant, c'est que Fanon insiste sur le fait qu'il ne faut pas s'arrêter là : après la libération, un autre combat se joue, celui de la reconstruction. L'auteur voit dans la décolonisation l'occasion inespérée de bâtir un nouveau modèle de société, dans laquelle l'homme serait le bien le plus précieux, une société tournée vers l'ensemble du peuple.

Fanon est bien conscient de tous les obstacles qui s'opposent à l'avènement de cette société idéale, et il les détaille, pour mieux les reconnaître et les éviter. La plus grande difficulté à surmonter réside dans les inégalités qui séparent les colonisés les uns des autres. Les citadins ont profité durant la domination européenne de certains avantages. Il s'est ainsi créée une bourgeoisie indigène qui singe la bourgeoisie occidentale, mais qui n'a ni la puissance économique de cette dernière, ni sa légitimité séculaire. La bourgeoisie indigène se contente d'afficher des signes extérieurs de richesse, mais fait preuve d'étroitesse d'esprit en refusant de réinvestir ses bénéfices dans l'économie locale. le prolétariat des villes, se calquant sur le comportement de cette bourgeoisie, fait preuve de racisme envers le milieu rural, considéré comme moyenâgeux, et dont il craint que les masses ne viennent lui disputer ses avantages acquis.

L'élaboration d'une société bourgeoise suite à la décolonisation est par conséquent vouée à l'échec, nous dit Frantz Fanon : se vendant aux grandes compagnies étrangères pour faire du profit, minée par la corruption, la cupidité, elle accentue les inégalités qui vont forcément inciter les miséreux à se révolter, et l'expérience (notamment dans certains pays d'Amérique du Sud) a démontré que dans ce cas, l'armée, appelée en renfort pour réprimer la révolte, en profite pour prendre le pouvoir et c'est alors une dictature militaire qui s'installe.

C'est pourquoi l'auteur insiste sur la nécessité d'instaurer un lien entre les villes et les campagnes. Il est indispensable que les élites nationalistes se rapprochent du vrai peuple, l'instruise, le politise, l'organise. le peuple se doit non pas d'être tenu en laisse, mais d'être souverain. La reconstruction doit passer par la reconnaissance et l'implication de tous, le citoyen doit participer à la reconstruction de la nation pour se l'approprier. Il doit être l'artisan de son propre développement.
La tâche est immense, il s'agit d'alphabétiser, de répartir travail et richesses, de rétablir l'égalité entre citadins et ruraux, hommes et femmes, de passer, en bref, d'une conscience nationale à une conscience politique et sociale.

Autre danger sur lequel l'auteur alerte les états nouvellement libres : celui de se risquer à répondre aux sollicitations des nations impérialistes ou socialistes, qui ont bien compris les enjeux de la décolonisation. Rappelons que nous sommes alors en pleine guerre froide, et que la dite décolonisation est pourvoyeuse d'opportunités de positionnement stratégique sur le plan économique et politique, d'où les tentatives de séduction des différents blocs...

Mais, ainsi que nous le rappelle Frantz Fanon, les nations libérées du colonialisme doivent être maîtresses de leur destin.

"Le sort du monde ne dépend pas de la guerre entre régime socialiste et pays capitalistes, mais d'investir et aider techniquement les régions sous-développées".

D'autant plus qu'ainsi qu'il le souligne dans sa magnifique conclusion, le système occidental a montré ses limites, son inhumanité. le modèle européen, notamment, n'est par conséquent pas à suivre...

Quelques 60 ans plus tard, on peut déplorer que les conseils qu'il prodigue dans ces "Damnés de la terre" n'aient pas été vraiment suivis... On y réalise toute la mesure de sa clairvoyance, de la justesse de son analyse sur le devenir des nations décolonisées qui ont rarement -voire pas du tout- profité de l'occasion pour mettre en place une société équitable et humaniste telle qu'il la rêvait pour ces peuples épuisés par des siècles d'asservissement. La consolation est maigre, de se dire qu'il n'aura pas été là pour faire un constat amer (il est mort des suites d'une leucémie quelques mois après la parution de ce livre) face à cette Afrique aujourd'hui ravagée par la misère, le sida et les guerres intestines.

Frantz Fanon, grand humaniste, avait foi en l'homme.
Peut-être l'homme n'a-t-il pas eu assez foi en lui-même...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Super début!
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j'ai beaucoup apprécié ce livre sur le colonialisme, quelqu'un connaîtrait t'il d'autres oeuvres similaires intéressantes ?
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