Quel bon livre !
J'avais emprunté à la bibliothèque il y a quelques temps «
La route de Los Angeles » de Fante, après avoir lu de bonnes critiques sur des livres de cet auteur.
C'était le premier livre écrit par Fante, publié de manière posthume, et je l'avais très moyennement apprécié.
Heureusement, persévérante je suis…
A la bibliothèque toujours, j'ai trouvé «
Pleins de vie ». Alors je me suis dit qu'il fallait voir.
Ah ben c'est tout vu ! C'est nettement meilleur (traduire « à mon goût », bien entendu, je ne suis pas qualifiée pour juger de la différence de qualité littéraire entre deux livres, surtout du même auteur…)
Dès le début j'ai accroché à la pensée un peu désabusée, cynique parfois, pas très courageuse du narrateur, Fante lui-même :
« C'était une grande maison parce que nous étions des gens aux grands projets. D'ailleurs le premier était déjà là, butte accrochée à la taille de ma femme, monticule agité de mouvements doux, telle une boule de serpents qui se lovent et frémissent. Dans les heures qui précèdent minuit, je collais mon oreille à l'endroit stratégique et entendais comme le ruissellement d'une source, des gargouillis, chuintements et autres clapotis. »
Autant
Bandini m'avait franchement irrité dans «
La route de Los Angeles », autant le narrateur Fante, ici, m'a charmée, fait sourire, émue parfois.
Non, non, même dans sa muflerie il n'arrive pas à être vraiment irritant, grâce à la spontanéité, à la fraîcheur de sa pensée.
Le thème principal pourrait être la paternité, mais au-delà, c'est aussi la famille.
Dans leur belle maison de Los Angeles, sa femme et le monticule tombent dans un trou dans la cuisine, dû aux termites, qui ont bouffé le plancher.
Fante va alors chercher son père pour réparer le trou et économiser de l'argent.
Tout est drôle dans ce livre, tout en finesse.
Les superstitions pour enfanter un garçon au lieu d'une fille sont l'occasion d'un inventaire à la
Prévert des croyances populaires qui permettent d'éloigner les sorcières, de guérir les maladies…
Le voyage en train de Fante et de son père est truculent.
Toutes les situations échappent au narrateur et on devine qu'il tente surtout, dans ses réflexions, de garder son estime intacte, ce qui le rend très attachant.
Petit à petit, un problème va prendre de l'ampleur dans l'histoire : la conversion de Joyce, la femme de Fante, au catholicisme.
Les rencontres avec le prêtre sont elles aussi désopilantes.
Quand Fante essaie de garder le contrôle de la situation, sur sa femme, voici ce que cela donne :
« J'ai eu envie de la secouer.
« J'ai pris une décision. Tu arrêtes ça, ou je quitte cette maison. »
Elle a souri en rejetant en arrière ses cheveux humides.
« Tu peux partir quand tu veux. »
« C'est ta décision ? »
« Oui, mon chéri. »
La tête basse, je suis sorti de sa chambre. Elle avait donc choisi. Tout était de sa faute. Mais je ne suis pas parti. On ne peut pas les quitter dans cet état. Une grossesse exige un tact infini. Il ne faut pas non plus leur faire de scènes. On prend son mal en patience, mais on ne les quitte pas. »
Pleine de vie, en cloque :
« Elle a mis sur l'mur, au d'ssus du berceau
Une photo d'
Arthur Rimbaud
'Vec ses ch'veux en brosse, elle trouve qu'il est beau
Dans la chambre du gosse, bravo !
Déjà les p'tits anges sur le papier peint
J'trouvais ça étrange, j'dis rien
Elles me font marrer ses idées loufoques
Depuis qu'elle est en cloque...
[…] »
Extrait de « En cloque », Renaud :
https://www.youtube.com/watch?v=B6iJ5UzX5yU