Marche ou crève
1878. C'était hier ou presque.
Toute l'Amérique était conquise par l'Homme blanc. Toute ? Oui, toute.
La dernière frontière n'existe plus qu'autour d'un territoire aride et ingrat de l'Oklahoma où sont parqués les Indiens survivants.
Pourtant, des traités garantissaient aux Cheyennes, Sioux et Arapahoes, l'occupation des riches plaines du nord dans le bassin de la Powder river. Mais c'était sans compter sur l'expansion de la « civilisation » conduisant les troupeaux texans sur ces terres ancestrales, tissant son réseau de voies ferrées, criblant la région de forts pour finalement obliger les Indiens conduits par Dull Knife à déposer les armes et accepter l'exil.
Vae victis.
Dans l'Oklahoma, les Indiens sont condamnés. le Bureau des Affaires indiennes les laisse mourir à petits feux, dans la famine et le dénuement sous un climat inadapté.
300 Cheyennes décident alors de retrouver leur ancien territoire des Black Hills.
Comment une poignée d'hommes valides, des femmes et des vieillards pourraient-ils parcourir à pied plus de 1.500 kilomètres avec 12.000 soldats à leurs trousses ? Impossible.
Et pourtant…
D'
Howard Fast, je ne connaissais que
Sylvia, le roman policier paru chez Neo sous sa superbe couverture dessinée par
Jean-Claude Claeys. le genre retenu ici n'a donc rien à voir.
Immanquablement, cette histoire parlera aux amateurs des Aventures du Lieutenant Blueberry (La Longue Marche) ou des films de
John Ford (Les Cheyennes).
Avec
La dernière frontière, Fast envoie un pavé politique à la face d'un pays amnésique, occupé à ré-écrire sa pourtant récente histoire.
En rappelant cette histoire vraie, Fast offre un manifeste humaniste qui met à bas la propagande des vainqueurs cherchant à diaboliser un peuple qui n'aspirait plus qu'à la paix et la dignité.
On se prend à soutenir sans réserve (si on peut dire), ces Indiens qui, sans violence, ont ridiculisé ces compagnies de soldats arrogants, rappelant que les sauvages n'étaient pas forcément ceux qui étaient désignés comme tels. D'ailleurs, le récit délaisse tout folklore, les Indiens se caractérisant surtout par des préoccupations communes à tous les êtres humains autour de la survie et de la protection des familles.
Bien sûr, les convictions politiques d'
Howard Fast autorisent un second niveau de lecture. C'est bien un système colonial qui est visé ici avec son cortège de racisme, d'accaparement des richesses et de mépris.
Un livre puissant et utile à l'heure où tant de vérités alternatives envahissent le paysage.