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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Encore un Faulkner... j'entends déjà les lecteurs de mes critiques (oui oui j'ai mes fidèles j'en suis sûr... ) se plaindre "Il va encore nous parler du courant de conscience, nous dire à quel point c'est magnifique et comment c'est maîtrisé, même si c'est compliqué à suivre et que c'est encore meilleur justement parce que c'est compliqué... Toujours aussi élitiste ce Meps..."

Alors... oui, en effet... courant de conscience, lecture qui demande une certaine concentration... mais moins que d'habitude... Parce que cet Intrus est étrange dans la bibliographie du maître (remarquez du coup comment le titre est bien choisi). Faulkner le décrivait comme un polar et il en a en effet les caractéristiques, et notamment une intrigue qu'on parvient à peu près à suivre avec un début, un milieu, une fin, ce qui est quand même pas si courant pour un Faulkner.

Le livre, paru après une longue période sans roman, semble clôturer la série des romans phares de l'auteur que sont le Bruit et la fureur, Sanctuaire ou Lumière d'août, et précède la fin de la trilogie des Snopes, Parabole ou Les Larrons qui cherchent d'autres clés, dans une narration plus simple pour Les Snopes et Les Larrons, dans une fuite loin du Sud Américain avec l'escapade française de Parabole.

Ici on est bien dans le comté fictif de Yoknapatawpha, dans le Sud américain que Faulkner revendique, dont il est fier d'être issu. Et certaines diatribes du roman sont d'ailleurs directement adressées à ce Nord qui déteste ce même Sud. Et pourtant, le roman est surtout un plaidoyer contre le racisme, qui oblige le Sud à regarder en face son histoire et à l'assumer pleinement. Faulkner ne s'est jamais caché du racisme des gens parmi lesquels il a grandi, et la plupart de ses romans décrivent bien ce pays d'après l'abolition où rien n'est réglé, où les Noirs sont toujours considérés comme des sous-hommes, où la moindre goutte de sang noir est prétexte à une condamnation perpétuelle. Cette description juste du monde de Faulkner a fini même par faire douter certains et par faire sous-entendre un racisme latent chez l'auteur. Ce roman est la plus belle des réponses et clarifie particulièrement la pensée de l'auteur (ce qui fait évidemment là aussi toute son originalité). Par la bouche de son personnage récurrent d'avocat Gavin Stevens, Faulkner accuse et défend tout à la fois son Sud, demandant juste qu'on le laisse régler seul ses comptes avec son histoire et qu'on lui laisse le temps de reconnaitre d'abord ses fautes puis de s'amender.

Le personnage du neveu Charles est également très riche, grandi dans ce Sud mais dont la jeunesse (16 ans à peine) l'amène à tout questionner, tout remettre à plat. Sans oublier Lucas, le Noir à la position sociale privilégiée qui confronte ainsi tous ces gens à ce qu'ils ne peuvent accepter, cette égalité si complexe à envisager pour des gens ayant connu toute la période de l'esclavage.

La narration est forte, les moments de tension face à ce peuple qui demande vengeance et lynchage sont impressionnants, avec cette Place de la ville théâtre de tous les retournements. Une expérience particulière, avec des moments où on se plonge avec délice dans un Faulkner comme on les connait, et des moments où la forme nous déstabilise plus. Déstabilisé par une forme de simplicité qui nous sort de l'inconfort habituel, le maître nous aura tellement habitués à être perdus qu'on lui reprocherait presque de nous baliser le chemin, un comble finalement, qui clôture d'autant mieux cette partie de l'oeuvre faulknerienne.
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Qu'arrivait-il dans les années vingt dans le Mississipi à un noir arrêté arme en main avec à ses pieds le corps d'un blanc abattu d'une balle dans le dos ?
Surtout quand la victime est de la tribue des Gowrie. Toute la ville s'attend à un lynchage, une pendaison ou même l'utilisation d'un simple bidon d'essence. Heureusement pour Lucas Beauchamp demain c'est le sabbat et il gagne quelques heures de vie.
Quand Charlie avait 12 ans Lucas lui a sauvé la mise, il était passé à travers la glace d'une rivière gelée. Charlie sentant une dette peser sur sa conscience a eu un peu plus tard un geste qu'aujourd'hui encore il regrette, faisant ce qu'on attend d'un blanc vis à vis d'un noir.
Aussi aujourd'hui quand Lucas Beauchamp dit ne pas être l'auteur du meurtre et pour le prouver lui demande d'aller tout simplement déterrer la victime, Charlie se sent obligé d'obéir.
Il va trouver de l'aide auprès de la vieille Miss Habersham qui fournit véhicule, pelle et pioche !
Lucas Beauchamp n'est pas un noir ordinaire et avec ce personnage c'est tout le talent de Faulkner qui s'impose.

Lucas est le prototype du nègre qui ne s'incline pas devant les blancs, qui n'enlève pas son chapeau, ne remercie pas, ne plie pas le genou, bref même de l'avis des autres noirs qui eux font ce que l'on attend d'eux c'est à dire endurer et survivre.
L'intrigue est on ne peut plus simple mais elle est magnifiée par le talent de Faulkner et comme moi je pense vous serez admiratif du retournement qui se produit entre la première scène, celle du sauvetage de Charlie Mollison et la scène finale.

Dès le début on se perd dans ses digressions, ses parenthèses, ses incises. On suit le monologue intérieur de Charlie, fil rouge du roman, son sentiment de culpabilité, son besoin de payer sa dette, il est intelligent et fier mais sait déjà que les blancs, les petits fermiers autour de lui, se font une autre idée de la justice et du droit et Gavin Stevens son oncle juge et attorney n'est pas exempt des mêmes préjugés.
Si vous aimez Virginia Woolf vous êtes déjà initié au flux de conscience, Faulkner est dans le même registre avec une dureté beaucoup plus prégnante et une permanence parfois déroutante. Les retours en arrière ne sont pas signalés alors on se perd parfois en route mais un coup de rétroviseur et l'on retrouve le bon chemin.

Ce roman initiatique splendide que Faulkner écrit à la veille d'être couronné par le Nobel est une bonne façon d'entrer dans son univers pas toujours simple d'accès, beaucoup plus facilement que ses grands romans qui peuvent décourager plus d'un lecteur.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Ce roman parut après six années sans publication importante de Faulkner. Si les milieux littéraires lui avaient accordé les honneurs, son oeuvre était un échec commercial. Pour combler ses dettes et pouvoir vivre, il avait signé un contrat à Hollywood avec la Warner. Et la sortie de L'intrus dans la poussière fut un succès éditorial inespéré, avec également une adaptation pour le cinéma. Ce n'est pourtant pas le meilleur roman de Faulkner, mais on sait que le succès public ne s'accorde que très rarement avec les chefs d'oeuvre littéraires...
C'est très certainement la trame policière de l'intrigue mettant en avant le problème du lynchage des Noirs dans les États du sud qui reçut les faveurs du public.
On retrouve dans ce roman toute la richesse stylistique de Faulkner: phrases à rallonge pouvant couvrir une page, jeu sur la pluralité des niveaux narratifs (un narrateur raconte ce qu'un autre narrateur racontait) et les emboîtements de situations temporelles différentes.
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Décevant... difficile de croire que Faulkner était considéré, il y a encore si peu de temps, comme l'un des plus grands virtuoses de l'écriture.

L'Intrus, malgré un synopsis engageant, n'a pas su me mener plus loin qu'au deuxième chapitre. Un récit décousu et peuplé de bien trop de personnages à peine décrits, un univers confus et ennuyeux... bref, j'ai eu très vite la sensation de m'engluer dans une lecture diffuse et inutile et n'ai pas jugé bon de poursuivre au-delà.
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L'Intrus, William Faulkner, Folio, trad. R.N. Raimbault revu par M. Gresset

Relire Faulkner. L'esprit du temps en France, avec ses affres, ses exaspérations, ses certitudes et ses polémiques y invitent.

Faulkner, c'est évidemment le grand écrivain du Sud des Etats-Unis, le Sud de l'esclavage, des confédérés, de la ségrégation. L'Intrus, c'est Lucas Beauchamp, un fermier noir qui a un peu de sang blanc dans les veines, qui se laisse surprendre, une arme à la main, devant le cadavre d'un jeune bûcheron blanc, tué d'une balle dans le dos, se laisse arrêter sans dire un mot, tant il est convaincu que chacun, les Blancs et les Noirs savent à quoi s'en tenir, et qui se sait promis au lynchage, une fois la victime enterrée. Pour l'heure, en cellule dans le poste de police du shérif, il peut recevoir des visites, refuse l'aide d'un avocat mais demande à un jeune Blanc, qu'il a sauvé jadis de la noyade, d'aller vérifier par quel type d'arme la victime a été tuée. Charles, seize ans, un Blanc ordinaire, très « sudiste », un compagnon noir de son âge et une vieille fille, Miss Habersham qui avait été élevée au sein par une esclave, mère de celle qui allait devenir l'épouse de le l'accusé, partent à la nuit déterrer le corps de la victime.

La tension du livre, c'est cette course de vitesse entre cette aberrante initiative (profaner la tombe d'un Blanc pour innocenter un Noir) et le lynchage annoncé.

Tension que décuple le style si particulier de Faulkner, fait de digressions, de monologues intérieurs, de parenthèses, de parenthèses dans la parenthèse, de flou entretenu sur l'identité du locuteur. Il faut, en le lisant, parfois s'y prendre à plusieurs reprises pour comprendre ou vérifier qu'on a bien compris de qui il est question, qui parle ou qui songe. C'est terriblement irritant, on croit que cela nuit à la lecture, que cela nous ralentit, et c'est tout le contraire : on s'y enfonce comme dans sables mouvants, on s'y ensevelit, puis on respire à nouveau, un peu rasséréné, pas pour très longtemps. Dans Faulkner, on avance pas à pas, comme à l'aveugle, les bras tendus devant soi, de peur de trébucher. Et cette crainte que distille le style crée un inouï plaisir de lecture, terriblement addictif. Surtout quand la tension narrative est à son comble.

Son propos, bien sûr, c'est le Sud de la ségrégation. le Sud quoi.... Les Noirs du comté que l'on ne voit plus – qui disparaissent littéralement- quand l'un d'eux est promis au lynchage tant ils redoutent les dégâts collatéraux, les débordements de haine et de racisme de la foule. Les Blancs qui s'apprêtent au lynchage comme à des préparatifs de grande fête de village. Les Blancs qui ne supportent pas qu'un «  nègre ne se comporte pas comme un nègre », qui pensent que les Noirs puent «  sans jamais une seule fois réfléchir ni examiner si, par hasard, cette odeur n'était pas en réalité, non pas celle d'une race, non pas même positivement celle de la pauvreté, mais peut-être celle d'une condition : une idée : une croyance : une acceptation passive par eux-mêmes de l'idée que, par le fait d'être des Noirs, ils n'étaient pas censés avoir le goût de se laver convenablement ni souvent et de prendre fréquemment des bains, et que, en réalité, on devait quelque peu préférer qu'ils ne le fissent pas. »

Un Sud de la ségrégation et du racisme décrit avec une grande lucidité, mais, au fond, sans condamnation. C'est là le tour de passe-passe de Faulkner. Faulkner, dont une grande partie de l'oeuvre nous dit que l'esclavage fut pour le Sud une damnation, nous dit aussi que le Sud doit seul se rédempter. Sans l'aide de quiconque et en tout cas pas celle du Nord. Avec ses seules forces, les forces d'une nation «  homogène », celle d'un Sud flétri par l'esclavage, où Blancs et Noirs, à le suivre, auraient eu sinon la même part du moins partagé un même destin, un Sud qui souhaite défendre «  le privilège de se libérer nous-mêmes » .

Edouard Glissant, le poète antillais, grand admirateur de l'auteur, l 'écrit ainsi dans un merveilleux livre (« Faulkner, Mississi, Folio essais) : «  Tout se fait comme si pour lui la tare de l'esclavage était une souffrance morale, disons de l'Etre, une déchéance indélébile, beaucoup plus folle à porter que la souffrance physique de l'oppression et de la misère ».

Au fond, pour Faulkner le Blanc esclavagiste est plus à plaindre que l'esclave noir. La damnation poursuit le premier ; la victime, elle, en est épargnée. « L'Intrus », son roman, ne dit pas autre chose.

L'Intrus est paru en 1948. Ce livre, sans doute courageux (les lynchages cesseront dans le Sud à la fin des années 40, mais on en compte encore en 1955 au Mississippi  et la ségrégation persistera, en doit, jusqu'en 1964  et en fait jusqu'à la fin des années 60) est cependant tout sauf un manifeste anti-raciste comme on aimerait qu'il le fût. Faulkner donne, sans doute sincèrement, des gages à L Histoire qui se fait, mais reste fidèle à son Sud profond, comme un Albert Camus embarrassé pendant la guerre d'Algérie.

Un immense livre, très éclairant pour quelques débats de notre temps. Dont on peut ne pas partager la vision. Mais ce déchirement d'une conscience inquiète, entre dénonciation du crime et fidélité à la terre où il fut perpétré, politiquement insupportable, est humainement bouleversant. Et littérairement, très puissant.
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L'histoire est plutôt banale de prime abord dans le contexte du Sud : un noir est coupable parce qu'il est noir. Mais cet homme effronté a l'audace de refuser de se plier aux conventions sociales de son époque et de son milieu. le bon noir souffre en silence et accepte humblement le statut qui lui est imposé par le blanc. Pas Lucas, héros malgré lui de ce roman, fier, insolent, presque hautain ; il est le grain de sable dans la machine sclérosée de cette société raciste. Faulkner dénonce pêle-mêle le conformisme de chaque communauté, la passivité des noirs devant l'injustice, la politique fédérale qui ignore la réalité des mentalités, la lâcheté et de la bêtise des paysans blancs. Ce qui fait l'originalité de ce réquisitoire, c'est avant tout la peinture de ce sud portée par l'écriture faulknérienne. J'adore ces phrases qui ne finissent jamais, ce rythme lent qui emporte tout, cette musique lancinante, ce ton tour à tour grave, caustique ou burlesque. Ce style unique, reconnaissable entre mille, envoute pour peu qu'on veuille bien se laisser porter par le flux labyrinthique des mots. Et je me suis laissé porter et envouter.
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L' INTRUS de WILLIAM FAULKNER
Lucas Beauchamp est l'intrus, noir on le trouve armé près du cadavre d'un bûcheron, blanc, 2 minutes après un coup de feu. On est dans le Mississippi, le lynchage est annoncé. de la prison ( par miracle, on n'a pas eu le temps de le lyncher, il y avait une fête !) Lucas signale à un jeune garçon que ce n'est pas le calibre de son arme qui a tué le bûcheron. À partir de là, l'improbable va se mettre en branle. Charles le garçon, blanc, va contacter un copain de son âge, noir, et contacter Miss Habersham, blanche, qui a été élevée au même sein que la mère de Lucas, noire.
On va déterrer des cadavres, chercher des preuves et vite, car personne n'a oublié qu'il fallait lyncher Lucas. Les rebondissements vont se succéder dans une nuit de folie où vont naître des êtres courageux ( très peu) et un fonds d'espoir en la justice.
Un roman dans lequel Faulkner se dévoile plus que dans tout autre, les blancs sont bêtes, incultes, méchants, racistes et haineux, les noirs sont lâches et veules, ils ne bougeront pas pour aider Lucas. C'est un univers désespérant en pleine ségrégation, on lynchait encore au milieu des années 50 au Mississippi, c'est un des grands textes de Faulkner, qui dans sa langue âpre et tarabiscoté nous raconte son Sud, sa souffrance, ce péché, cette tâche originelle.
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L'intrus n'est pas son plus grand roman, ni le plus facile à aborder, mais j'éprouve toujours le même plaisir à me laisser emporter par les phrases de Faulkner
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