Trois pépins du fruit des morts

Après avoir découvert Estelle Faye, je continue mon exploration des jeunes auteures de fantasy française avec Mélanie Fazi, et je suis à nouveau bluffée par un tel talent, une telle délicatesse d'écriture.

Ce livre nous raconte l'histoire d'Annabelle, une jeune adolescente qui disparaît brusquement. Lorsqu'elle rentre chez elle deux semaines plus tard, elle ne révèle à personne ce qui lui est arrivé, mais apparaît subtilement différente. Les changements qui s'opèrent en elle sont-ils la marque d'un profond trouble psychologique, ou est-elle réellement en train de devenir immortelle, comme le lui a promis Perséphone ?

La première chose que l'on peut dire, c'est que ce roman prend son temps, la première partie se contentant pour une grande part d'installer une ambiance froide et mélancolique. J'ai pour ma part trouvé ce rythme lent tout à fait fascinant, laissant petit à petit monter l'émotion, mais je conçois tout à fait que ce ne soit pas au goût de tout le monde.

Pourtant, cette lenteur est parfaitement adaptée à l'histoire. Les révélations arrivent par petites touches, alternant entre les points de vue d'Annabelle et de sa mère, puis de la mystérieuse Kyra. Et malgré tout, la subtilité de l'écriture des personnages laisse planer le doute quasiment jusqu'à la fin. Rêve ou réalité, dépression ou manipulation, il est très difficile d'avoir la moindre certitude, les émotions et les réactions de chacun étant écrites avec suffisamment de délicatesse pour être crédibles dans toutes les situations envisagées.

De même, si les mythes grecs tiennent une place importante dans le récit, cela apparaît petit à petit de manière à s'intégrer à l'histoire de façon logique. A aucun moment on ne met en doute leur réalité, ou du moins le fait que ce soit réel dans l'esprit d'Annabelle.

Bref, je suis ravie d'avoir découvert ce livre, qui a reçu le prix Merlin en 2004, et je ne peux que vous encourager à découvrir cette talentueuse plume française. Si j'aime beaucoup les auteurs anglo-saxons, je suis épatée par la capacité d'Estelle Faye et de Mélanie Fazi, et sans doute d'autres que je ne connais pas encore, à renouveler le genre en inventant un nouveau style et de nouvelles ambiances, tout en contemplation et en poésie.

Challenge Petits Plaisirs 2014-2015
Challenge Variétés 2015

Découpé en 4 parties : « Première neige », « Floraison », « Renaissance », « Cantique du givre », le roman s'inscrit dans un cycle saisonnier. le début du livre ou Maria, -mère célibataire-, cherche sa fille est agréable à lire, il y a un léger suspense qui m'a beaucoup plus. Ou est Annabelle ? Qui est-elle ? Que fait-elle ? Reviendra t-elle ? On éprouve pour cette mère une empathie immédiate grâce à l'écriture et à la description de ces quinze jours sans sa fille... Son retour va marquer un entremêlement des récits entre Kyra (qu'elle rencontre lors de sa disparition) et Annabelle. Puis sans crier gare, son retour marque un long passage sur la mythologie des dieux de l'Olympe et de sa rencontre avec Kira. de par ses origines grecques et étant la seule de sa famille a porté un nom grec, la mythologie l'a toujours passionnée depuis petite, peuplant son imaginaire à travers les récits de son enfance. Si on n'est pas spécialement attiré par la mythologie, les monologues de Kyra sont ennuyeux et longs, ils regorgent de personnages aux histoires extraordinaires, qui distillent ses anciennes vies, ses abandons, ses choix, son émancipation… (De quitter sa mère et son époux pour être enfin libre). Ensuite le récit est axé sur les nouvelles perceptions d'Anna, (puisqu'elle souhaite qu'on l'appelle comme ça suite à son passage dans le jardin de Kira) : devient-elle inhumaine suite à l'ingestion des pépins de grenade ? Elle tente tant bien que mal de dompter le sommeil par des réveils très tôt et des nuits blanches, refuse de s'alimenter, ne veut plus manger avec sa mère et commets des petits larcins. (Vols à l'étalage, vols à sa propre mère, mensonges…). Dés le départ de l'histoire, la soeur de Maria, -Eleni- m'ont paru plus proches dés lors des changements d'Anna et j'ai le sentiment que leur relation s'intensifie tout au long du roman. (Coups de téléphone fréquents, conseils sur l'éducation des enfants, propositions de sorties pour qu'Anna arrête de s'enfermer sans cesse dans sa chambre…). Fin inattendue et ouverte…
Pour conclure, Je ne pense pas que ce soit le meilleur livre qui traite du difficile passage de l'adolescence.
La fin ouverte, laisse libre cours au lecteur…Est-ce un rêve, est-ce le réel ?

J'ai d'abord connu les écrits de Mélanie Fazi sous forme courte. Novelliste, et de talent, sa plume m'avait frappée par sa façon d'amener, à petites touches, l'air de rien, une vague d'émotions qui attendait la fin du récit pour vous frapper comme un raz-de-marée. Une façon d'écrire dans le genre fantastique qui mêle douceur et poing dans la face – douceur tout le long, et puis vlam ! Sans prévenir, lecteur KO – et ravi, d'être chamboulé ainsi, touché, ému. Avec Trois pépins du fruit des morts, son premier roman, j'ai retrouvé avec bonheur cette patte.

Si vous n'aimez pas les rythmes lents, les intrigues qui prennent leur temps pour s'installer, inutile d'ouvrir les pages de cet ouvrage. Car dans Trois pépins du fruit des morts, l'action se déroule à son rythme, lentement, en accord avec la danse mélancolique et ralentie des flocons. La saison froide étant un symbole clé dans l'histoire, ce rythme lent se prête parfaitement à plonger le lecteur dans l'ambiance. Pourquoi l'hiver ? C'est durant cette saison qu'Annabelle disparaît. Et, dans le mythe de l'enlèvement de Perséphone par Hadès, c'est son séjour sous terre qui provoque l'hiver, la mère de Perséphone étant désespérée par la disparition de sa fille, mère qui est déesse des moissons. le rythme des saisons, avec la bascule entre hiver et printemps, est aussi un axe de lecture important, Annabelle entrant comme en germination durant les saisons chaudes, attendant l'hiver, à l'inverse des plantes chéries par sa mère.

On le voit, la mythologie tient une place importante dans le récit et pourtant elle n'apparaît pas au premier abord.[Lire la suite de la critique sur le site de la Lune Mauve]
Lien : http://www.lalunemauve.fr/ec..

Une intime et redoutable actualisation du mythe de Perséphone.

Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/04/27/note-de-lecture-trois-pepins-du-fruit-des-morts-melanie-fazi/