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Le Dit de Frontier tome 1 sur 1

Frédérique Berton (Illustrateur)
EAN : 9782913939479
314 pages
Oxymore Edition (15/11/2004)
4.68/5   53 notes
Résumé :
Début des années 2000... des enfants "différents" apparaissent dans des familles humaines. Doués de physiques et de pouvoirs étonnants, ils sont très vite assimilés aux changelings, les enfants-fées, et soupçonnés d'avoir été laissés en substitut des véritables enfants mortels. Commence alors une cabale sans précédent, aboutissant à l'abandon en masse de ces enfants dans des Centres, prisons et mouroirs gérés d'une poigne de fer. De cette génération perdue, et sous ... >Voir plus
Que lire après Le Dit de Frontier, Tome 1 : Musiques de la frontièreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Gros coup de coeur pour ce recueil de nouvelles d'urban fantasy.

De nos jours, naissent des enfants différents qui en grandissant portent des marques physiques détonantes. Plus grands, le visage au traits félins et une pratique de la magie à divers degrés en font bien vite des aberrations aux yeux de la majorité des hommes. Traités comme des animaux, enfermés dans des centres ou condamnés à se cacher et à vivre de menues rapines, ces enfants devenus adolescents vont trouver en la personne de Shade, un meneur singulier. Commence alors pour eux un exode vers une terre promise : Frontier, le territoire des enfants Fae.

Sur plusieurs nouvelles, Léa Silhol tisse la genèse de Frontier, la ville, le territoire, le refuge ou encore le rêve de ces jeunes, selon chacune des histoires qui nous sont contées.
Elle emprunte au folklore du Petit Peuple, à la religion, au shamanisme et aux combats des minorités pour créer sa propre mythologie.
Parce qu'ils sont une nouvelle minorité au sein de la race humaine, ces enfants différents se verront attribués de nombreux noms : les changelings, Fae, coucou (en référence à l'oiseau qui utilise le nid d'autres oiseaux pour y laisser ses oeufs) mais tous auront la même connotation : l'étranger, la monstruosité.

La construction du recueil peut parfois dérouter car les histoires ne s'enchaînent pas de façon chronologique. Nous démarrons sur la route, par la fugue de deux enfants pour terminer au coeur de la cité mystique. En chemin, à travers les douze nouvelles qui composent le recueil, la conteuse nous montrera le destin de quelques-uns de ces « coucous ».
Et j'ai adoré. Je n'ai pas pu fermer le livre avant d'avoir dévoré chacune des nouvelles.

La plume de Léa Silhol est belle. Il est souvent difficile d'approfondir la psychologie des personnages sur le format nouvelle. Ici, l'auteure prêtera aux Faes une attitude froide, presque détachée. Ce sont leurs actions qui nous dévoileront leurs pensées. Pas d'introspection intérieure mais des non-dits et des vécus qui s'expriment dans les attitudes. La quatrième de couverture nous informe que Léa Silhol écrit au couteau et en cela, elle tranche dans le vif, le rythme ne faiblit pas, on sent dans les actions l'urgence de vivre.

On ne peut qu'adhérer au souffle de révolte et au rêve utopique de ces adolescents qui, loin de faire profil bas et de se soumettre au génocide annoncé, restent fiers et rebelles face à l'oppression.
Shade, Jay, Fallen et Ash, ne plieront pas en dépit des difficultés. Là où certains auteurs forcent le trait du pathétique sur la nature humaine, Léa Silhol évite l'écueil et nous donne à lire une histoire de survivants mais aussi d'humains qui refusent d'être des moutons et de condamner aveuglément un peuple. Elle mêle astucieusement, ci et là, quelques portraits d'hommes et de femmes qui vont choisir de dire non.
Ainsi, la jeune Need qui tourne le dos à ses parents et s'enfuit avec son petit frère jusqu'à trouver Frontier. Elle argumentera que ce qui les définit n'est pas qu'elle est humaine et lui un Fae mais qu'ils sont frère et soeur en premier lieu et que leur amour fraternel est la seule définition qui importe.
Certains personnages auront des actions plus discrètes mais tout aussi courageuses : une infirmière qui risque la perte de son emploi pour soigner un Fae, une jeune fille interrogée comme témoin qui refuse de dénoncer un Fae pour des actes qu'il n'a pas commis.

Dans ces histoires, ce sont l'humanité et la Faëry qui se confrontent mais également l'humanité qui se dévoile, toute en nuances, dans ce qu'elle a de plus abjecte mais aussi et surtout dans ce qu'elle a de plus beau. Loin des clichés sur l'oppression d'un peuple, l'auteure livre un recueil d'espoir, pour les Faes et pour l'homme.

J'ai lu son ouvrage d'une traite et me suis sentie triste, une fois la dernière page tournée, de devoir quitter cet univers. Il m'a été difficile d'écrire un avis sur ce recueil tant il a été vecteur d'émotions troubles.

Au moment de rédiger cette chronique, j'ai appris que l'auteure avait publié un roman « Possession Point » se situant dans le monde de Frontier dont l'histoire fait écho à une des nouvelles et leurs deux protagonistes Jay et Candle. Je suis ravie de pouvoir bientôt encore marcher sur le Seuil de Frontier.
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It seems no one can help me now
I'm in too deep
There's no way out
This time I have really led myself away
Soul Asylum - Runaway Train

Pénétrer l'Univers de Léa Silhol par la bonne porte d'entrée, celle de le Dit de Frontier est un billet aller simple. Pas moyen de sortir de ses profondeurs. Ma tentative de passer le seuil de la Trame par la porte Vertigen et le roman la Sève et le Givre a échouée, je n'avais alors pas toutes les clefs en main. Musiques de la Frontière - le Dit de Frontier 1 est le passe-partout. Ce recueil des nouvelles Runaway Train - Il ne neige pas à Frontier - Arcane 1 / le Magicien - Faire Surface - Comme une Balle - Encordés à la Nuit - La Ballade des Égarés - A Bout de Course - L'Encre, le Sang - Vado Mori - Voix de Sève - Comme marchent les Ombres, compile certes ces chroniques - dont il ne s'agit pas de leur première publication pour certaines - dans un désordre temporel comme les bribes d'un rêve, mais met l'Ami Lecteur sur la bonne voie, le mène sur ce chemin à sens unique, trop loin pour permettre à ceux qui croient aux fays de Faire Surface sans peine. 

I straight
I won't crack
On my way
And I can't turn back
I'm okay
I'm on track
On my way
And I can't turn back
I  stayed 
On this track
Gone too far
And I can't come back
I stayed
On this track
Lost my way 
Can't come back
NIN – Even deeper - morceau introductif de Il ne neige pas à Frontier.

Frontier, cité utopique du bord du monde des USA, offre « une vision d'une beauté presque douloureuse […] de ce qui pourrait être un monde idéal », est en ce XXIème siècle la Terre Promise des fays qui ne s'enfoncent pas Comme une Balle dans l'hiver froid et amer des affres de la persécution. Il ne neige pas à Frontier. 
Ce refuge s'appellerait dans un autre univers L'Institut Xavier, sauf qu'ici il ne s'agit pas d'une école mais d'une cité. Shade, meneur de la révolte des enfants fays, ces changelins qui grandissent mystérieusement au sein de familles humaines, ne fait pas pâle figure face au Professeur. Les pouvoirs des fays peuvent être tout aussi terrifiants que des griffes rétractiles, qu'une vision à énergie cinétique, ou autres contrôles du métal et des pensées. Les bads fays, autrement appelées coucous, effraient et mènent ce même combat pour leur acceptation, leur liberté d'être et de vivre, dans les rues, Encordés à la Nuit, guns gravés de runes à la ceinture. 

Look
If you had 
One shot
Or one opportunity
To seize everything you ever wanted 
In one moment
Would you capture it 
Or just let it slip ?
Eminem – Lose yourself, morceau qui résonne Comme une Balle dans cette nouvelle.

Les fays ont su saisir leur chance. Prêts à tous les sacrifices, qui prennent des airs de Vado Mori ou de Ballade des Egarés, ils font couler L'Encre, le Sang,  dans et sur leur peau, pour A Bout de Course sortir de la noirceur de ce monde conformiste et trouver la paix à Frontier.

Léa Silhol nous conte une utopie enchanteresse qui fait du bien, regorgeant de personnages inoubliables et d'idées époustouflantes. Son Univers bastonne, est sombre et mélancolique, empreint d'onirisme, de magie, de poésie, empli d'espoir… et de Musiques. Les morceaux qui ont accompagné l'auteur dans son écriture ont sonné sans fausse note à mon oreille, les Voix de Sève de David Bowie, de Trent Reznor (dans un Juke Box!) ou encore d'Amy Lee ont fait l'effet d'un baume sur mon âme écorchée par ce monde intolérant et intolérable.
Un seul regret, celui de ne pas avoir pu imprégner plus profondément ma lecture avec la bande son composée par PFR, qui complète une édition "fission" limitée. Un autre membre du gang des éditions l'Oxymore est présent dans cette édition, Natacha Giordano signe une postface remarquable qui donne les clefs du vaste Univers, et permet d'apprécier l'ampleur du travail et le talent immense de l'auteur, le Magicien.

Léa Silhol et les siens signent désormais leur travail sous le label Nitchevo Factory, dont le grand chantier est la réédition des ouvrages de l'auteur. Une qualité de fabrication à la hauteur de l'ampleur de la tâche, titanesque, avec des couvertures signées Dorian Machecourt de toute beauté.

A voler trop Près des Nids de Coucous (titre de la postface) on finit Comme Marchent les Ombres par demeurer à jamais sur le Seuil de la porte de l'Univers exceptionnel d'une véritable Fay. Je vais poursuivre mon chemin avec le tome 2, le roman Possession Point, et retrouver les douloureux amants Jay et Anis. Dans l'attente du troisième opus, Burn, en cours d'écriture, je vais quitter les USA pour le Japon et poursuivre la piste de fays, celles-ci, mangaka/samouraïs, dans le cycle de 4 tomes Seppenko Monogatari. Je prendrai des chemins de Traverses mais je m'en reviendrai toujours à cette symphonie littéraire qui brûle désormais dans mes veines.
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Le recueil de Frontière se lit – se vit – comme une course effrénée, un élan, une impulsion. C'est le délice douloureux du corps poussé à bout, des souffles de forge depuis des poumons en feu et de la tension dans les muscles. La frénésie, l'urgence, l'obsession. Une mission qui enflamme toutes les passions. Une chimère folle au goût d'absolu, un désir souverain qui justifie tout. Une telle volonté ne peut que donner naissance qu'à des individualités trop fortes pour accepter les compromis, des individualités trop entières pour ne pas être vraies, dans tous les sens possibles.
Ainsi sont-ils. Mus par une poussée unique, une même révolte, une cause partagée. Ils refusent l'oppression, sans concession aucune, et s'en vont en croisade avec des chants de guerre, réunis dans une clameur unique. Sans plus de regard en arrière, faisant face à l'avenir, leur fierté comme une couronne sur leurs têtes hautes. Vifs comme des couteaux, aussi éblouissants que la lumière sur les lames sorties de leur fourreau, et tout aussi meurtriers : les regards sont acérés, les gestes sont incisifs et les paroles tranchantes. Les mots du recueil ne sont qu'une arme supplémentaire mise à leur contribution ; chaque phrase est aiguisée et ne laisse de place qu'à l'émotion mise à nue, qu'à une sensibilité à fleur de peau. A quelque chose d'instinctif et de primal, de primordial en nous. Nulle pitié ici, non, jamais. Mais une juste colère, qui vient alimenter leur feu. Dents et poings serrés, on se lève, on les rejoint. Courant avec la meute. Pour combattre pour nos droits, pour défendre nos rêves.

Et tout défile dans cette ruée éperdue : les rails à la symétrie fascinante et la toile qu'elles tissent, les routes perdues et poussiéreuses brûlant sous le soleil, les allées enfumées des villes-labyrinthes. Faisant fi des barrages des voitures de police, des murs des prisons, des entraves de fer. Sur un même rythme, que l'on soit proie ou chasseur. de page en page, de foulée en foulée, de vie en vie. A travers le feu et l'eau, à travers les yeux des Fay et des « reg(ular)s », à travers son propre reflet et le miroir de l'autre – deux à deux, toujours, parce que c'est par la confrontation – la différence – que les choses se révèlent. Car c'est aussi cela, Frontière : des histoires de liens. Ceux que l'on tisse, ceux qui nous enchainent. Ténus parfois peut-être, mais d'une force invisible résistant jusqu'au Temps. Les fils d'Ariadne dans les dédales de nos vies, les trames des destinées enchevêtrées. le fil (le cheveu) pour recoudre la plaie, qu'elle soit sur le corps ou dans l'âme. La loyauté, donc, et son prix. L'acte de foi. L'abandon. Être capable de tout donner et risquer de tout perdre, parce qu'il y a bien plus encore à gagner : la liberté, la réponse à son existence et l'amour, sous toutes ses formes. Et la Féérie est là. Sur la peau, sous la peau (l'aiguille, le tatouage, son motif). Dans les coeurs. Elle est bien là. Elle s'exprime simplement à l'intérieur, dans le langage silencieux qui est le sien, flocons de neige au mitan de l'été.
« Ce qui fait de nous des frères, ce n'est ni le sang versé, ni le sang partagé. C'est l'amour. Tu ne le savais pas ? » (Runaway Train, p.28)

A bout de souffle, à bout de course, il convient peut-être de s'arrêter un court instant. le temps de perdre et de retrouver tout à la fois sa respiration, de laisser l'oxygène se frayer un chemin et de tout emplir. de sortir la tête de l'eau lorsque les poumons n'en peuvent plus et brûlent de tout ce vide quand le coeur éclate sous tout ce plein. de savourer sa fatigue et sa faiblesse. Ca gonfle à faire mal, empêchant l'air de passer par une gorge nouée, oppressé sous tout ce qui n'a jamais été dit, sous tout ce qui a dû être ravalé par trop de fois.
Frontier. Que l'on n'ose toucher du bout des doigts, en une caresse évanescente, amoureuse. Une offre absurde et pourtant si simple, de celle à laquelle on n'osait plus croire tant les espoirs portés sont grands - lourds de sentiments refoulés, d'une force violente qui tournait et retournait. La réponse aux prières muettes formulées dans nos rêves. L'invitation à un Ailleurs et à toutes ces choses auxquelles on n'a jamais vraiment su renoncer dans le secret de notre âme. Comme une justification toujours attendue, une confirmation, une reconnaissance.
Les épaules tombantes, l'on croit alors lâcher un soupir de soulagement et c'est avec stupéfaction que montent à nos oreilles le lied d'un sanglot étranglé.
« Quand tu es là, je me sens comme une gosse. Et ça fait mal, Blue, ça fait mal. Ces temps sont loin. Laissons-les reposer en paix.
— Ils ne peuvent pas être en paix. Ils sont vivants là-dessous.
[...] Et moi aussi, petit frère, moi aussi je suis toujours vivante là-dessous ; qui aurait pu le croire ? » (Faire surface, p.66)
La reconnaissance, oui. de tout ce qui a été vécu. de la source de nos joies et de la morsure de nos souffrances. Enfin.

Frontier et ses fay.
Frémissements à la surface de l'eau vive de nos âmes tenues au silence.
Echo de quelque chose qui se brise à l'intérieur de nous.
Beauté ineffable, dont la contemplation seule est une brûlure ; une chaleur propre à faire fondre la glace qui emprisonne nos coeurs engourdis par le froid. C'est là que git l'invitation, que retentit l'appel, que monte l'adrénaline. Les battements indiquent le chemin de retour, la route à suivre pour rentrer. Rappelle à notre souvenir qui nous sommes, ce à quoi nous aspirons. Nous rend à nous-mêmes.
Alors nous éclatons de rire. Pris de vertige, ravagés, désespérés presque. Pris de fièvre, ivres de leur vin des rêves. Un besoin irrépressible se met à courir dans tout notre corps, à travers les sentiers de nos veines, plus fort à chaque page - à chaque pulsation. Une soif impossible, une extase lancinante, une exaltation impérieuse. Une douleur tellement pure qu'elle en devient un plaisir.
Nous sommes là, au bord du monde, à la limite de tout. le souffle court, prisonnier. La voix, perdue à jamais. Les yeux immenses, noyés de larmes dérisoires, irrépressibles. Renaissant à cette vision difficile à endurer, sous un nouveau nom, lavés de tout, libres. Libres et entiers.
Et nous nous élançons.
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Premier tome du Dit de Frontier. Ce roman choral reprend et développe le thème et la symbolique de la frontière, du seuil, des passages. Frontière entre fays et humains, toujours aussi nette, malgré un mélange (peu couronné de succès). Frontière entre monde réel et monde rêvé, Frontier, enjeu d'une quête comme celle de Seuil. Au-delà du passage vers "autre chose", il y a le chemin pour y accéder, le cheminement personnel, le dépassement et la compréhension de soi, l'acceptation. Et c'est surtout ça finalement, ce qui importe : plus que Frontier, c'est le chemin pour l'atteindre qui compte. Se pose toujours cette question : "et après… ?" Qui nous dit qu'une fois Frontier atteinte, ce sera aussi idéal que prévu ?

On retrouve ici, à travers les personnages (d'une beauté toujours aussi remarquable), les thématiques abordées, des traces de l'ancien temps, des correspondances, des échos, des jeux de miroir. On pourrait croire que musiques de la frontière est un palimpseste, et qu'en grattant un petit peu, on retrouverait des traces du récit épique de la suite majeure.

Ce roman choral ajoute cette touche musicale par sa construction; 12 nouvelles s'entremêlent, changent de voix, et l'on sait l'importance de la musique pour Léa Silhol et dans ce tome en particulier. Il propose un kaléidoscope de couleurs, de tons, d'atmosphères et de portraits, qui se succèdent comme des figures de cartes de tarot. Frontier est quelque chose de différent pour chacun des personnages; ce tome en est une déclinaison musicale et picturale.

Particulièrement remarquable aussi est la façon dont le langage de Léa Silhol crée et façonne. La suite majeure se caractérisait par un chant poétique, ossianique et sublime. Ici le texte se fait aussi rude, saccadé et tranché, que l'est son contexte contemporain, avec toute sa violence, urbaine, visible ou non, extérieure et intérieure. Tranchant comme une lame, dur comme l'acier : cette métaphore est filée tout au long du texte, et se retrouve dans le caractère des personnages, avares en paroles.

Ce texte d'urban fantasy planque la magie (avec ses légendes, ses rites…) dans les sombres recoins de la ville, l'encercle dans la culture underground mal comprise et rejetée des fays, et dans la sphère personnelle et intime de chaque personnage.

Oui, j'aime énormément les oeuvres de Léa Silhol, je lis ses oeuvres doucement, je m'imprègne de leurs atmosphères, de leur langage magique, et je les relis aussi, pour en trouver d'autres sens, découvrir d'autres chemins.

Mon jugement pourrait ne pas être totalement objectif quand j'estime que cette oeuvre est un petit bijou littéraire. Mais quand même…
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L'autrice est dans un travail titanesque de reprise de ses textes, de réédition, et Musiques de la Frontière n'échappera pas à sa griffe (on ne peut que l'attendre, à nouveau).
J'ai lu ce recueil de nombreuses fois et j'ai toujours une impression différente à chaque fois, pourtant jamais je ne m'étais fendue d'un petit mot sur le site.
Je le fais aujourd'hui pour garder une trace et avoir un point de repère pour une n-ième relecture lors d'une nouvelle sortie prochaine.

J'aime ce recueil. Cet univers. Ces personnages mais également tout le reste, ce qui est sous-tendu, esquissé. Pourtant, j'ai, cette année, choisi de le relire à la suite de ma découverte de Possession Point et je dois dire que ce dernier a totalement éclipsé les Musiques dans mon coeur, au moins pour un temps. Mais c'est injuste.

Musiques est un recueil d'histoires individuelles qui, dans le désordre, vont nous conter Frontier et ce qu'elle représente. Pour les changelings et les humains, pour les premiers et les suivants.
A travers ces textes, on va toucher au coeur de la ville et des premiers. On côtoiera Shade comme jamais. On apprendra Gift et Hunter comme on ne le soupçonnerait pas dans Possession.
Des histoires individuelles, qui vivent pour elles seules, mais qui ont une force collective.

En refermant ce recueil l'autrice nous a tissé une réalité alternative pas si éloignée de notre quotidien. Une réalité où la différence blesse et peut tuer. Une réalité où il faut se battre pour conserver son identité, être et garder ce qu'on aime. Une réalité où le lâcher prise est parfois plus important que la lutte.

Ce recueil peut ne pas plaire à tout le monde, notamment par sa chronologie aléatoire, pourtant il est une présentation unique et parfaite de Frontier. Cette ville de Seuil esquissé par ailleurs.
Un incontournable pour les amateurs de LS et de ses créatures.

Lien : http://www.nyx-shadow.com/20..
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critiques presse (1)
Elbakin.net
09 mars 2016
On peut se contenter de cette urban fantasy intelligente et engagée, mais on peut aussi la relire et la relier à l’ensemble silholien pour découvrir une facette qui brille de mille feux.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
"Ils t'ont amené dans ce monde, et puis ils veulent te poser comme un paquet sur le seuil d'un Centre, et t'y oublier.
T'y oublier parce que tu n'es pas conforme à ce qu'ils souhaitent, à leur vie bien rangée, où les choses sont droites et les meubles collent aux murs. Une vie où les gamins ne grimpent pas aux arbres au milieu de la nuit pour regarder la lune, ni ne rient en écoutant les ruisseaux. Où leurs visages ne sont pas des énigmes impossibles à déchiffrer. Ta vie à toi, la mienne. Une vie de rires et de silences, de regards éloquents.
Comment peut-on décider qu'on n'appartient plus à quelqu'un, qu'un enfant qu'on a bercé cinq ans n'est plus notre enfant ? Parce qu'il se tait, parce qu'il écoute le vent, parce qu'il ne nous ressemble pas. Plus notre enfant...
Mais je suis à toi, moi, Gift, je suis à toi."

[Runaway Train]
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Elle a tourné le regard vers le matelas de Gift et elle l'a vu, couché en chien de fusil, ses yeux la fixant dans le noir, immenses. Elle a entendu, par dessus la respiration tranquille des filles du fermier et les bruits de vaisselle entrechoquée (bruit de glaçons ?) les voix de leurs hôtes. Sa voix à elle, irritée "Appeler la police... sans doute une fugue... parents" sa voix à lui, lasse ou indifférente : "Pas nos affaires... juste pour cette nuit".
Elle a fait signe à Gift, ils se sont glissés dehors par la fenêtre à guillotine. Quand parlent les glaçons, ils ont toujours le dernier mot. Ceux qui entendent quelque chose à ces choses savent qu'il ne faut pas leur laisser le temps d'être croqués, crissants, sous les dents des adultes. Ou de fondre dissous, rendus au néant. Comme l'amour.
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Il y avait un panneau sur la porte du snack-bar : interdit aux chiens et aux fay. J'ai considéré l'écriteau, hébétée, essayant de comprendre le pourquoi du monde. Jay, lui, a écrasé sa cigarette et est entré sans un mot.
J'ai avancé derrière lui, résignée. L'ai suivi de loin tandis qu'il s'avançait jusqu'au distributeur de cigarettes, à droite du bar.
Il a fallu environ trois minutes de parlotte aux cinq gars accoudés au comptoir pour décider de venir le foutre dehors. Dans l'intervalle Jay avait acheté un paquet de Lucky, fait crisser l'enveloppe cellophane dans un silence de crypte, marché jusqu'au Juke Box, et programmé un truc à son goût. La voix de Reznor [Trent- NIN] s'est élevée, semblant aussi peu à sa place que nous pouvions l'être.
[Vado Mori]
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A travers Seuil, à travers la société des fay, Léa Silhol livre une vision d'une beauté presque douloureuse et difficile à accepter [...] de ce qui pourrait être un monde idéal. On y trouve peu de technologie et un rapport intensifié à la nature, une expression de l'art et de la recherche du beau dans tous les gestes du quotidien, des individus qui vivent en groupe, mais qui respectent également la sphère d'intimité, le désir de solitude, les limites de chacun d'entre-eux. Un mélange réussi en somme entre l'instinct grégaire et l'individualisme. Chercher en soi l'homme de valeur, et le chercher - au lieu de le nier - chez l'autre, être sensible à la beauté, et en communion avec l'ensemble des autres êtres vivants, quelle que soit leur origine ethnique ou culturelle, ne considérer aucune aspiration comme trop grande ou inatteignable, voilà qui pourrait servir de base à une définition de ce qui permet d'être fay, d'échapper à l'étouffement de la normalité.
[Près des Nids de Coucous - postface de Natacha Giordano]
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Nous sommes autres, et différents, oui, mais nous ne sommes pas ce qu'ils croient. Aujourd'hui je dis : dépouillons-nous de notre parentèle, oublions nos voeux de vie ordinaire. Sortons de nos anciens noms comme de vêtements trop étroits, laissons derrière nous notre normalité. Puisqu'ils nous disent autres, prenons pour nous l'ancien nom qu'on donnait à la race à laquelle ils nous rattachent. Prenons le nom de fay.
[A Bout de Course]
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