Ce tome fait suite à Boiling point (épisodes 40 à 49). Il contient les épisodes 50 à 59, parus en 2003. Tous les scénarios sont de
Bruce Jones.
Épisodes 50 à 54 "Dark minds, dark hearts" (illustrations de
Mike Deodato) - Bruce Banner arrive dans une station service isolée au milieu de nulle part (en bordure d'une route quand même), tenue par une femme dénommée Nadia Dornova. Il est amené à la défendre contre un groupe d'ouvriers peu contents que la superette n'ait pas été réapprovisionnée en bières. Il séjourne quelques jours dans cette habitation isolée. À quelque distance de là, les Superviseurs 2 & 3 s'introduisent dans une base très secrète et très isolée, au milieu de canyons désertiques, pour recruter l'Abomination (Emil Blonsky). Ailleurs l'agent double Baxter a mis la main sur un DVD permettant d'identifier Mister Blue, le mystérieux informateur de Bruce Banner, via communication par courriel.
Coté histoire,
Bruce Jones continue sur sa lancée en privilégiant les ambiances, à la densité de l'intrigue. L'arrivée des Superviseurs S2 et S3 dans la base secrète fait l'objet d'une séquence de 4 pages sans texte à la fois un concentré des clichés propres à ce type de scène (la voiture qui arrive dans une zone désertique, les 2 intrus qui neutralisent les gardes, etc.), à la fois une séquence sans fioriture, sans digression. La scène suivante est tout aussi sèche et efficace : Bruce Banner descend d'un talus vers la station service, il achète des pantalons de la plus grande taille possible et il commande un Coca bien frais.
Comme il l'indique dans la postface, Jones a eu la chance de voir débarquer
Mike Deodato en remplacement de
Stuart Immonen pour les illustrations. Pour cette histoire, Deodato utilise un style assez réaliste, avec un encrage soutenu pour tous les individus normaux et les décors. Cette approche se marie très bien avec le scénario un peu décompressé qui fait la part belle aux non-dits pour indiquer que chaque protagoniste se déplace dans le flou dangereux des stratégies d'agents doubles ou triples. L'encrage soutenu permet de faire apparaître ces zones d'ombre dans les conversations, de rendre palpables ces moments de flottements où le personnage ne sait pas à qui se fier, où il doit avancer à l'aveugle.
En conservant ce même type d'encrage accentuant la présence de chaque personnage, il se lâche complètement pour l'interprétation graphique d'Hulk et de l'Abomination qui sont pour le coup vraiment "plus grands que nature". Deodato magnifie leur monstruosité et leur présence imposante. Visuellement, il redonne tout son sens à l'expression "combat de titans". Deodato s'avère l'illustrateur providentiel pour donner corps au scénario de Jones. Chaque individu dispose d'une présence incroyable sur la page, et les regards fuyants expriment tous les doutes et les calculs des uns et des autres. Quand la violence s'exprime, le lecteur a l'impression d'entendre les débris siffler à ses oreilles.
Du coup, le scénario décompressé de
Bruce Jones passe tout seul. Les poncifs tels que la manipulation d'Emil Blonsky par 2 factions différentes passent tous seuls. La bête tapie au fond d'une cellule démesurée dans la pénombre devient une menace très réelle. Et finalement ces organisations mystérieuses, avec un chef qui apparaît uniquement sous forme de lèvres sur un écran géant sont peu probables, mais très secondaires au regard du mouvement des pions sur l'échiquier. La révélation de l'identité de Mister Blue s'avère inintéressante au possible dans la mesure où il s'agit d'un personnage à la personnalité aussi épaisse qu'une feuille de papier, et dans la mesure où les machinations correspondantes sont totalement gratuites, sans réelles conséquences sur la confrontation entre ces 2 forces de la nature que sont Hulk et l'Abomination (oui, l'affrontement a bien lieu en bonne et due forme). Pour cette histoire,
Bruce Jones a de nouveau oublié de rappeler l'existence de Ricky Myers qui était pourtant un élément central de l'histoire précédente.
La mise en couleurs de Sutdio F est toujours aussi sophistiquée : à la fois dense, augmentant les reliefs, et intégrant des rappels de différentes nuances de vert dans chaque séquence. Cette histoire bénéficie également des 5 dernières couvertures réalisées par
Kaare Andrews. Dans la postface, il explique comment il a réalisé celle de l'épisode 50, et le lecteur découvre qu'il s'agit d'une activité beaucoup plus dangereuse qu'il n'y paraît.
Grâce à
Mike Deodato, l'intrigue peu consistante se transforme en un thriller au suspense insoutenable du début jusqu'à la fin. 5 étoiles.
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Épisodes 55 à 59 "Hide in plain sight" (illustrations de
Leandro Fernandez) - À la télévision, le docteur Zahn explique à une journaliste le principe du dispositif qui permet d'assurer l'incarcération d'Absorbing Man (Carl Creel) sans risque d'évasion. Par le plus grand des hasards arrivant de manière fort opportune, Bruce Banner croise Pamela
Grayson, la meilleure amie de Judith Laughton qui travaille avec le docteur Zahn. Judith va se suicider de manière aussi soudaine qu'improbable. Banner va recroiser Pamela par une coïncidence supplémentaire un peu difficile à avaler. Les responsables de l'installation secrète où est détenu Absorbing Man vont se rendre compte qu'il a trouvé une nouvelle manière d'utiliser ses pouvoirs.
Nouveau dessinateur, nouvelle intrigue, nouvel environnement.
Bruce Jones a extirpé Bruce Banner des zones désertiques pour le ramener dans une zone urbaine, sans raison clairement exposée. Cette intrigue a pour objectif de le confronter à un des ennemis classiques de la série Hulk. Jones refait le coup du choix des éléments de l'intrigue en fonction de ce qui l'arrange : du coup la mystérieuse organisation secrète et les Superviseurs sont aux abonnés absents, et toujours pas d'avancée sur le cas de Ricky Myers. Jones extrapole une possibilité d'utilisation inattendue des pouvoirs de Carl Creel pour un nouveau thriller à base fantastique. Il commence son récit par une double coïncidence fort arrangeante d'un point de vue narratif (les 2 rencontres de Banner avec Pamela
Grayson), ce qui déjà prend le lecteur à rebrousse-poil. Il utilise ensuite une dynamique à base du jeu du chat et de la souris entre Banner et Creel, qui devient vite laborieuse et peu crédible.
Il faut dire que pour cette histoire Jones n'est pas aidé par le choix du dessinateur :
Leandro Fernandez. Pourtant cette artiste a illustré plusieurs des histoires du Punisher MAX de
Garth Ennis de manière convaincante, que ce soit Kitchen Irish ou Up is down and black is white. Ici il utilise un style aux contours simplifié et aux expressions du visage exagérées, au point d'en devenir ridicules. du coup, la mécanique basique du scénario ressort, les dessins n'arrivant pas à installer l'ambiance angoissante nécessaire. le constat est encore aggravé par le retrait progressif de Studio F qui laisse sa place à Steve Buccellato pour une mise en couleurs nettement plus traditionnelle. Même
Kaare Andrews est parti faire autre chose, laissant Fernandez dessiner les couvertures, moins réussies.
Après l'intensité de l'histoire précédente, celle-ci apparaît fade, maladroite, creuse, avec des visuels mal dosés, trop épurés, pas assez intenses. 2 étoiles.