AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,52

sur 49 notes
5
2 avis
4
4 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis
Voici ma millième critique au bout de quatre ans révolus sur Babelio!

Impressionnée par le chiffre, je me devais de  réserver, à cette place exposée ,  un livre de choix ! J'ai donc rusé quelque peu pour qu'Elena Ferrante l'occupe avec son Frantumaglia: l'écriture et ma vie, récemment traduit en français.

Parce que Ferrante a été ma plus belle découverte sur Babelio.
Parce que j'ai lu et chroniqué tous ses livres.
Parce qu'elle a été mon principal moteur pour suivre,  le soir,  des cours d'italien afin de pouvoir la lire dans le texte -plaisir de lecture décuplé que j'ai pu ressentir pour les deux derniers tomes de L'amie prodigieuse.
Et surtout parce que c'est un écrivain exceptionnel.
Et donc quand elle parle de son travail, c'est une grande  faveur qu'elle nous fait, un vrai trésor qu'elle nous confie.

Remarquez que je n'ai pas dit "une femme exceptionnelle": la femme qui se trouve derriere Elena Ferrante ne m' intéresse pas. Je respecte pleinement et j'approuve le  désir de Ferrante de maintenir cette femme privée  dans l'ombre, hors de portée de la presse, du monde éditorial et de son lectorat. Depuis la parution de son premier livre, sa position sur ce sujet n'a jamais varié, et ce n'est évidemment pas un moyen d'attiser la curiosité.... et la vente, puisque c'est le succès de ses livres qui a suscité cette curiosité et non l'inverse.

Si Elena Ferrante a besoin de cet espace de liberté pour pouvoir écrire,  respectons la, respectons le.

Si nous interrogeons ses livres, nous pouvons trouver toutes les réponses -souvent toutes les interrogations- qui font le coeur de son univers de femme et de romancière.  Elle s'est , de plus , prêtée a l'exercice difficile de l'interview, avec une grande générosité et une remarquable exigence de verité -rien d'oral, tout est écrit, pesé,  réfléchi- . Si je n'ai mis que 4 étoiles à ce formidable bouquin, ce n'est pas à cause des reponses, passionnantes, de l'ecrivain, c'est à cause des questions sur son identité, lancinantes, indiscrètes, bêtes, qui masquent trop souvent le livre, et auxquelles, pourtant, Ferrante répond poliment, patiemment, en pesant et variant ses mots!

Que ceux qui s'obstinent aillent relire le Contre Sainte-Beuve de Proust, et qu'ils cessent de vouloir déterrer à tout prix ce "misérable petit tas de secrets" qui constitue la personne, pour s'intéresser vraiment à la transmutation formidable que fait l'écrivain de cette Frantumaglia, de ce magma confus, contradictoire, ce matériau brut, mouvant, obscur, bruyant, prégnant  debordant de vie - qu'il s'agit de transformer en écriture.

Et là, le livre, je veux dire la part écrite par Ferrante dans le livre,  est une mine d'or.

Pour les lecteurs de Ferrante avant tout, car voilà un écrivain qui vit vraiment avec ses créatures, et je déconseille la lecture de Frantumaglia à ceux qui n'auraient pas une grande familiarité avec ses livres. Mais aussi pour tous ceux, et ils sont nombreux ici, je le sais, qui rêvent d'écrire ou qui le font déjà. 

Ferrante parle de la gestation de ses oeuvres , longue, difficile, suivie d'interruptions volontaires fréquentes, quand elle trouve que son écriture, trop travaillée, trop partisane, trop convenue, trahit la vérité au nom du vraisemblable ou de l'esthétique, et  qu'elle a perdu cette âpreté, cette tension, cette brutalité qui souvent jaillit du brouillon.

Ferrante parle de ses modèles,  de ses consoeurs écrivains,  de ses thèmes favoris, obsédants : la relation mère-fille, l'amour compliqué,  "harcelant" pour la mère, l'abandon qui détruit et rend plus forte, l'amitié entre femmes si peu, si mal traité dans la littérature. 

Elle dit sa fascination pour tout ce qui dérange- précisons:   ce qui LA dérange- ,  ce qu'elle sent en elle d'obscur, de tordu , d'inavoué, d'incompris, de blessé. Elle confie à l'écriture, et à elle seule- Ferrante n'a jamais fait de psychanalyse-  le soin d'exposer ces blessures, de gratter ces croûtes,  de mettre à vif ces plaies. Elle cherche inlassablement  à comprendre, à mettre en mots ces mouvements secrets, ces pulsions qui l'effraient.

Elle raconte aussi sa ville natale, Naples, parle, bien sûr,  de ses héroïnes , dit comment elle s'est lancée, pour la première fois avec une grande fluidité,  dans l'immensité de L' Amie prodigieuse,  sans rien savoir de plus que ce que nous dit le prologue : la disparition de Lila , que l'écriture de Lenù va tenter de conjurer, d'enserrer, de contenir, et le motif troublant des poupées et de l'enfant disparue, qui faisait déjà son apparition dans Poupée volée, un des livres auquel Ferrante tient le plus, et qu'elle a, confesse-t-elle, eu le plus de mal à écrire. Un de mes préférés, sinon le préféré, en ce qui me concerne.

"'Je déteste faire des schémas, des travaux préparatoires de construction d'un roman " dit-elle en substance. Écrire en suivant un plan préétabli l'ennuie, fige son écriture, la contraint et condamne cette découverte de la vérité, cette clarification obstinée de l'obscur ,  qu'elle lui assignait en confiance.

Du petit lait, du miel, que tout cela, malgré la forme déplaisante de l'interview, et les questions sempiternelles sur son identité .

Oui, Ferrante , l'écrivain,  est une Grande.

Je suis persuadée qu'elle a ouvert largement les portes à toutes celles qui rêvent d'écrire sans se voir classées avec condescendance et mépris, dans cette "littérature féminine" qui dit assez d'où on la regarde et d'où on la nomme.

Merci Elena Ferrante. Vous faites du bien aux femmes. À celles qui vous lisent. À celles qui écrivent. À celles qui osent. À celles qui hésitent.

À  nous toutes.
Commenter  J’apprécie          7020

Ferrante l'intrigante, l'introuvable Elena Ferrante. de ces vingt dernières années, jamais sans doute une romancière n'aura autant fait parler d'elle.

Ferrante, cette incroyable inconnue qui écrit des livres épatants. Des romans populaires à l'écriture exigeante, c'est assez rare pour être remarqué.

On ne sait rien d'Elena Ferrante, pourtant elle nous est familière, comme le sont les héroïnes de ses romans. On ne connait rien d'elle si ce n'est que Naples est sa ville mère et qu'elle écrit, qu'elle écrit, qu'elle écrit…Car l'écriture c'est sa vie.
Vous voulez vraiment découvrir Elena Ferrante, alors lisez « Frantumaglia » véritable autobiographie-Méta-Ferrante, qui lève le voile sur le quotidien d'une femme habitée par la littérature et amoureuse de son Art.

Car la romancière n'est que création littéraire et c'est sans fard qu'elle nous confie trente années d'écriture intimes et, paradoxalement, ne pouvoir mettre un visage sur ces pages rend l'expérience de lecture assez formidable.

Interviews, correspondances, lettres non-expédiées, nouvelles... dans ce livre, véritable collages de textes tous plus profonds les uns que les autres, l'écrivaine se raconte en train d'écrire et nous révèle son combat quotidien entre vérité et mensonge et c'est passionnant.

Elena Ferrante ou l'art de se dissimuler et de s'exposer dans l'écriture.

Comme le disait Cocteau : « Qui se masque se démasque ».

Véritable livre atelier d'écriture, « Frantumaglia » s'avère être totalement indispensable à tous les fous de littérature.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          170
J'aime particulièrement lire des ouvrages qui traitent du processus de l'écriture : comment en quelque sorte on "devient" romancier, comment on aborde ce travail (même si Elena Ferrante estime qu'il ne s'agit pas d'un travail la concernant).

Il semble que l'auteur ait voulu faire une sorte de mise au point à travers ce recueil d'interviews et courriers personnels (datés de 1991 à 2016).

Car en effet, Elena Ferrante semble se cacher derrière son écriture, forcément les médias n'aiment pas beaucoup cela et pour parfaire le "mythe Elena Ferrante", ils inventent donc de multiples histoires à son propos : l'auteur de ses écrits serait un homme, voire même un groupe d'auteurs… Il n'y a pas de limite à leur imagination médiatique !
En même temps tout cela participe de la construction et peut-être aussi du succès d'Elena Ferrante.

Et si finalement il n'y avait qu'à ouvrir un de ses livres pour l'apercevoir derrière ses personnages ?

La frantumaglia est un mot de dialecte napolitain utilisé par sa mère et qu'elle interprète ainsi : "la masse aérienne ou aquatique d'une infinité de débris qui s'impose au "moi" comme sa seule et véritable intériorité.

La frantumaglia est le dépôt du temps, sans l'ordre d'une histoire, d'un récit."
C'est aussi l'effet de la "notion de perte" comme elle tend à l'explorer à travers ses personnages que ça soit dans Les jours de mon abandon ou même dans L'Amie prodigieuse.
Car enfin, l'effacement qu'elle prodigue à ses personnages, ou plutôt la tentative d'effacement, entre évidemment en résonance avec l'effacement de l'auteur derrière son oeuvre.

La disparition, la place de la femme sont autant de thématiques qu'elle aborde assez naturellement.

Et puis, dans les écrits d'Elena Ferrante, il y aussi une sorte de musicalité, ce phrasé spécifique qui lui appartient et qui pour moi est parfaitement identifiable.

Je parle italien, je l'ai étudié, mais les mots d'argots napolitains qu'elle glisse dans son roman restent pour moi un mystère : les langues locales ou régionales semblent s'entrechoquer contre la langue nationale et les personnages qui les parlent être comme figés dans l'image que l'on se fait des uns ou des autres.
C'est pourquoi la notion d'identité au sens large me semble aussi importante dans toute l'oeuvre d'Elena Ferrante.

Elle refuse d'être le jouet du "loup médiatique", elle ne veut pas d'autopromotion ou lier son oeuvre à sa biographie personnelle.
Afin, comme elle l'explique ici de garder sa liberté totale de création.
Lien : https://www.xn--rdactrice-b4..
Commenter  J’apprécie          60
Frantumaglia (2019) est une compilation d'entrevues et de courriers choisis ou de mails, échangés entre Madame Ferrante et divers journalistes du monde entier ainsi que avec ses amis éditeurs « E/O », gardiens de son anonymat, les époux Sandra Ozzola et Sandro Ferri.

Frantumaglia est une locution dialectale napolitaine trouvée par la mère de Ferrante pour décrire un état d'esprit lorsqu'on éprouve des impressions contradictoires qui tiraillent et déchirent, c'est à dire, un mal être inqualifiable autrement.

C'est probablement le sentiment ressenti par cette écrivaine littéralement harcelée sans relâche par les medias afin d'obtenir son vrai visage et son vrai nom, alors qu'elle proclame depuis des années son désir absolu d'anonymat pour que l'on puisse détacher son oeuvre de son image personnelle. Sa lutte fût longue et vaine puisque son identité a été dévoilée en 2016 par un journaliste italien de la façon la plus vile et indiscrète imaginable, tellement vile que je ne vais pas la raconter ici car cela m'écoeure. Que recherchaient ces journalistes après tout ? le scoop médiatique coûte que coûte, l'appât du gain, le panem et circenses de la Roma antique?

Ce livre est donc assez répétitif, et Madame Ferrante répète sans cesse les mêmes choses afin de justifier son silence médiatique. Nous apprenons au passage quelques renseignements très intéressants sur son inspiration, son travail d'écriture, ses doutes, son vécu. J'ai été séduite par sa soif de lecture (vaste et éclectique) et sa connaissance en matière littéraire; c'est une vraie amoureuse de la littérature qui sait citer; par exemple quand elle cite Freud dans Totem et Tabou (1912-13) pour souligner le cas d'une patiente qui refusait de se servir de son nom, redoutant qu'on s'en empare pour lui dérober sa personnalité. Quelques interviews sont plus percutantes que d'autres, plus intelligentes; quelques unes frôlent l'insolence et d'autres la malveillance pure et dure.

Elena Ferrante a connu un grand succès avec sa tétralogie sur Naples et les trois ouvrages qui ont précédé la publication de cette tétralogie, bien qu'ayant connu un moindre succès, sont largement cités et expliqués dans ce livre. Des trois ouvrages j'ai seulement lu Les jours de mon abandon qui m'a semblé remarquable et que j'ai commenté en août 2016. Les autres ouvrages sont L'amour harcelant (1992)et Poupée volée (2006).

Un livre adressé à ceux qui s'intéressent de très près au travail littéraire de Madame Ferrante.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
Commenter  J’apprécie          50
Quel plaisir de retrouver les mots d'Elena Ferrante ! Dans ce livre, ils prennent la forme de lettres, d'interviews, de notes et nous permettent de mieux connaître l'autrice. 

On pourrait me qualifier de "fan" d'Elena Ferrante, chacun de ses romans m'emporte et me bouleverse sans que je ne sache toujours pourquoi. Ce livre n'aura pas dérogé à la règle. J'y ai découvert une femme qui ressemble à ses personnages : sensible, forte, érudite, engagée, passionnée et passionnante. 

N'en déplaise à bon nombre de journalistes qui font une sacrée fixette, nul besoin de voir le visage de l'artiste pour en apprécier l'oeuvre. Je crois, comme elle, que les livres n'ont pas besoin de leurs auteurs une fois qu'ils sont écrits. "S'ils ont quelque chose à raconter, ils finiront tôt ou tard par trouver des lecteurs". Une chose est sûre, les livres d'Elena Ferrante m'ont bel et bien trouvée et il me tarde que le prochain croise ma route. 
Commenter  J’apprécie          40
Comme beaucoup, c'est "L'amie prodigieuse" qui m'a amené à Elena Ferrante. Passionné par ailleurs par les écrits sur l'écrit, j'étais très curieux de ce Frantumaglia. J'avoue m'être rapidement lassé de lire et relire des questions de journalistes et des réponses qui se répondent tout au long du livre. Alors oui Elena Ferrante a une plume délicate et une intelligence remarquable. Oui c'est intéressant de revenir mille fois sur la même question et d'y trouver mille réponses qui se complètent. Mais néanmoins, malgré les premiers courriers à l'éditrice et la description de son choix "esthétique" de rester "une autrice sans visage", je me suis ennuyé. C'est un projet d'éditeur, pas un projet d'autrice, et cela se sent.
Commenter  J’apprécie          20
Frantumaglia arbore un titre évocateur : c'est « un paysage instable » dit l'auteure un peu plus loin. le sous-titre précise : il ne s'agit pas de parler de l'écriture en général, mais de la sienne en particulier, en relation avec sa vie.
C'est en effet le cas.
On connaît le mystère autour de son véritable nom et le succès retentissant de "L'amie prodigieuse" (voir l'article dédié).
Frantumaglia éclaircit un peu la position d'E. Ferrante autour de ses écrits.
Plus sur http://anne.vacquant.free.fr/av/index.php/2021/04/23/elena-ferrante-frantumaglia/
Commenter  J’apprécie          20
Frantumaglia se compose d'une part d'échanges de lettres entre l'auteure italienne et ses éditeurs et de réponses par mails à des questions de journalistes internationaux d'autre part. Si beaucoup de questions portent et insistent (lourdement parfois) sur l'identité réelle de l'écrivaine, d'autres heureusement s'intéressent au travail d'écriture, à l'importance de la ville de Naples, aux figures féminines que l'on peut retrouver d'un roman à l'autre, aux inspirations diverses, à la littérature en somme. Il est question aussi des adaptations cinématographiques de ses livres. le lecteur français qui n'a pas lu les premières romans de l'auteur (L'amour harcelant, Les jours de mon abandon, Poupée volée) pourra être un peu perdu dans la première partie mais l'amateur de décryptage littéraire se rattrapera ensuite quand l'auteure explique longuement son travail d'écriture avec ses éditeurs en revenant notamment sur des souvenirs d'enfance. Un éclairage indispensable sur une romancière majeure d'aujourd'hui.
Masse critique Babelio.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
Commenter  J’apprécie          20
D'Elena Ferrante on ne sait rien. Cette auteure a succès, a toujours choisi de garder l'anonymat.

Ici ce n'est pas un roman , mais une succession d'interviews, de correspondances privé et autres documents qu'on peut lire. Une façon de mieux cerner l'auteure, son univers, son processus d'écriture, ses choix, son caractère.

C'est intéressant d'y lire pourquoi elle refusait de se montrer. A quel point elle redoutait l'emballement médiatique, considérant que cela dessert bien souvent aux oeuvres. Mettre la lumière sur les personnes plutôt que sur les écrits.

Elle s'y livre un peu, mais je me suis demandée tout au fil du livre si tout était vérité. Après tout, sans source, rien n'est vérifiable!

J'ai passé pas mal de temps sur ce livre. J'ai grapillé par ci par là les lettres, les interviews sans être vraiment passionné par l'ensemble. Je me suis relativement ennuyée et je pense qu'il faut être vraiment fan de l'auteure pour trouver un intérêt à ce recueil.



Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (219) Voir plus



Quiz Voir plus

L'amie prodigieuse, le quiz !

Elena Ferrante est le pseudonyme de Erri De Luca, le véritable auteur des romans.

Vrai
Faux

10 questions
335 lecteurs ont répondu
Thème : Elena FerranteCréer un quiz sur ce livre

{* *}