Une immersion totale dans l'univers de la chirurgie cardiaque et des urgences cardiologiques !
Un ouvrage palpitant que je referme non sans une certaine émotion, et avec beaucoup de reconnaissance et d'admiration.
Le professeur
Erwan Flécher , chirurgien cardiaque au CHU de Rennes, pratique son art avec passion et conviction, et nous offre à travers une multitude de chroniques l'éventail de ses souvenirs et de ses expériences professionnelles. Bien souvent difficiles et éreintants, parfois cruels ou tristes, mais heureusement régulièrement aussi, beaux et magiques, la plupart d'entre eux sont inoubliables.
Chacune de ces tranches de vie a été pour lui source d'émotions et de réflexions personnelles. Les coucher sur papier, depuis la période de son internat, lui a ainsi permis de poser en toute humilité "des mots sur les maux" encaissés au fil de cette vingtaine d'années, durant lesquelles la responsabilité de nombreuses vies humaines l'a accompagné.
L'écriture est vive, courte, incisive, franche et directe. le plus souvent telle une prise de notes mettant en avant l'essentiel. Nous voilà à coeurs ouverts, au sens propre comme au figuré.
On saute d'une anecdote à l'autre, sans ordre chronologique très établi, mais avec pour fil conducteur la passion pour un art noble et délicat et un grand respect pour la vie si ténue et fragile des patients.
Si la technique médicale est au coeur du propos, l'humain y prend donc également une belle part, avec ses failles, ses faiblesses, ses doutes, mais aussi sa détermination et son courage. Pour le patient comme pour son chirurgien, la vie est un combat, une bataille souvent acharnée qui peut se perdre ou se gagner en quelques fractions de secondes. C'est pour le Pr Flécher une prise de conscience, lourde d'enjeux, dès le début de ses études de médecine et que chaque nouvelle expérience va marquer au fer rouge.
Heureusement il y a l'esprit d'équipe, l'entraide, pour tenir, de nuit comme de jour, malgré la fatigue et les coups durs.
L'humanité qui filtre de ces chroniques m'a émue aux larmes plus d'une fois, faisant écho à mon propre parcours professionnel.
Dur dur d'accepter certaines défaites après avoir cru et espéré avec les malades... Ici, la mort n'est pourtant pas tabou, elle rôde sans cesse, sournoise ou plus directe, elle est souvent tangible, et d'en parler permet de mieux l'exorciser.
Erwan Flécher dit ce qu'il pense aussi, en toute franchise, sur l'administration, l'évolution du système hospitalier, les dysfonctionnements, les incohérences, la hiérarchie, la formation des étudiants en médecine, la perte de sens aussi pour les professionnels de santé... C'est cash, c'est vrai, c'est libérateur. J'espère sincèrement qu'il sera entendu !
Il se dévoile aussi, nous livrant une part intime de lui-même, la face immergée de son iceberg personnel, celle d'une vie toute entière consacrée à sa profession, bien souvent au détriment de sa vie personnelle. Derrière la façade du professionnel performant se cache l'homme, avec ses faiblesses et ses regrets, mais qui, au final, ne voudrait rien changer si c'était à refaire.
Il est passé de la fougue du jeune interne à la maturité du Professeur expérimenté, mais au fond, est resté le même, sensible et extrêmement humain, malgré un certain détachement de façade, carapace de survie indispensable face à l'innommable.
Et nous voilà à nous poser avec lui des questions existentielles, sur la vie, la mort, l'engagement des soignants face à tout ça...
Alors oui, certains passages sont durs, glauques, bruts de décoffrage. Il y a du sang à foison, des situations d'urgences absolues, des descriptions d'interventions, d'hémorragies diverses, des prélèvements de greffons sur des cadavres, des décès d'adultes mais aussi d'enfants...
Mieux vaut être prévenu. C'est la vraie vie en chirurgie cardiaque et en réanimation, sans fards ou presque.
Il y a aussi beaucoup de jargon médical, du vocabulaire spécialisé, des abréviations qui ne seront pas forcément accessibles à tous.
Cela ne m'a posé aucun souci, étant précisément de la partie. J'ai même fortement apprécié cette authenticité et ce réalisme, mais j'imagine que pour un lecteur non initié, certains passages devaient être difficilement compréhensibles et que quelques notes explicatives ou de "traduction" auraient été pour eux les bienvenues.
Mention particulière pour certains passages qui m'ont beaucoup touchée, concernant la reconnaissance rendue aux rôles indispensables joués par l'équipe paramédicale, par les secrétaires, mais aussi plus personnellement, par l'épouse du chirurgien, qui assume au quotidien et dans l'ombre, quasiment toute la charge mentale et la logistique du foyer. Chacun, à sa modeste place, à l'hôpital comme à domicile, contribuant à la bonne organisation, à la réussite et au bon déroulé de carrière de celui qui, déchargé de bien des tâches ingrates ou subalternes, peut s'adonner à 100% à son métier-passion. Merci au Pr Flécher pour cet hommage si précieux à mes yeux.
Je remercie également très chaleureusement les
Editions Ouest-France et Babelio pour cet ouvrage-témoignage sincère et émouvant, reçu dans le cadre de la dernière opération Masse Critique non-fiction.