- Les gens veulent se venger.
- Vous vous souvenez, en 1914 ? Walter ne voulait pas de la guerre. La majorité des Allemands non plus. Mais leur pays n'était pas démocratique. Le kaiser s'est laissé convaincre par les généraux. Après la mobilisation des Russes, ils n'ont plus eu le choix.
- Bien sûr, je m'en souviens. Mais presque tout le monde l'a oublié.
Elle s'était souvent demandee pourquoi les femmes se mariaient.Elles s'engageaient par contrat a subir une vie d'esclavage,s'etonnait-elle,mais qu'en tiraient-elles exactement?
- La guerre nous coûte cinq millions de livres par jour. Dix foix le budget normal du fonctionnement du pays.
- Et d'où tirons-nous tout cet argent?
- Nous l'empruntons. Voilà le problème.
- Mais la guerre dure depuis plus de deux ans. Nous avons donc du emprunter... près de quatre milliards de livres?
- Quelque chose comme ça. Soit 25 années de ce que nous dépensions en temps normal.
- Et comment rembourserons-nous?
- Nous ne pourrons jamais le rembourser. Si un gouvernement voulait augmenter les impôts suffisamment pour payer cet emprunt, ce serait la révolution.
- Qu'allons-nous faire alors?
- Si nous perdons la guerre, les Américains - qui sont nos principaux créanciers - feront faillite. S nous gagnons, nous obligerons les Allemands à payer. "Réparations" c'est le mot qu'on utilise. [...] Tu comprends maintenant pourquoi nous ne pouvons pas faire la paix avec l'Allemagne? Qui paierait la note?
Ethel était consternée. "Il faut donc que nous continuions à envoyer nos garçons mourir dans les tranchées? Parce que nous ne pouvons pas régler l'addition? Pauvre Billy. Dans quel monde vivons-nous!
Ils étaient propriétaires de la mine et des maisons, et faisaient comme s'ils étaient aussi propriétaires des gens.
Ethel avait dix-huit ans, et Billy n'avait aucun mal à voir qu'elle était belle, elle. Ses cheveux acajou encadraient son visage de boucles rebelles, ses yeux bruns étincelaient d'espièglerie. Peut- être Mam lui avait-elle ressemblé un jour. Ethel portait une seyante tenue de bonne, une robe noire unie avec une coiffe de coton blanc.
L’humiliation que l’on inflige à autrui revient vous frapper au visage, tôt ou tard.
- Qu’est-ce qu’un cocktail ? demanda t’elle
- Un alcool fort déguisé pour paraître plus respectable. Je vous assure que c’est très à la mode.
Il en était allé ainsi au cours de ces deux dernières semaines (…) Dans tous les pays, les adversaires de la guerre avaient perdu la partie : les Autrichiens avaient attaqué la Serbie alors qu’ils auraient pu s’en abstenir ; les Russes avaient préféré la mobilisation à la négociation ; les Allemands avaient refusé de participer à la conférence internationale qui aurait pu régler la crise ; les Français s’étaient vu offrir une chance de rester neutres et ils l’avaient laissée passer ; et voilà que les Anglais allaient intervenir dans le conflit alors qu’ils auraient pu conserver un rôle d’observateurs
Walter n’avait pas une immense affection pour son père. Leurs désaccords étaient trop passionnés et Otto trop intransigeant. Il était borné, vieux jeu et sourd à toute raison. De plus, il persistait dans ses défauts avec une obstination allègre que son fils avait du mal à supporter. Sa sottise, et celle des hommes de sa génération dans tous les pays d’Europe, avait eu pour conséquence, le massacre de la Somme, chose impardonnable aux yeux de Walter.
Il parcourut ensuite la liste des appelés : il s’y trouvait. Il n’avait pas vraiment cru que cela pourrait arriver. Mais il s’était raconté des histoires. Il avait vingt-cinq ans, il était robuste, il était apte – la chair à canon idéale. Évidemment, il irait à la guerre.