A l'issue de la dernière masse critique graphique, j'ai été doublement heureuse de recevoir "
Le Chêne Parlant" de
Bruno Forget et j'en remercie Babelio ainsi que les éditions Bouinotte.
Doublement heureuse car d'une part, j'adore les contes et plus encore les contes traditionnels. J'ai un faible pour les vieilles légendes, le folklore, les chansons de Malicorne, l'"Aubade à l'aube" d'Estrad et les meneurs de loups.
D'autre part, j'aime infiniment
George Sand, l'auteur et la femme, la féministe même.
Or, il se trouve que "
Le Chêne Parlant" n'est autre que l'adaptation en bande-dessinée d'un des contes que la bonne dame de Nohant fit paraître dans les années 1870, au coeur du recueil "
Contes d'une Grand-Mère". Je ne pouvais difficilement tomber mieux, même si je dois confesser que les contes de Sand ne sont pas la partie de sa bibliographie que je préfère, loin de là. Destinés à la jeunesse, ces récits qu'elle avait écrits pour ses petites-filles sont les refontes de contes traditionnels du Berry auxquels elle ajoutait une dimension philosophique et éducative, sinon moralisatrice... Et bon… quand c'est trop moralisateur, moi...
J'étais néanmoins ravie de mon butin d'autant que je ne me souvenais que fort mal du Chêne Parlant et que j'aime autant les bandes dessinées que les réécritures ou les réadaptations.
Au coeur du Berry se dresse la majestueuse forêt de Cernas. Un chêne plusieurs fois centenaire y a élu domicile. L'arbre sans trop qu'on sache pourquoi est entouré de superstitions: certains racontent qu'il est hanté par un esprit maléfique, d'autres jettent sur lui la responsabilité de trop nombreuses disparitions. Enfin, certains jurent que l'arbre parle et qu'on peut l'entendre de l'orée du bois si on tend l'oreille et qu'on ne craint pas de mourir alors de peur.
Emmi est un orphelin, un pauvre gamin battu et maltraité par sa tante dont il garde les cochons. Un jour, c'en est trop pour lui: entre la cruauté de sa tante et des adultes qui l'entourent et la sauvagerie des pourceaux qui tente de l'attaquer, il se réfugie en haut du chêne. Cet arbre sera sa maison.
Dès lors naît entre le chêne et le gamin une étrange amitié, une amitié refuge et un peu magique qui ne s'explique pas vraiment jusqu'au jour ou Emmi croise le chemin d'une étrange vieille femme. Pour le jeune garçon, cette rencontre marque le début de son apprentissage vers l'âge adulte et c'est un chemin semée d'embûches et de déconvenues. Heureusement, le chêne est toujours là et il pourra toujours compter sur lui.
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Le Chêne Parlant" est un conte qui, s'il n'est pas très original et sacrifie à tous les codes des récits traditionnels, se révèle très sympathique. On s'attache à Emmi et à son chêne, on grince aussi des dents parfois à l'entour de certains personnages. Bref, cela fonctionne très bien et plusieurs raisons concourent à cela me semble t-il. Il y a tout d'abord le charme un peu suranné mais toujours efficace des vieilles histoires qui savent emmener les lecteurs. Il y aussi les choix narratifs de
Bruno Forget qui produit ici un ouvrage plus proche du conte traditionnel que de la version de
George Sand pour donner du conte sa propre version et une version, surtout, épurée de ce qu'elle pouvait avoir de "gnan-gnan" et de moralisateur chez la romancière.
Enfin, il y a les illustrations de
Bruno Forget que j'ai trouvé pleine de charme, très expressives. Je leur ai trouvé une parenté avec les graphismes de
Jean-François Laguionie -génial réalisateur de magnifiques films d'animation- tout en leur dégotant un petit côté rétro qui m'a conquise. J'en ai enfin adoré les couleurs!
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Le Chêne Parlant" est autant un joli livre qui met à l'honneur une facette méconnue de cette chère George qu'un conte à mettre entre toutes les mains, qui resuscite un peu l'esprit des veillées d'antan et qui me rappelle à moi les soirs d'enfance où mon père venait dans ma chambre avec un livre. C'était l'heure de l'histoire et c'était bien.