Le silence du dimanche. Il ne ressemble pas à celui du samedi. Il est plus profond, enchâssé dans les replis du temps. C'est un silence venu de loin. Un silence de pain frais, de chemise blanche, de promenade à pas lents. Il ressemble à une trêve que brisera le lendemain dès cinq heures le grondement des premiers trains.
Personne ne veut entendre parler de l'amour de Dieu ni du reste. Personne ne pense aux autres. Aimons-nous les uns les uns.
Les gens qui n’ont rien dans le cœur pensent que les suicidés n’ont rien dans le ventre.
"suite a un accident grave..." Un événement banal s'était produit, aux conséquences purement matérielles. Je ne reconnaissais rien d'humain dans ces paroles désincarnées.Elles composaient un chef-d’œuvre d'évitement. L'accident grave n'évoquait aucun geste, ne suggérait aucune image. Il relevait d'une langue vidée de sa substance, dénuée compassion. Une suite de mots pour ne plus y penser, pour passer a autre chose.
A l'arrivée d'une nouvelle rame, l'annonce reprenait : "Suite à un accident grave..." Elle s'immisçait en moi, irréelle. Un événement banal s'était produit, aux conséquences purement matérielles. Je ne reconnaissais rien d'humain dans ces paroles désincarnées. Elles composaient un chef-d’œuvre d'évitement.
L'auteur en cite d'autres :
"N'ayez pas peur de penser".
"La vie, ça demande de l'encouragement".
«L'expression trafic perturbé m'est apparue dans toute sa froideur. Officiellement, aucun être humain n'avait été perturbé. Le trafic, juste le trafic».
Mal nommer les choses, jugeait Camus, c'est ajouter au malheur du monde". Ne pas nommer les choses, c'est nier notre humanité.
Lorsque les pompiers sont requis sur place, ils doivent signaler en caserne un motif de départ. L'opération porte un nom précis: "Personne sous un train". Double sens troublant. Qui s'est jeté sous le train? Personne.
Je me demande si on s'entraîne à mourir. Si se jeter sur les voies est un crime prémédité contre soi. Ou un meurtre sans coupable.