"
Les mots et les choses" entend présenter les structures sur lesquelles s'est développée toute la pensée occidentale depuis la Renaissance et dont l'aboutissement est la pensée moderne, caractérisées par la naissance des sciences humaines.
Michel Foucault propose trois grandes périodes et deux bouleversements qui affectent particulièrement la manière dont le langage a été perçu.
Jusqu'à la Renaissance, le langage est inextricablement lié aux autres choses du monde. L'épisode de Babel ayant détruit la clarté du langage de la nature, l'homme essaie de le retrouver par les signes que portent les choses et dont les mots font partie. le mot et la chose se confondent, et dire, c'est convoquer la chose, d'où les magiciens et les formules magiques.
Au XVIIème siècle,
Descartes introduit la notion de hiérarchie entre les choses par la rationalité tandis que
Cervantes montre que les mots ne sont que des objets vides s'ils ne sont pas mis en rapport avec ce qu'ils représentent :
Don Quichotte confond le mot et la chose, mais si le mot est resté, la chose a disparu. le monde d'Amadis de Gaule peut encore se dire, mais il ne représente plus rien. Dorénavant, on cherche ce en quoi le langage représente le monde et ce goût de l'ordre abouti à la Grammaire, mais aussi à l'histoire naturelle et à l'analyse des richesses. On rêve de dire le monde d'une manière ordonnée, sous la forme d'un Discours (qui mène à l'Encyclopédie), d'un tableau du monde vivant (la taxinomie) ou de valeurs (le mercantilisme).
Mais cent cinquante ans plus tard à peine, patatras, voilà que l'on découvre que le monde ne peut être dit uniquement par le biais de la représentation, car certains phénomènes se déroulent à l'intérieur des domaines du savoir. Ainsi, les mots présentent des similitudes entre eux et entre les langues, les organes ont des fonctions qui s'adaptent à l'environnement et se développent eux-mêmes selon leurs propres schémas, et le travail a une valeur qui n'est pas fixe mais dépend de son mode d'organisation. le temps s'insinue dans le concept de l'Ordre qui se change alors, à la fin du XVIIIème siècle, en une quête de l'Histoire. Désormais, on cherche la vérité des choses en elles-mêmes, on creuse et on remonte le temps, on ne se contente plus de comparer les choses entre elles. La conséquence sur le langage est qu'il est maintenant considéré comme totalement autonome, sans lien avec ce qu'il représente. C'est la naissance de la philologie et de la littérature, tandis que la biologie remplace l'histoire naturelle et l'économie politique l'analyse des richesses. Mais tandis que la biologie s'unifie sous le concept de la vie et l'économie sous celui de la production, le langage, lui, se disperse en d'innombrables langues et de représentations du monde.De plus, dans cette épistémè moderne, la source de toute connaissance est maintenant l'homme. C'est aussi un objet de savoir : puisqu'il dit le monde et qu'il s'y trouve, il est à la fois objet et producteur de savoir : quelle est sa place, quelles sont ses limites à comprendre le monde, comment se le représente-t-il ? Voilà que naissent les sciences humaines.
Nous sommes encore aujourd'hui dans ce monde moderne et nous tournons en rond. Car tant que la place de l'homme reste incertaine, les sciences humaines, qui ne sont ni illusions, ni sciences, mais représentation du savoir différente des sciences, le restent aussi, et l'instabilité règne. Pour dépasser nos achoppements, il faudrait que nous trouvions un moyen de dépasser la conception de l'homme comme caractérisé par cette ambivalence.
Nietzsche avait pensé la mort de l'homme et l'invention du surhomme. Au sujet du langage, c'est peut-être la linguistique qui remplacerait la philologie. Quoi qu'il en soit, l'homme n'est pas immortel et il suffirait d'un autre mouvement de la pensée pour que, comme l'histoire naturelle et l'analyse des richesses, les sciences humaines disparaissent à leur tour et, avec elle, la notion de l'homme.
On ressort bien évidemment très enrichi de cette lecture épistémologique et on songe que la rédaction du texte remonte à cinquante ans, ce qui donne à notre épistémè moderne environ deux siècles, ou cinquante ans de plus que l'âge classique tel que le décrit
Michel Foucault... Peut-être cet âge à venir qu'il prévoyait se met-il en place ? On note que la génétique a remplacé la biologie et que l'on évoque l'intelligence artificielle... on note encore que nos sociétés de services ont certainement dû (mais je ne voudrais pas trop m'avancer....) modifier une conception de l'économie basée sur la production et le travail (revenu universel ?). du côté de la linguistique, je ne sais pas, si quelqu'un a une idée. Foucault n'est plus là pour nous dire ce qui se passe, mais d'autres peut-être y songent-ils ?...