J'avais déjà lu de l'auteur «
Où on va papa » et je l'avais trouvé tendre, avec suffisamment de recul pour évoquer avec humour le handicap de son propre enfant. Je m'étais donc dit que dans ce roman, il allait évoquer le décès de sa femme avec légèreté.
Et bien mon ressenti après lecture est un peu différent ! Comme j'ai trouvé ce texte touchant ! C'est une sorte de journal de bord que l'auteur adresse directement à sa femme, dont il pense qu'elle peut le voir « de très loin ». C'est presque une déclaration d'amour, puisque
Jean-Louis Fournier, tout en pudeur, dresse un beau portrait de sa femme, dont il dit que de son vivant il n'a pas osé lui dire ces mots.
L'ouvrage est formé de courts chapitres. On découvre des souvenirs de leur vie à deux, leur quotidien après quarante ans de vie commune, le vide des jours et des mois qui suivent la mort avec l'impression qu'en se réveillant ou en rentrant chez soi l'être aimé va venir vous embrasser… Et puis le regard des autres, la compassion lorsqu'on raconte que sa femme vient de mourir, les condoléances, le malaise aussi. Mais malgré les difficultés à remonter la pente, il y a quelques phrases remplies d'humour, comme celle-ci : « Au début, après la mort subite de Sylvie, j'ai comparé mon drame à un tsunami. Quand j'y pense, rétrospectivement un peu gêné, j'espère que je n'ai pas porté la poisse aux Japonais. », ou encore celle-là : « Sur mon téléphone portable, j'ai retiré ton nom de mes contacts. J'ai appuyé sur "chercher", j'ai fait dérouler tous les noms jusqu'à "Sylvie", puis j'ai appuyé sur "option" et là j'ai choisi "supprimer". Mon écran a affiché une terrible question : "Supprimer Sylvie ?". J'ai hésité longtemps. Finalement, j'ai enfoncé avec émotion la touche "OK". J'avais l'impression d'être le président de la République qui appuyait sur le bouton rouge de la bombe atomique. Est apparu alors sur l'écran une petite poubelle avec un couvercle sautillant qui s'est posé dessus pour la fermer. Voilà, c'était fait, je t'avais mise à la poubelle. »
J'ai ressenti beaucoup de tendresse, de tristesse soit, mais aussi la volonté de dédramatiser un peu, de continuer à vivre, puisque c'est bien là une obligation. Dans un certain sens, ce texte m'a fait penser à celui de
Véronique Poulain, «
Les mots qu'on ne me dit pas » sur la surdité (elle évoque ses parents sourds-muets et dédramatise aussi les situations parfois ubuesques à affronter au quotidien).
Même si je n'ai jamais été dans cette situation de « veuvage », je pense que ce livre peut servir à tous ceux qui viennent de perdre leur moitié ou un être proche. Les touches de fraîcheur qui font sourire permettent d'aller de l'avant et d'éviter de sombrer. Et pour l'auteur, ce texte a dû servir de catharsis. Coucher les mots sur du papier permet d'enlever de soi tout ce qu'on garde et qui fait mal. Et le partager avec le lecteur permet de rendre cette expérience accessible, et peut, pourquoi pas, changer le regard du lecteur lorsqu'il aura un(e)
veuf(ve) en face de soi !