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Pour le peuple russe (Discours du 27 janvier 1905) : Je ne vous retracerai pas les scènes d'horreur qui, depuis cinq jours, présentes à vos esprits, les remplissent d'indignation, de colère et de pitié. Je ne vous redirai pas comment le tsar a fait massacrer des hommes qui, mourant de misère et de faim, n'étaient coupables envers lui que de l'avoir, dans leur détresse, imploré comme un père. A leurs ferventes prières, à leurs invocations filiales, à leurs larmes, il répondit par le fouet de ses cosaques et les balles de ses grenadiers. Ces balles sont allées frapper sa propre image dans les mains du prêtre Gapone. Juste malgré lui, le tsar a tué le tsar. Le tsar a tué le tsar et le tsarisme. Du sang qui rougit les glaces de la Néva sortiront par millions les vengeurs des victimes. Le tsar a tué le tsar et suscité la révolution qui dévorera le tsarisme. Nicolas Alexandrovitch n'existe déjà plus et sa mémoire est vouée pour toujours à l'exécration de l'univers.

1849 - [Les Classiques du peuple, p. 118]

Évolution. C'est bien là ce qui nous attache à Anatole France. Mais son histoire n'est pas unique en son genre. Et pour nous en tenir à ses contemporains, nommons au hasard Paul Bourget, Maurice Barrès, Hanotaux, Brunetière. Voici des écrivains qui, sous le fouet des chocs extérieurs semblables, ont évolué dans un sens totalement opposé à celui de France. Barrès, tandis que la guerre de 14 mettait Anatole France dans un état voisin du désespoir, ne cessa das ses articles quotidiens de « l’Écho de Paris » d'exalter la guerre sainte. Hanotaux, dont le sens d'historien aurait dû être par profession bien plus aigu que celui de France, se fit défenseur de l’État-major faussaire. Paul Bourget, dans ses romans, ne voyait de salut que dans la bourgeoisie bien pensante, cependant que France nous peignait la même bourgeoisie dans son « Histoire contemporaine » avec ses moqueries et son catholicisme de façade

1905 - [Les Classiques du peuple, p. 8]