« le temps des cerises » est le deuxième volet des aventures de Boro, reporter-photographe. Dans le premier, « La Dame de Berlin », nous avions fait connaissance avec Blémia Borowicz (« Blémia pour le prénom, Borowicz pour le prénom, Boro pour la signature »), reporter-photographe de l'agence Iris, juif hongrois exilé à Paris, bien décidé à se faire un nom dans le journalisme, à l'image de ses compatriotes
Kertesz ou Capa, avec pour tout viatique, ses convictions intimes, sa canne et son Leica. Ses aventures ont commencé en fanfare parce qu'il avait photographié par inadvertance un petit homme avec une drôle de moustache sous le nez (drôle mais qui ne faisait pas rire tout le monde). Boro a pu ainsi toucher du doigt, au début des années 30, la montée du nazisme, et en France l'émergence de sensibilités d'extrême-droite, pour qui l'Italie de Mussolini et l'Allemagne d'Hitler sont des modèles.
Avec « le Temps des cerises », nous voici en 1936. Année capitale s'il en est : c'est l'année du Front populaire en France et celle de la Guerre Civile en Espagne, deux évènements majeurs que Boro va devoir affronter bille en tête. La rencontre de Liselotte,
une jeune fille de 17 ans, va le mettre sur la trace d'une organisation d'extrême-droite, la Cagoule, qui oeuvre pour le démantèlement de la démocratie et l'alignement sur l'Allemagne. Parallèlement, par le biais de sa cousine Maryika, il fait la connaissance de Dimitri, jeune combattant communiste qui veut se battre en Espagne.
Franck et Vautrin ne s'en sont pas cachés : ils font clairement du roman-feuilleton. « On pense aux personnages de Dumas, de
Féval, d'
Eugène Sue… Tout y est, tous les ingrédients de l'aventure exceptionnelle et de la mission impossible ». (Nicolas Bréal, « le Quotidien »)
Tout y est dans l'intention, y compris la défense des victimes, des petits, des prolos. Tout y est aussi dans la forme : le rythme trépidant, les personnages hauts en couleurs, dessinés non pas comme des héros de romans, mais plutôt comme des personnages de BD, ou des personnages de feuilletons télévisées (de séries, dirions-nous aujourd'hui), avec des silhouettes appelées à revenir, comme chez les « vilains » Friedrich von Riegenburg ou Frau Schmidt, et chez les « gentils » Dimitri (on les retrouvera tous les trois dans le volume suivant « Les Noces de Guernica »)
Il y a du Tintin reporter dans Boro, forcément, mais c'est un Tintin moins idéalisé, Boro, lui, est à 100% dans son époque, il est un témoin, autant qu'un acteur. Les aventures de Boro, si elles représentent une magnifique successions de poursuites, d'amours, de coups de théâtre, de scènes tour à tour violentes, humoristiques ou tendres, sont aussi un témoignage direct sur tout un pan d'Histoire (notre histoire), et qui plus est, vue d'en bas, par les yeux des vrais acteurs du drame, loin des livres d'histoire, ce qui donne à l'ensemble une belle apparence d'authenticité.
Apparence peut-être, mais c'est la même qu'on retrouvait chez Dumas et consorts, qui ne nous a jamais empêché d'adorer ces récits à l'emporte-pièce, pleins de panache et de vie.
Boro c'est Tintin, c'est aussi un peu
D Artagnan. Merci à
Dan Franck et à
Jean Vautrin de nous l'avoir ressuscité pour notre plus grand plaisir