De toutes les inventions humaines, la découverte de la façon d'allumer le feu a été probablement la plus importante et la plus riche en conséquences. Elle doit remonter à une très haute antiquité, car il n'y a pas, semble-t-il, d'exemple bien prouvé d'une tribu sauvage qui ignore l'usage du feu ou le moyen d'en produire. Il existe, certes, beaucoup de tribus sauvages et quelques peuplades à demi-civilisées qui racontent des histoires sur une époque où leurs ancêtres n'avaient pas de feu, et qui prétendent rapporter comment leurs aïeux en vinrent à connaître l'usage du feu ainsi que la manière de le faire jaillir du bois ou des pierres. Mais il est très peu vraisemblable que ces récits renferment de réels souvenirs des événements qu'ils prétendent rappeler ; il est plus probable que ce sont de simples suppositions inventées par des hommes dont l'esprit était encore dans l'enfance, pour résoudre un problème qui s'était naturellement imposé à leur attention aussitôt qu'ils avaient commencé à réfléchir à l'origine de la vie humaine et de la société.
Chez certains des aborigènes de l'état de Victoria « il existe une tradition selon laquelle le feu sous une forme d'un emploi inoffensif appartenait exclusivement aux corneilles des monts Grampians ; et comme les corneilles le trouvaient très précieux, elles ne permettaient à aucun animal d'en avoir. Toutefois un petit oiseau nommé Yuuloin-Keear, « le roitelet-à-la-queue-de-feu », remarquant que les corneilles s'amusaient à disperser des tisons, en ramassa un et s'envola avec. Un faucon appelé Tarrakukk enleva le tison au roitelet, et mit le feu à tout le pays. Depuis cette époque il y a toujours eu des feux auxquels on a pu en allumer d'autres. »