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Critique de kielosa


À ma connaissance, personne n'a fait plus pour la conservation de la culture européenne - amère ironie - qu'un jeune américain ! Et comment s'y est-il pris ce Varian Fry ? En sauvant, lors de la dernière guerre mondiale, la vie à un nombre invraisemblable d'artistes, dont la lecture des noms ferait tinter les oreilles du plus sceptique. La liste est autant impressionnante qu'elle est longue. Wikipedia énumère 69 noms et cette liste est loin d'être complète. À part la quantité, il y a, bien entendu, la qualité. Je serais même plus modeste que l'encyclopédie de l'internet, en ne citant que quelques célébrités, d'ailleurs dans le desordre : Heinrich Mann, Arthur Koestler, Lion Feuchtwanger, Hannah Arendt, Franz Werfel et Alma Mahler, Max Ernst, Anna Seghers, Victor Serge, André Breton...comme écrivains. le peintre Marc Chagall, le réalisateur Max Ophüls, l'anthropologue Claude Lévi-Strauss etc.... Avouez, un palmarès époustouflant.

Je signale au passage que sur Babelio, le premier qui a pris l'initiative d'introduire une critique est steka, déjà en octobre 2015, critique que je vous recommande vivement de lire.

Vous pensez sûrement que Varian Fry a été couvert de reconnaissances et d'honneurs ? Détrompez-vous ! de son vivant, car il est décédé relativement jeune à l'âge de 60 ans, en 1967, seulement la France lui fit - l'année de sa mort - chevalier de Légion d'honneur. Les autres pays ont été plutôt lents à officiellement honorer ses efforts : les États-Unis lui ont décerné la médaille Eisenhower, à titre posthume, en 1991, et les Israéliens ont même attendu 1995 pour lui attribuer le statut de 'Juste parmi les nations'. Il est vrai qu'il a été le premier américain ainsi reconnu par le Mémorial de la Shoah à Jérusalem, le Yad Vashem. Détail remarquable à ce propos : le consulat général des États-Unis à Marseille, ville à partir de laquelle Fry a lancé ses opérations, se trouve au 12, Place Varian- Fry, ainsi rebaptisé en 2000. Et il n'existe toujours pas un seul timbre postal portant son effigie. Mon petit tuyau à l'Union Postale Universelle (UPU), institution spécialisée de L'ONU : remédier à cela au plus vite.

Ceux qui ont l'impression que je me laisse emporter par mon enthousiasme pour cet héros et que ma critique des réactions officielles est peut être exagérée, j'invite à faire un petit tour sur le site varianfry.org.

Je ne vais pas résumer les exploits de ce personnage hors du commun. Babelio vous offre le choix entre 10 livres en rapport avec ses exploits et je ne tiens pas à nuire le plaisir de votre découverte et lecture.

Je veux ici juste faire deux observations.

Primo, Fry n'a bien sûr pas travaillé tout seul. Il convient de commémorer aussi sa collaboratrice fidèle, Miriam Davenport, artiste-peintre et sculptrice (1915-1999) et le rôle déterminant pour l'obtention difficile de visas, du vice-consul américain de l'époque, Hiram Bingham IV (1903-1988), le diplomate qui a risqué la colère de son ministère des affaires étrangères ('state department') , dont la politique consistait justement à éviter l'immigration des victimes du nazisme. Son humanisme a été puni par un brusque transfert d'abord au Portugal et ensuite en Argentine. Sa carrière mise sur une voie de garage, les filatélistes entre nous peuvent, en revanche, se réjouir de son portrait sur un timbre-poste US de 2006. Bingham est même allé jusqu'à sortir le grand Lion Feuchtwanger d'un camp d'internement et de le loger chez lui. Une troisième personne à ne pas oublier est Marguerite 'Peggy' Guggenheim (1898-1979). Mécène appartenant à l'illustre famille Guggenheim et amie de Jean Cocteau, qui a financé certaines activités de notre ami Varian.

Et là, j'arrive à un deuxième point. La position peu enviable de Fry entre deux feux : d'une part sa dépendance du bien vouloir de ses donateurs, qui, à un certain moment, ont estimé qu'il faisait preuve d'un peu trop d'excès de zèle et d'autre part les autorités collaborationistes en France et en Allemagne, qui voyaient les activités de cet énergumène d'un mauvais oeil. Ces facteurs combinés ont eu comme résultat que Varian Fry n'a pu agir que pendant une période, somme toute, courte : même pas 13 mois, d'août 1940 à septembre 1941. Extrêmement courte, eu égard aux résultats.

Quels livres recommander ? Je suggérerais tout d'abord la dernière version de son propre ouvrage 'Liste noire' et le livre de Bertrand Solet 'Varian Fry : Sauver la culture', ainsi que la biographie de Jacques Grandjonc 'Varian Fry ' et l'ouvrage d'une autre collaboratrice à lui, Mary Jane Gold 'Marseille, années 40'. Sans oublier le livre de Marcel Duchamp 'Varian Fry à Marseille 1940-1941, les Artistes et l'Exil'.

En repassant en revue la liste incomplète d'artistes sauvés par Varian Fry de Wikipedia, j'essaie de m'imaginer une autre liste : celle de toutes les oeuvres d'art produites, après la guerre, par celles et ceux qui ont eu leur vie sauve, et donc la possibilité de créer, justement grâce à Varian Fry.
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