Gravement blessé Evan se remet de ses blessures avec l'assistance d'Alrik avant de rejoindre un fief allié afin d'organiser ses forces dans le but de reprendre le Duché d'Alrik et de vaincre le Baron Klaus. Intrigues politiques et religieuses, enlèvements et meurtres, les alliés vont devoir être forts s'il veulent vaincre le félon qui semble bénéficier de mystérieux appuis …
D'entrée, dans cette suite directe du précédent tome, nous nous retrouvons dans l'action, ce qui n'est pas évident si on n'a plus l'histoire en mémoire. le Saint-Empire au XIII ème siècle n'était pas particulièrement tendre et la romance entre nos héros baigne dans le sang au milieu de trahisons en tous genres. L'auteure nous entraîne vers la conclusion en développant les thèmes abordés dans le tome précédent de manière plus débridée, la romance n'est plus vraiment courtoise, elle devient crue et les moeurs féodaux étayent brutalement le récit. Dans la guerre la fin justifie les moyens et les protagonistes ne font pas dans la dentelle, nous sommes loin de l'ambiance des tournois. L'Église, les monarques, leurs féaux et les gueux devront tenir leur rôle, l'auteure n'hésitant pas à mettre en scène quelques personnages atypiques dans ce cadre, un guerrier asiatique, un adolescent écuyer musulman, un héros mutilé et l'autre aveugle éperdus d'amour l'un pour l'autre, placés sur un échiquier où des pièces maîtresses attendront le dernier moment pour se révéler.
L'écriture est simple et fluide, un développement qui devrait satisfaire les amateurs d'ambiance médiévale, d'intrigues et d'action.
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— Réfléchis ? Tu ne comprends pas : je ne peux pas être cantonné au rôle que m’impose mon sexe ! Parce que je suis un homme, je devrais tomber amoureux d’une femme, l’épouser, la culbuter et engendrer une pléthore de petits héritiers. À la nuance près que cela ne se commande pas, je ne les apprécie pas comme je le devrais. Et même si je souhaitais avoir des enfants, c’est plus que fortement compromis depuis les croisades. Quant à toi, avec ton beau sourire, tu ne sais pas ce que cela implique. Je préfère rester seul, tu comprends ? Tu n’es pas comme moi. Tu as déjà aimé des femmes, tu peux continuer.
Ma voix tremblait, rauque, cassée, pitoyable. Comment lui expliquer que j’avais perdu mon innocence, lui qui n’avait pas connu l’Evan d’autrefois ? Que je ne serais jamais plus entier. J’avais fini par m’accepter, malgré ce que pensaient les autres : Dieu n’aurait jamais condamné l’amour, peu importe qu’il lie deux hommes ou deux femmes plutôt qu’un homme et une femme. Les croisades m’avaient en un sens libéré, même si je traînais à jamais certains cauchemars et les blessures sur mon corps. Cependant, Alrik, avec ses avances, remettait tout en cause.
S’il voulait vraiment qu’il ne m’arrive rien de fâcheux, il n’aurait pas dû m’embrasser ainsi ! Je m’apprêtais à combattre, les parties douloureuses et engorgées, plus mené par la frustration que le bon sens. Mordieu ! Rien que de penser à ses lèvres m’enflammait ! C’était la troisième fois, au moins, qu’il ramenait ma chair morte à la vie. Mordiable ! Cela arrivait trop souvent. Au moins était-ce encourageant de me savoir de nouveau capable d’érection.
Mais que faire ? Je ne pouvais pas entrer dans les appartements d’Alrik, lui annoncer qu’il avait gagné, que je me rendais à ses arguments, l’étreindre et l’embrasser partout jusqu’à le supplier d’en faire de même. Aussi, mieux valait s’abrutir de travail et de bataille. Quant à ma survie, qu’il en aille selon la volonté de Dieu.
Sur ces mots, je finis de rassembler mes affaires, enfilai mes bottes et avant qu’il ne puisse me retenir quittai les berges de la rivière. Niveau niaiserie à trois sous, j’en avais assez soupé ! Je n’avais pas envie qu’il me susurre encore que c’était moi, tel que j’étais, qui l’attirait, qu’il aimait. Peut-être au fond risquai-je de le croire…. Tu le crois déjà !
Non, il fallait être totalement à côté des réalités pour penser que cela puisse fonctionner pour les vingt à trente années suivantes ! Parce que si je m’engageai, ce serait pour le restant de mes jours ! Si nous survivions à la reconquête de son fief. S’il survivait, lui, car les hommes qui entraient dans ma vie avaient la fâcheuse tendance à disparaître trop vite.
Merde ! Cela faisait plus mal que je ne le pensais et était bien plus grave que ce à quoi je m’étais préparé. La voix de Théophraste de Ty résonna dans mon esprit : « Il ne faut jamais hésiter à s’attaquer à la famille de nos ennemis ». Ce monstre avait raison. Klaus allait me renvoyer mon écuyer en pièces détachées. Et diantre ! Comment Ali avait-il pu se faire prendre ? Tristesse et colère se mêlèrent en un magma d’émotions. L’envie de me lever pour aller le récupérer me tordait les entrailles. Au lieu d’exploser, je muselai ma rage et inspirai profondément.
J’avais acquis une solide réputation de guerrier, ici comme en Terre sainte. Théophraste de Ty m’avait recommandé comme un sujet utile et loyal. L’archevêque de Jérusalem avait assuré que je pouvais concevoir. Par ailleurs, depuis l’affaire de Jacques, il n’y avait plus eu un seul mot au sujet de ma préférence sexuelle. Lukas n’avait pas assez de preuves pour me faire condamner par je ne sais quel larbin de l’église ou inquisiteur trop zélé, et j’avais des alliés trop puissants dans le corps ecclésiastique. Le meurtre semblait donc plus simple.