Jour de pluie
La pluie gratte au carreau,
Insistante et livide ;
Longtemps son oeil humide
Y sanglote à grande eau.
Blotti près du fourneau
Le chat semble un vieux druide ;
La pluie gratte au carreau,
Insistante et livide.
Inlassable ruisseau
De sa plainte liquide
Où la vitre se ride ;
Sans guêtres ni manteau
La pluie gratte au carreau.
Nocturne
En l'eau verte de la mare
Une rainette a sauté,
Fuyant la société
D'un sieur hibou trop musard.
Minuscule tintamarre
Dans la nuit tiède et bleutée ;
En l'eau verte de la mare
Une rainette a sauté.
Princesse des nénuphars,
Serais-tu belle enchantée
Par maléfice jetée
- O sortilège barbare !-
En l'eau verte de la mare ?
Frisson
Tombera, tombera pas ?
La neige sur la margelle
- Longuement sans qu'il ne gèle-
Embellirait les frimas.
L'ombre chère de vos pas
Avant peu s'y perdra-t-elle ?
- Tombera, tombera pas,
La neige sur la margelle...
Nous irons bras contre bras
Et la fière citadelle
Défendue par votre ombrelle
De l'assaut des flocons bas
- Tombera, tombera pas ?
L'atelier du soir (extraits)
Quel ange à la brune
Ouvrant son volet
Dresse sous la lune
Un long chevalet ?
Le voilà qui pose
Sur le fond du ciel
Des aplats de rose
Ou couleur de miel ;
Prophétie (extrait)
Dans le vieux mur que le temps mine
Secret abri, sombre décor,
Sans qu'ici oncques se devine
Sous la mousse plus qu'une ruine,
- Savant grimoire ou sequins d'or ?
Dans le vieux mur dort un trésor
Le Merle
Monsieur merle a mis
Son plus bel habit
En visite matinière ;
Le bec orangé,
La plume arrangée,
L'oeil tout cerclé de lumière !
- Merle mon ami
Qui t'en viens ici
Siéger devant ma fenêtre,
L'aurore gorgée
De ton chant léger
A mis en joie tout mon être.
Métamorphose
Ce sont sornettes, menteries,
Rêves creux, contes saugrenus ;
Folles fables pour ingénus,
Extravagantes songeries...
Foin de toute cette féérie !
Dryades et dragons cornus,
Licornes ou lutins chenus,
Je les tiens pour bouffonnerie.
Ah ! Que je sois ici mué
En crapaud noir, triste et hué,
Si ce n'est là pure chimère !
- Mais quoi, soudain quelle lourdeur ?
Et cette épouvantable odeur !
Et puis ce goïtre touchant terre...