Citations sur Eldorado (402)
Nous ne pouvons que vieillir ensemble desormais, mon frère. Je deviens fou si je te perds. Je ne veux pas voir mes fils lever les yeux au ciel lorsque je leur parlerai, pour la centième fois, du cousin du Port-Soudan. Que comprendront nos enfants à ces deux vieillards nostalgiques que nous serons devenus? Les rites que nous leur enseignerons les ennuieront. La langue que nous leur parlerons leur fera honte. Nos habits. Notre accent. Ils voudront se cachet de nous. Et nous le sentirons. Car il nous arrivera à nous-même de vouloir nous cacher. Je ne veux pas entendre soupirer lorsque je dirai que la menthe du jardin de ma mere etait la meilleure au monde, alors je ne leur dirai pas. Et c'est vers toi que j'irai. Toi seul seras d'accord avec moi. Ces evocations lointaines, comme à moi, te feront du bien. Nous gouterons Le doux souvenir des exiles qui parlent de leur manque pour tenter de Le combler. Nous vieillirons ensemble, mon frère. Promets-Le- moi. Ou je ne vieillirai pas.
Il se demanda (...) si lui aussi à trop croiser la misère n'avait pas fini par assécher son humanité.
Et une dernière citation :
"Je voudrais sourire car je me sens la force d'un titan. J'ai sauté sur l'Europe. J'ai emjambé des mers et sauté par dessus les montagnes. "
Il pensa aux corps (...) il les voyait disparaître de la surface puis continuer à flotter dans les courants sous-marins, comme de grands oiseaux, bras écartés et bouche ouverte, loin du tumulte de la surface. Combien d'hommes étaient en train de mourir ainsi cette nuit, sans cri, sans témoin, avec leur seule peur pour escorte ? Il contemplait la mer tout autour de lui et il aurait voulu hurler. [...] Alors il demanda à Matteo de faire retentir la sirène en continu. Pour que les flots soient remplis de ce bruit. (...) Pour dire qu'ils avaient tout fait pour les trouver et pour s'excuser de n'y être pas parvenus.
- Vous dépouillez des miséreux, dit alors Salvatore Piracci en serrant les dents.
- J'ai été comme eux, répondit-elle. Je sais ce qu'ils endurent. Et crois-moi, ils sont soulagés de trouver quelqu'un à qui donner leur argent, quelqu'un qui va prendre en charge leur douleur et leur offrir ce qu'ils veulent. Si je ne le faisais pas, d'autres le feraient. Plus mal. Et plus cher. Mes clients sont pauvres. Oui. Mais je ne vois pas pourquoi je devrais ajouter à leur désespoir en leur refusant la traversée. Ils se jetteraient à la mer pour y aller à lanage, s'ils ne m'avaient pas.
Je me suis trompé. Aucune frontière n'est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s'arracher la peau pour quitter son pays. Et qu'il n'y ait ni fils barbelés ni poste frontière n'y change rien. J'ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l'on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes.
Je me suis trompé. Aucune frontière n'est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s'arracher la peau pour quitter son pays. Et qu'il n'y ait ni fils barbelés ni poste frontière n'y change rien. J'ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l'on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes.
Mais au fond, depuis cette époque où il était un jeune homme passionné de mer, fier de la rutilance de son uniforme et qui aurait avalé tous les océans avec un appétit féroce, rien n’avait changé. [...]
C’était toujours les mêmes nuits passées à l’écoute des vagues, traversées, parfois, par les cris d’un désespéré qui hurle vers le ciel du fond de sa barque. Toujours les mêmes projecteurs braqués sur les ondes à la recherche d’embarcations.
Toujours ces foules hagardes de fatigue qui n’ont ni joie ni terreurs lorsqu’on les intercepte. Des hommes sans sacs. Ni argent. Au regard grand ouvert sur la nuit et qui ont soif, au plus profond d’eux-mêmes, de terre ferme.
Toujours des cadavres, aussi. Ceux qui se sont perdus trop longtemps et qui, faute de vivres ou faute de force pour continuer à ramer, gisent à fond de barque, les yeux ouverts sur le vent qui les a perdus.
Nous ne laissons rien derrière nous, qu'un manteau lourd de pauvreté.
p72 . Le second avait dit juste : la mer était sauvage. Elle n'était pas en furie, elle ne cherchait pas à engloutir à tout prix les hommes, elle vivait simplement,sans en tenir compte. C'est ce qui leur donna à tous la sensation qu'il valait mieux ne pas trop se faire remarquer, faire le moins de bruit possible, ne pas la heurter frontalement. Il était préférable qu'elle continue à ignorer leur présence.