AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Eldorado (402)

- Comment l’appelles-tu ?
- Massambalo. Il a plusieurs noms. Il vit quelque part en Afrique, terré dans un trou dont il ne sort jamais.
- Comment sait-on à quoi il ressemble alors ?
- Lui, on ne sait pas, reprit le conteur. Mais il a des esprits qui voyagent pour lui. On les appelle « les ombres de Massambalo ». Elles sillonnent le continent. Du Sénégal au Zaïre. De l’Algérie au Bénin. Elles peuvent revêtir différentes formes : un enfant gardant quelques chèvres sur le bord d’une route. Une vieille femme. Un chauffeur de camion au regard étrange. Ces ombres ne disent rien. C’est à travers elles que Massambalo voit le monde. Il voit ce qu’elles regardent. A travers elles, il veille sur les centaines de milliers d’hommes qui ont quitté leur terre. Ces ombres sont toujours en route. On ne les voit qu’une fois. Le temps d’une halte. D’un voyage. Elles ne parlent pas. Ne révèlent jamais qui elles sont. C’est au voyageur qui les croise de deviner leur identité. S’il le fait, il doit s’approcher doucement, avec respect et poser cette simple question : « Massambalo ? ». Si l’ombre acquiesce, alors, il peut lui laisser un cadeau. L’ombre de Massambalo prend l’offrande et la conserve. C’est signe que le périple se passera bien. Que le vieux dieu veillera sur vous. [...]

Les hommes, dans la nuit, se racontaient des histoires pour se faire briller les yeux. Le vieux monde n’était pas mort. Il était encore des êtres secoués d’impatience qui souriaient au rêve toujours recommencé du lointain bonheur que l’on va chercher.
Commenter  J’apprécie          171
J'ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l'on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes.
Commenter  J’apprécie          170
Combien de fois s'était-il senti comme quelqu'un qui vient de faire un pas en arrière de sa vie et constate que le monde continue sans lui, que son absence n'est même pas notée?
Commenter  J’apprécie          170
L'Eldorado, commandant, ils l'avaient au fond des yeux. Ils l'ont voulu jusqu'à ce que leur embarcation se retourne. En cela, ils ont été plus riches que vous et moi. Nous avons le fond de l'œil sec, nous autres. Et nos vies sont lentes.
Commenter  J’apprécie          170
Le monde est trop grand pour mes pieds mais je poursuivrai.
Commenter  J’apprécie          170
 Et nos enfants, Jamal, nos enfants ne seront nés nulle part. Fils d'immigrés là où nous irons. Ignorant tout de leur pays. Leur vie aussi sera brûlée. Mais leurs enfants à eux seront saufs. Je le sais. C'est ainsi. Il faut trois générations. Les enfants de nos enfants naîtront là-bas chez eux. Ils auront l'appétit que nous leur avons transmis et l'habileté qui nous manquait.
Commenter  J’apprécie          160
 Combien de fois dans ta vie, Salvatore, as-tu vraiment demandé quelque chose à quelqu'un ? Nous n'osons plus. Nous espérons. Nous rêvons que ceux qui nous entourent devinent nos désirs, que ce ne soit même pas la peine de les exprimer. Nous nous taisons. Par pudeur. Par crainte. Par habitude.
Commenter  J’apprécie          161
Un bateau rempli d'émigrants. Des centaines d'hommes et de femmes qui dérivaient depuis trois jours.
Lorsque les marins italiens montèrent à bord, munis de puissantes lampes torches dont ils balayaient le pont, ils furent face à un amas d'hommes en péril, déshydratés, épuisés par le froid, la faim et les embruns. Il se souvenait encore de cette forêt de têtes immobiles. Les rescapés ne marquèrent aucune joie, aucune peur, aucun soulagement. II n'y avait que le silence, entrecoupé parfois par le bruit des cordes qui dansaient au rythme du roulis. La misère était là, face à lui. Il se souvenait d'avoir essayé de les compter ou du moins de prendre la mesure de leur nombre, mais il n'y parvint pas. Il y en avait partout. Tous tournés vers lui. Avec ce même regard qui semblait dire qu'ils avaient déjà traversé trop de cauchemars pour pouvoir être sauvés tout à fait.
Ils firent monter à bord chacun d'entre eux. Cela prit du temps. Il fallut les aider à se lever. À marcher. Certains étaient trop faibles et nécessitaient qu'on les porte. Une fois à bord, ils distribuèrent des couvertures et des boissons chaudes. Ce jour-là, ils les sauvèrent d'une mort lente et certaine, Mais ces hommes et femmnes étaient allés trop loin dans le dégoût et l'épuisement. Il n'y avait plus rien à fêter. Pas même leur sauvetage. IIs étaient au-delà de ça.
Commenter  J’apprécie          150
Nous n'osons plus. Nous espérons. Nous rêvons que ceux qui nous entourent devinent nos désirs, que ce ne soit même pas la peine de les exprimer. Nous nous taisons. Par pudeur. Par crainte. Par habitude. Ou nous demandons mille choses que nous ne voulons pas mais qu'il nous faut, de façon urgente et vaine, pour remplir je ne sais quel vide.
Combien de fois as-tu vraiment demandé à quelqu'un ce que tu voulais ?
Commenter  J’apprécie          150
Nous ne pouvons que vieillir ensemble désormais, mon frère. Je deviens fou si je te perds.

Je ne veux pas voir mes fils lever les yeux au ciel lorsque je leur parlerai, pour la centième fois, du cousin de Port-Soudan.

Que comprendront nos enfants à ces deux vieillards nostalgiques que nous serons devenus ? Les rites que nous leur enseignerons les ennuieront. La langue que nous leur parlerons leur fera honte. Nos habits. Notre accent. Ils voudront se cacher de nous. Et nous le sentirons. Car il nous arrivera à nous-mêmes de vouloir nous cacher.

Je ne veux pas les entendre soupirer lorsque je dirai que la menthe du jardin de ma mère était la meilleure au monde, alors je ne leur dirai pas.

Et c’est vers toi que j’irai. Toi seul seras d’accord avec moi. Ces évocations lointaines, comme à moi, te feront du bien.

Nous goûterons le doux soulagement des exilés qui parlent de leur manque pour tenter de le combler. Nous vieillirons ensemble, mon frère. Promets-le moi. Ou je ne vieillirai pas.
Commenter  J’apprécie          150






    Lecteurs (7115) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Laurent Gaudé

    En quelle année est né Laurent Gaudé?

    1965
    1967
    1970
    1972

    10 questions
    175 lecteurs ont répondu
    Thème : Laurent GaudéCréer un quiz sur ce livre

    {* *}