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3,9

sur 1605 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voici un livre d'amour et de violence, de vie et de mort, de souffrance et de rédemption …
Livre fort, lourd de tout l'inconscient collectif, de toutes les peines humaines, de tous les liens qui nous attachent, nous, êtres humains.

Accompagner le héros de l'histoire aux Enfers, ça ne m'arrive pas tous les jours et forcément, ça laisse une trace.
Matteo veut accomplir la supplique insensée de sa femme Giuliana : ramener leur enfant mort de là où il croupit. Celle-ci ne rend pas compte de ce qu'elle demande ! Car l'Enfer est digne de nos pires représentations : le labyrinthe souterrain, la porte de bronze, le fleuve des âmes en peine, la spirale vers le Néant. C'est tout à fait « l'Enfer » de Dante !
Moi-même me suis sentie aspirée, je m'anéantissais au fur et à mesure de la lecture, mais c'est pour mieux revivre. Accompagnée pendant cette lecture (et encore après !) du cortège de mes morts, je suis ressortie de ce livre soulagée et heureuse de vivre.
Je quitte peu à peu cet habit de souffrance que j'ai revêtu tout au long des pages et je ne pense plus qu'à l'amour qui peut faire accomplir des miracles. Oui, je sais, c'est le plus éculé des clichés, mais il s'agit bien de ça, ici. Cette histoire est traversée de part et d'autre par un amour violent, celui d'une mère et d'un père pour leur enfant.

Poignant, ténébreux et lumineux, fort de cette force qui gronde en nous, fleuve souterrain qui coule en l'Homme depuis la nuit des temps, ce roman, « La porte des Enfers », s'est refermé avec un bruit de tonnerre qui m'ébranlera encore longtemps.
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L'année 2016 se referme en douceur avec une belle découverte, celle de Laurent Gaudé.
J'avais été ébloui avec " le soleil des Scorta ", un doux mélange d'odeurs et de chaleur. " La porte des enfers" c'est un autre décor, on a quitté la région des Pouilles, on se retrouve à Naples, le soleil a disparu laissant la place au crépuscule et aux ténèbres. Nous sommes dans les années 80, Matteo accompagne son fils Pippo à l'école, soudain une balle perdue atteint l'enfant de 6ans.
Pour Matteo et Giuliana c'est la descente en enfer qui commence.
" La porte des enfers" est un voyage difficile à travers le chagrin, c'est le récit magnifique d'un père et d'un fils.
Laurent Gaudé nous parle si bien de l'amour filial et de la séparation, on se sent happé par ses mots, on ne peut que penser à nos disparus, ce fut le cas pour moi à travers ces deux citations prisent dans le roman.
" La porte des enfer m'a profondément ému, mais quel magnifique roman.
bonne année à vous tous
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C'est mon premier livre de Laurent Gaudé et je suis conquise . Quelle belle écriture, quelle sensibilité !
Le roman commence par la mort tragique en 1980 de Pippo six ans, dans les rues de Naples.
La façon dont Matteo, le père et Giuliana, la mère "gèrent" ce deuil est décrit avec pudeur et force. Puis nous passons en 2002 lorsque Pippo revient des enfers pour se venge. OUi, le roman bascule alors dans une fable. Mais quelle fable !, c'est bouleversant.
Lorsque Mattéo et Don Mazerotti nous emmènent en enfer, nous sommes happés par les ombres qui restent "vivantes" tant que ceux du monde des vivants pensent à eux.
Ici , la frontière entre la vie et la mort est fine, troublante et décrite avec poésie et force.
La fin est très émouvante!!! Merci Monsieur Gaudé !
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Et si ...
Et si Pippo n'était pas le fils de Giuliana et de Matteo .
S'il était ton gamin , ce petit qui sait , à peine , faire pipi tout seul . Celui dont tu serres la main , ce matin , pour courir plus vite car vous êtes terriblement en retard ; l'école risque de fermer ses portes aux traînards .
Soudain , il s'écroule à tes pieds . Une balle effrénée , illégitime , s'est plantée dans son corps si menu; son sang s'est mit à couler ; son coeur s'est arrêté ; l'éclat de ses yeux noirs a disparu .
Ton enfant , cette partie , la plus importante de toi-même , a cessé d'exister .
On l'a assassiné !
Pourquoi ?
Pourquoi lui ?

Mais Pippo est bien le fils chéri des " de Nittis " .
Des personnes , simples et honnêtes , qui vivent dans le courage et la foi , malgré la criminalité qui éclabousse " Napoli " cette ville de mafiosi où l'honneur et la vengeance s'associent à de nombreux habitants .

Comment un Napolitain peut-il annoncer à la " mamma " que leur fils unique , le sang de leur sang , le souffle de leur vie , s'est envolé vers le Paradis , parce qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment ; que la la balle qui l'a massacré était destinée à un truand ?

Un jour , les larmes de Giuliana ont fini par se tarir pour révéler des orbites vides , sans âme , de vraies soeurs du néant .
Dans un dernier instant de lucidité , elle a imploré son mari : " Rends-moi mon fils , Matteo . Rends-le-moi , ou , si tu ne peux pas , donne-moi au moins celui qui l'a tué ! " .

Matteo est brave mais il n'est pas un meurtrier .
Doit-il renoncer à la vendetta et partir à la recherche de son gosse ?
Car si sa femme adorée perd de plus en plus la tête , il n'en est pas loin , lui aussi . Il vit dans les ténèbres de la nuit , à bord de son taxi , arpentant les chemins sombres de la cité .
Telle une chauve-souris , ce pauvre hère se gare dans des endroits bizarres que fréquentent surtout des marginaux . Il les discerne péniblement jusqu'à cette minute où surgit Grâce , une habituée des jeux sordides de la chair fraîche .
" A l'église Santa Maria del Purgatorio , s'il vous plaît ... Spaccanapoli . "
" Dépêchez-vous , je dois me confesser " .
Il est quatre heures du matin !

Il va l'attendre comme on attend le Messie !
Cette " Grâce " , au sexe indéfini , l'intrigue . Avec le temps , Ce personnage croustillant va devenir une amie et remplacer sa mère , dans ce café où se tiennent compagnie quelques soiffards , amateurs de vin italien ,bien sûr .

" Toi , tu as besoin d'un café , d'un vrai . Un de ceux qui remettent à l'endroit . Est-ce que tu sais que Garibaldo a le don de faire n'importe quel café ? " .

Et si ...
Le café de Garibaldo , un peu trafiqué , un peu stupéfiant , amélioré aux paroles mielleuses du professeur Provolone ajoutait un certain pouvoir à la crédulité de notre boniface ?
En plus de ce lieu ténébreux , magique qu'est le " Vésuve " avec ses pentes d'ombres qui se fendent pour ouvrir "la porte des Enfers " vers le Feu Eternel " !
Qui sait quelle douce lumière et quel amour se dégageraient de toutes ces âmes parties avec un peu de nous-mêmes , pour y accompagner Matteo à la recherche de Pippo ?

Plus je pénètre dans le monde de Laurent Gaudé ,plus je suis impressionnée , comme envoûtée par son écriture imagée , rapide comme " un sortilège de transfert " à la Harry Potter , à la limite des ombres et des lumières .
Quel maître ! Quel poète !
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Laurent Gaudé est un auteur français que j'affectionne particulièrement.

J'ai acheté ce livre il y a quelques années maintenant, après une visite du Musée Rodin où j'avais été complètement absorbée par l'immense porte de l'Enfer de l'artiste. Ce chef d'oeuvre devait initialement décorer la façade du musée d'Arts décoratifs et traduire la vision de l'Enfer de Dante Alighieri.
La seconde raison qui m'avait fait choisir ce livre parmi tant d'autres est mon attirance pour la mythologie, le titre me rappelant un de mes récits préférés, celui d'Orphée descendant aux Enfers pour sauver sa femme Eurydice.

« La porte des Enfers » est ancrée dans la réalité d'aujourd'hui et a pour toile de fond Naples mais l'univers antique donne le charme de l'ancien.
Laurent Gaudé explore les grands thèmes de la tragédie classique, à savoir, la vie et l'après-vie, la perte et le deuil, la culpabilité et la vengeance, l'héroïsme et le sacrifice, le pardon et la rédemption.

*
Dès les toutes premières pages, je me suis détachée de la réalité, je me suis abandonnée à ce récit ancré dans une réalité contemporaine. J'étais au côté du petit Pippo et de son père Matteo, courant dans les rues napolitaines pour arriver à l'heure à l'école. Je sentais le drame, là, tout proche, imperceptible, angoissant, et pourtant inévitable.
Le destin est parfois si injuste, si révoltant. Si Mattéo avait ralenti pour laisser Pippo reprendre son souffle, si Mattéo avait choisi de l'emmener en voiture, s'ils étaient partis à l'heure, si … , si … , il n'aurait suffi que de quelques secondes pour éviter le drame, mais Pippo n'atteindra jamais les portes de son école.

« Je suis pliée en deux sur cette dalle de marbre et je bave de rage. Maudite soit-elle cette pierre que je n'ai pas choisie et qui recouvre désormais pour l'éternité mon enfant. J'embrasse tout cela du regard et je crache par terre. Je ne viendrai plus jamais ici. Je ne déposerai aucune couronne. Je n'arroserai aucune fleur et ne ferai plus jamais aucune prière. Il n'y aura pas de recueillement. Je ne parlerai pas à cette pierre, tête basse, avec l'air résigné des veuves de guerre. Je ne viendrai plus jamais parce qu'il n'y a rien ici. Pippo n'est pas là. Je maudis tous ceux qui ont pleuré autour de moi croyant que c'est ce qu'il fallait faire en pareille occasion. Je sais, moi, et je le redis : Pippo n'est pas là. »

Avez-vous déjà ressenti cette impression étrange que le monde continuait à tourner, à avancer autour de vous, vivant, joyeux, insouciant, totalement inconscient de votre immense peine ?
Avez-vous déjà ressenti que vous ne faisiez plus parti de ce monde, qu'il vous avait rejeté pour vous catapulter dans un monde hors du temps, irréel, figé, vous laissant démuni, perdu, vide et seul au bord du chemin ?
Je ne peux imaginer la douleur de perdre un enfant, mais lire ce roman a été une lecture éprouvante et sombre. La peine de ces deux parents m'a rappelé mes peines et ceux que j'ai perdus.

« En disparaissant, les morts emportent un peu de nous-mêmes. Chaque deuil nous tue. Nous en avons tous fait l'expérience. Il y a une joie, une fraicheur qui s'estompe au fur et à mesure que les deuils s'accumulent... Nous mourons chaque fois un peu plus en perdant ceux qui nous entourent... »

*
Pour Mattéo et sa femme Giuliana, la vie a perdu tout sens, la mort de leur unique enfant a marqué le début d'une longue descente aux enfers. Entre eux, l'absence du petit garçon, le vide qu'il a laissé, crée un gouffre que plus rien ne peut combler et détruit leur relation.

« Ils ne pouvaient plus rien l'un pour l'autre, que s'écorcher de leur présence commune, de leurs souvenirs douloureux et de leurs pleurs secrets. »

Laurent Gaudé restitue avec beaucoup de force et d'émotions, la douleur que peuvent ressentir des parents en deuil de leur enfant.
Chacun vit son chagrin de manière différente : Matteo, chauffeur de taxi, aux prises avec un sentiment de honte, a choisi le silence de la nuit, conduisant sans but, sans passagers, dans les ruelles sombres de Naples.
Le coeur de Giuliana s'est arrêté de battre, il se noie dans la solitude, la douleur, la haine et les souvenirs d'une vie heureuse. Au bord de la folie, elle réclame vengeance, demandant à son mari le meurtrier de son enfant, ou que Pippo lui soit rendu.

*
Une nuit, une femme étrange monte dans le taxi de Matteo, sans lui laisser le temps de refuser la course. Elle demande à être déposée devant le parvis d'une église. Pour paiement de sa course, elle l'invite à commander ce qu'il veut dans le café d'en face, le début d'un voyage dantesque dans la cité des morts.

“Pourquoi disiez-vous que la vie et la mort étaient plus imbriquées qu'on ne le pense ?” demanda-t-il après un temps.
Le professore se passa la main sur le visage, sourit avec douceur et répondit :
“Parce que c'est vrai… La société d'aujourd'hui, rationaliste et sèche, ne jure que par l'imperméabilité de toute frontière mais il n'y a rien de plus faux… On n'est pas mort ou vivant. En aucune manière… C'est infiniment plus compliqué. Tout se confond et se superpose… Les Anciens le savaient… le monde des vivants et celui des morts se chevauchent. Il existe des ponts, des intersections, des zones troubles… Nous avons simplement désappris à le voir et à le sentir…”

C'est à partir de ce moment-là que le récit va prendre une nouvelle dimension, nous emportant dans un univers où des passerelles existent entre le monde des vivants et le royaume des morts. Déterminé à retrouver Pippo, Mattéo va franchir une de ces portes et descendre dans le monde souterrain pour arracher son fils des griffes de la mort. C'est un voyage étrange, terrifiant qui demande du courage, de l'abnégation, mais la force de son amour est telle qu'il avance, sans se retourner.

J'ai accompagné Mattéo dans l'Au-Delà.
La vision de Laurent Gaudé est lugubre, cauchemardesque, emplie de gémissements et de cris apeurés. Les descriptions des limbes sont impressionnantes, peuplées de visages défigurés et tourmentés, d'ombres pressantes et plaintives. On a l'impression d'entrer dans les tableaux de Jérôme Bosch, mais il se dégage également une atmosphère fascinante et mystérieuse qui donne envie de poursuivre sa lecture, de franchir les obstacles pour retrouver l'enfant et le sauver de ce monde terrifiant.

*
L'imaginaire romanesque de Laurent Gaudé rassemble tout ce que j'aime dans ce récit : une écriture poétique d'une incroyable justesse qui trouve un parfait équilibre entre réalité et imaginaire, regrets et vengeance, amour et deuil, lumière et ténèbres, douceur et force.

Entre récit épique, voyage initiatique, conte fantastique et univers mythologique, la voix de l'auteur combine passé et présent, y insérant une dose de réalisme magique.
Il nous livre un roman aussi envoûtant qu'émouvant, aussi profond que captivant. Les mots de l'auteur, entre amour et douleur, remords et rédemption, silence et colère, désir de se faire justice et rédemption, mettent les émotions à vif.

« Chaque mort, en disparaissant, emmène avec lui un peu des vivants qui l'entourent."

J'aime la puissance évocatrice de Laurent Gaudé : ses mots sont comme un torrent tumultueux et puissant qui dévale les pentes d'une montagne. Ils bondissent, se fracassent contre les rochers, se jettent à l'assaut des rapides.

Mais s'il s'agit d'une histoire sur la perte et le deuil, il s'agit aussi d'une magnifique histoire d'amour.
Cet amour maternel est si douloureux qu'elle choisit le silence des souvenirs.
Cet amour paternel est si beau, si puissant qu'il transcende tous les obstacles.
Et le récit, peuplé d'ombres et d'une tristesse infinie au départ, se paillette alors de petits éclats de lumière au fil du récit. Les mots empruntent des sentiers plus calmes, et même si la douleur est toujours présente, le récit est porteur de vie, d'espoir et d'apaisement.

*
Laurent Gaudé a créé de très beaux personnages, en particulier Pippo et ses parents. J'ai eu une affection particulière pour ce père remarquablement dépeint, sa douleur qui ne l'éteint pas, mais au contraire le magnifie.

*
Pour conclure, « La porte des enfers » nous plonge dans un univers troublant, fort en émotions.
C'est une oeuvre d'une beauté ténébreuse qui nous renvoie à l'inéluctabilité de la mort, nous rappelle la fragilité de la vie et l'importance de vivre chaque instant pour ne rien regretter.
C'est une lecture immersive, éprouvante, fascinante, inattendue mais l'écriture de Laurent Gaudé a su la rendre intense et émouvante.
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Encore une fois, Laurent Gaudé fait preuve d'une imagination débordante et nous emmène avec lui dans son univers.
Il nous raconte l'histoire triste de cette famille qui doit essayer de vivre, après la mort accidentelle de leur fils, Pippo, tué lors d'une fusillade. Après ce décès, Mattéo, le papa, restera inconsolable et tentera par tous les moyens d'apaiser sa douleur. Quant à Giuliana, la maman,elle, décidera de tout quitter et d'oublier son mari et son fils.
Au cours de ses rencontres, Mattéo se fera de nouveaux amis: un travesti, un curé, un patron de bar et un professeur qui l'aideront à soulager sa douleur.
Dès les premières pages, on se demande quel est le lien qui unit Pippo et Filippo ? Qui est ce Filippo qui se venge 20 ans plus tard ? Qu'est ce qui se cache derrière cette porte des Enfers ?
Véritable auteur imprévisible, Laurent Gaudé a su traiter un sujet aussi délicat que la perte d'un enfant, sans tomber dans le pathos. L'écriture est riche, maîtrisée et sensible.
On ne peut malheureusement lire ce livre sans penser à nos proches disparus, trop vite ou trop brutalement.
Un roman fantastique plein d'émotion et d'amour véritable.
Un petit coup de coeur ... et un petit coup au coeur, car, comme Mattéo, j'aimerai pouvoir franchir La porte des Enfers...

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Cette histoire se passe une fois de plus dans le sud de l'Italie, à Naples plus précisément, car Laurent Gaudé connaît bien cette région dont sa femme est originaire.
Deux parents perdent leur enfant dans des circonstances tragiques, mais leur réaction est totalement différente : la mère cherche à oublier (en voyant son espoir de vengeance déçu), le père fait tout pour revoir son fils, il ira le chercher dans le royaume des morts, d'où le titre.
Ce roman est émouvant, j'ai eu plusieurs fois la gorge nouée en le lisant. L'atmosphère de cette ville cruelle est parfaitement rendue. Un certain suspense est maintenu.
Et surtout les personnages sont analysés abruptement, avec leurs qualités et leurs défauts, sans concessions. Il en est de même pour les relations des uns avec les autres.
Pour ma part, les cinq étoiles que j'ai attribuées à ce livre d'un de mes auteurs préférés sont largement méritées !
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J'ai approché et découvert l'Enfer, celui dont Matteo et Giuliana ont franchi les portes quand ils perdent leur fils, Pippo, âgé de 6 ans, victime innocente d'une fusillade. L'Enfer existe et ils y vivent depuis, le couple n'ayant de cesse de retrouver Pippo, de le ramener auprès d'eux, comme le supplie Giuliana  : "Ramène-moi Pippo", c'est la seule chose qu'elle lui demande et qu'il ne peut lui donner car, une fois franchit les portes de la mort, personne n'en revient, tout le monde le sait. Alors Giuliana disparait sans laisser de traces et laisse Matteo à son désespoir, celui de n'avoir su ou pu protéger son fils, de n'avoir pu le sauver, celui de les avoir perdu tous les deux.

Mais c'est un roman de Laurent Gaudé et avec lui toute histoire prend une autre dimension. Il en fait une sorte de conte où la frontière entre la mort et la vie se situe dans les entrailles de Naples, derrière des portes secrètes qu'il va découvrir grâce à des rencontres de solitudes : un prêtre, un patron de café, un étrange professore et une femme qui n'est pas une femme, ni une mère mais qui l'est aussi. La narration est à plusieurs voix : celle de Pippo adulte, celle de Matteo désespéré et celle de Giuliana inconsolable et tout cela se tisse à plusieurs époques.

Cela vous semble confus mais n'oubliez pas : Laurent Gaudé est le guide et on peut lui faire confiance,  il nous mène aux portes de l'Enfer et lui seul en possède les clés et nous montre le chemin. Il vous balade dans le temps, il vous ouvre un monde, celui des ténèbres qui ne sont pas uniquement en enfer mais aussi sur terre, où les ombres rodent, errent, espèrent et attendent de disparaître définitivement. 

"La société d'aujourd'hui, rationaliste et sèche, ne jure que par l'imperméabilité de toute frontière mais il n'y a rien de plus faux.... On n'est pas mort ou vivant. En aucune manière... C'est infiniment plus compliqué. Tout se confond et se superpose... Les Anciens le savaient.. le monde des vivants et celui des morts se chevauchent. Il existe des ponts, des intersections, des zones troubles... Nous avons simplement désappris à le voir et à le sentir... (p140)"

Et comme toujours, l'auteur ancre son récit dans la violence du monde mais avec toujours une lueur, car malgré les actes il nous offre des personnages lumineux qu'il va chercher dans les bas-fonds d'une ville, Naples, dans laquelle ils vivent et qui offre, à qui se présente à eux avec pour seul bagage sa douleur et son désespoir,  un peu de chaleur et une planche de salut. 

Alors j'ai eu confiance, malgré la violence d'une vengeance, malgré la tristesse de la perte d'un enfant, malgré une quête de l'impossible, malgré parfois une perte de repères sans importance dans le temps et les identités, je savais que le maître des lieux allait me révéler son message. 

Dans une écriture flirtant entre réel et imaginaire, dans un récit où l'Enfer peut se trouver à beaucoup d'endroit, dans la vie, sur terre ou sous terre, visible ou invisible, Laurent Gaudé nous ouvre les portes de la perte, du deuil mais également de la rédemption et de la lumière avec une vision du monde des ténèbres élaborée, construite et à laquelle on pourrait souscrire. Tout est contraste dans ce roman et à la manière d'un conteur il créée un monde où les frontières n'existent plus, où l'amour de l'autre, quel qu'il soit, prend le dessus sur la croyance et les apparences.

Décidément cet auteur sait comment aborder certains thèmes et les transformer en un conte presque philosophique, où il parle de mort et d'amour, de perte et de don de soi, de culpabilité, de vengeance pour en faire un conte lumineux, plein d'espoir où vivants et morts se côtoient et où la mort n'est pas toujours une fin en soi.

Coup de coeur pour l'écriture, la construction, l'ambiance (pourtant sombre). Je suis définitivement une inconditionnelle de cet auteur.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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le mythe des Enfers est bien connu de tous, et en a inspiré plus d'un. Laurent Gaudé le revisite dans cette version moderne aux doux accents de « l'Enfer de Dante » ou du « mythe d'Orphée », et en prenant comme point de départ le drame le plus destructeur qui soit, la perte d'un enfant.

A partir de là, et dans une narration double, alternant chapitres au passé (1980, l'année du drame) et au présent (2000, le présent de l'un des héros), il explore, de sa plume alerte mais pleine d'une sensibilité qui sonne toujours juste, l'intimité de l'humain, sa tristesse, son deuil sans fin, son désir de revanche, l'éloignement, puis la séparation parce qu'on ne sait plus qui est l'autre, on ne sait plus qui ont est.

Ce roman atypique, qui mêle réalité et fantastique sur fond d'Italie et de mafia, n'est pas un roman noir. Non, c'est avant tout une véritable ode à la vie, à l'amour familial, à l'amour tout court. C'est l'histoire de l'amour, de résurrections. C'est un appel à la mémoire, pour que nos chers disparus, part entière de nous-mêmes, ne sombrent pas dans l'oubli. C'est un rappel de ce que nous sommes.

Il fait de cette histoire individuelle, une histoire universelle.

C'est l'un des plus beaux romans qu'il m'ait été donné de lire. Il m'a bouleversée, mais surtout, au gré des rencontres de Matteo avec des personnages en marge de la société, mais ô combien attachants, au gré des surprises qui m'attendaient à chaque nouvelle page, il m'a apaisée.
Lien : http://lelivrevie.blogspot.f..
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La Porte des Enfers, c'est un récit épique cousu de déchirures, une tragédie shakespearienne, une lecture qui porte la douleur immense de la perte, une lecture comme un pont entre les vivants et les morts, des pages qui se tournent, avec nos disparus, immanquablement. L'amour filial, et l'amour maternel, chamboulés jusqu'au plus profond des entrailles, jusqu'à se donner entièrement aux Enfers, jusqu'à se meurtrir les chairs. Crier. Implorer. Parce que la détresse quand on perd un enfant est immense.

Laurent Gaudé nous raconte une émouvante tragédie fantastique, une belle histoire de morts et de vivants, d'amour et de vengeance, de folie et de tendresse, les récits d'une époque à l'autre s'imbriquent, des indices sont distillés tout au long de la lecture et dans le dernier quart, tout fait sens.
Quel talent !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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